Pas un trimestre ne passe sur la planète jeu vidéo sans subir les attaques répétées des forces de l'Imperium et de ses Space Marines. Depuis une décennie, Games Workshop exploite avec ténacité sa licence futuriste Warhammer 40.000. Une pluie de jeux aux genres variés et aux qualités discutables s'abat sans interruption sur les fans. Dans cette tourmente, une saga réussit à tirer son épingle du jeu... la série de jeux de stratégie Dawn of War dont les deux premiers opus sortirent respectivement en 2004 et 2009. Et cette soif de conquête trouve un nouveau souffle en 2017. Sega et le studio Relic Entertainment enfilent ainsi leur armure pour une troisième campagne d'évangélisation. Warhammer 40.000 : Dawn of War III détrônera-t-il les cadors du petit monde du jeu de stratégie ? Une chose est sûre. Les forces impériales répandront la bonne parole à travers les astres vidéoludiques.
Une croisade inquisitrice en solitaire
Depuis des siècles, les troupes de l'empereur éclairent de leur savoir et de leur foi les confins de l'univers et pourfendent l'hérésie sous toutes ses formes. Nouveau théâtre de cette guerre éternelle, le monde d'Acheron est au centre de toutes les attentions. Un mystérieux artefact convoité par les 3 races historiques de la franchise Warhammer 40K serait réapparu. Et la bataille s'annonce épique. Les hordes d'Orks commandées par le Warlord Gorgutz, les troupes Eldars de Macha et les contingents de Space Marines (les Blood Ravens) foulent de leurs pieds ces lieux saints et s'adonnent non sans plaisir à cette joute séculaire transformant ce rocher abandonné en bain de sang. Dawn of War 3 attise ce feu sacré, ces flammes guerrières, tandis que Bolter et Chainsaw vocifèrent à l'unisson sur un ennemi revenant toujours en surnombre.
Souvent cantonné au rôle de didacticiel de luxe, la campagne solo d'un jeu de stratégie soulève rarement les foules. Dawn of War 3 est au jeu de stratégie ce que Mortal Kombat est à la baston et fait office d'O.V.N.I dans cette sphère d'initiés. Le lore de Warhammer 40.000 est dense et sa richesse autorise toutes les fantaisies à condition de respecter les règles de cet univers et les scénaristes ne se sont pas fait prier. La plume de Relic Entertainment puise dans la majorité des outils narratifs mis à disposition des créatifs, à commencer par des cinématiques façon Animated Comics, et nous concocte un scénario à la fois haletant et fidèle à la licence.
Par ce ton dramatique si caractéristique et l'intensité des événements, un souffle épique se dégage de cette aventure soliste. Et pour la première fois dans la série, les 3 factions sont jouables dans la campagne solo ; une initiative louable qu'il me semble nécessaire de saluer.
Bande-annonce de Warhammer 40.000 : Dawn of War 3
Le rejeton d’une saga de STR
Héritier d'une série de jeux de stratégie passée à la postérité, Warhammer 40.000 : Dawn of War 3 espère séduire l'ensemble d'une communauté de fans divisée depuis la sortie de DoW II en 2009. Le titre de Relic Entertainment fusionne donc le meilleur des deux précédents épisodes et mixe le classicisme des STR d'antan avec l'héroïsme ajouté à la formule du second opus. Et les intentions du studio sont claires : dépoussiérer un genre et innover sur la scène du jeu de stratégie coûte que coûte. Dynamiser le rythme des parties et simplifier l'économie de guerre inhérente au genre était une étape nécessaire.
Malgré cette bonne volonté, Dawn of War 3 conserve la majorité des poncifs du genre au point de ressembler au récent Halo Wars 2. Construction d'une base, ressources (Requisition, Power, Elite), amélioration des unités... ce STR ne réinvente pas la roue, mais applique à la perfection une recette ancestrale qui aura fait ses preuves. Cependant, DoW 3 se démarque par ses escarmouches intenses et la gestion des points de ressources sur la carte, de véritables avant-postes fortifiés capables de tenir la ligne de front. La micro-gestion de vos unités est essentielle dans ce jeu de stratégie et ne pardonne aucun faux pas, la perte d'un contingent de Space Marines pouvant être rédhibitoire sur le long terme. La seule utilisation d'une habileté dans un timing frôlant la perfection renverse bien souvent une situation mal embarquée. Votre survie sur le champ de bataille ne tient qu’à un fil et à une suite d’ordres lancés en temps réel au coeur de la mêlée.
Inspirée de la saga Warcraft, le concept de héros de Dawn of War 2 sortent de leur torpeur et foulent le sol de la planète Cyprus Ultima. Ces unités un brin particulières pimentent les affrontements avec leurs capacités inédites et leur force de frappe dévastatrice. Elites, Super Units et frappes orbitales changent la destinée d’une faction de par leur seule apparition sur le champ de bataille. La dimension stratégique de ce STR réside dans la création d’un deck composé de 3 unités, 3 doctrines et une attaque aérienne. À la différence des troupes conventionnelles, le stratège invoque l’Imperial Knight, le Wraithlord ou encore Gabriel Angelos en échange de Points Elite qui s'acquièrent automatiquement minute après minute. Seul le contrôle de positions spécifiques sur la carte augmente la production de cette ressource sans jamais déséquilibrer l’affrontement.
Malheureusement, l’intervention de certains héros sortant ostensiblement du lot déséquilibre les combats ; à commencer par le leader des Blood Ravens et son marteau de guerre à la puissance sans commune mesure. Mais le souvenir d’un sol tremblant de peur face aux Bolter lourd d’un Imperial Knight rutilant restera gravé dans la mémoire des fans de la franchise Warhammer 40.000. Au seul son de cette marche impériale mécanisée, le coeur des valeureux se gonfle d'orgueil avec pour seul désir de voir couler le sang des hérétiques.
La charge héroïque des Space Marines
À la croisée de 3 destinées
Subir les aboiements des joueurs à l’annonce des factions présentes dans un jeu de stratégie est chose courante et lorsqu’il s’agit de Warhammer 40.000 les stratèges en herbe et autres fans hurlent à gorge déployée. L’absence d’une race en particulier est mère de tous les maux et Dawn of War 3 fera frémir bon nombre de joueurs avec seulement 3 factions disponibles à son lancement. Le titre de Relic Entertainment met en scène les Space Marines (et plus précisément les Blood Ravens), les Orks et les Eldars. Et ce manque de diversité est compensé par 3 approches diamétralement opposées, 3 visions de l’art de la guerre aux antipodes les unes des autres.
Les forces de l'Imperium occupent le champ de bataille avec une puissance de feu dévastatrice et des larguages orbitaux au beau milieu de la mêlée. Les Eldars profitent de leur vitesse de déplacement et des portails de téléportation pour attaquer les positions ennemies et battre en retraite avant l'arrivée du gros des troupes adverses ; un Hit & Run agaçant et exigeant, mais diablement efficace. La stratégie des Orks repose sur la force du nombre et leur faculté à fondre sur l'ennemi, motivés par le Waaagh afin d'engloutir les faibles sous un amas de peaux vertes. 3 factions, 3 approches, 1 objectif : garantir l'hégémonie d'une race dans cette partie de l'univers connu.
Les unités mises à disposition des joueurs répondent à ce besoin de différencier les factions. Troupes et véhicules issus du “jeu de plateau” affinent la vision stratégique de chaque race et traduisent la puissance mécanisée des Space Marines, la vélocité des Eldars et la douce folie guerrière des Orks. Et ces différences s'insinuent dans le macro-management. Bien que la collecte et le contrôle des ressources restent identiques, la montée en puissance des armées diverge d'une faction à l'autre et plus particulièrement en ce qui concerne les Orks. Space Marines et Eldars débloquent véhicules et troupes en augmentant le niveau technologique de leur Q.G, là où nos peaux vertes vivent et meurent par le Waaagh et ces tours offrant moult opportunités à ces amoureux de la guerre.
Bien que réduites au nombre de 3 à l'image des licences cultes du STR, ces factions (et l'équilibre qui s'en dégage) se suffisent à elles-mêmes et garantissent des heures de conflit virtuel sans jamais pleurer l'absence des Tau, des Tyranides ou encore des Nécrons.
Objectif “Powercore”
Le multijoueur de Warhammer 40.000 : Dawn of War 3 n’est pas à mettre entre toutes les mains. Les stratèges en herbe et autres néophytes de la guerre pixelisée mordront la poussière encore et encore avant de voir la lumière au bout du tunnel. Et pour cause… Le titre de Relic Entertainment concentre l’essentiel de son expérience autour de la gestion en temps réel des unités et l’économie de guerre. Envoyer à la mort vos troupes - dont l’intelligence artificielle reste sommaire - sans même songer à répondre aux mouvements adverses se résume à mourir à petit feu. Produire l’unité adéquate et déclencher ses aptitudes au bon moment renversera le cours d’un affrontement. DoW 3 mise avant tout sur des escarmouches multiples et intenses aux quatre coins de la carte et un apprentissage à la dure partie après partie, même si la campagne solo joue à merveille son rôle de didacticiel scénarisé.
Cette nouvelle mouture “made in” 2017 délaisse pour un temps les éternels Deathmatch, Team Deathmatch... inhérents au genre pour se focaliser sur un unique mode que nous nommerons “PowerCore”. Le multijoueur de DoW 3 invite les participants à détruire dans cet ordre un générateur de bouclier, une tourelle et pour finir le PowerCore (noyau de puissance dans la langue de Molière) en 1v1, 2v2 et 3v3 sur des cartes structurées autour de 3 “lanes”. Aucun autre mode ne viendra compléter cette vision, aussi étrange que cela puisse paraître. Pour autant, ce multi ne démérite en rien et offre des joutes de haute volée durant lesquelles réflexion et prises de risque prévalent.
Et pourtant le multijoueur de Dawn of War 3 se prend les pieds dans le tapis. La faute incombe à ce rythme bâtard oscillant entre apathie et frénésie avec une facilité déconcertante. De manière générale, les parties sont bien trop longues et s’enlisent parfois dans une guerre d’usure déplaisante ponctuée d’assauts ravivant la flamme du Space Marine sommeillant au fond de nous. Une demi-heure est nécessaire pour conclure en moyenne. Écourter ces affrontements est à la portée des joueurs, mais ce STR s’embourbe dans une économie de guerre omniprésente bridant ce dynamisme tant recherché par les développeurs.
Space Marines vs. Orks sur le multijoueur en 1v1
La beauté froide de l’Imperium
Sous les tirs nourris des hordes d'Orks, de Space Marines et d'Eldars, la planète Cyprus Ultima s'embrase. Les environnements autrefois luxuriants sont jonchés de cicatrices, témoins malgré eux des affres d'une guerre sans fin. Jeu de stratégie ne rime que trop rarement avec claque graphique, mais Dawn of War 3 soigne nos rétines aux abois face à tant de détails et de pyrotechnie. Plasma, explosions en tout genre et effets visuels assurent le spectacle et retranscrivent la violence des affrontements se déroulant au coeur d'un panel de biomes alternant glace, lave, forêts... Le seul tir orbital décomposant les ennemis de l'Imperium ravira les amateurs de courroux divin tandis qu'une pluie de douilles s'abat sur des cadavres encore chaud.
Source de débat auprès des fans de la licence, la direction artistique a depuis l'officialisation de ce 3ème épisode fait couler beaucoup d'encre. Qualifiée de flashy par une partie de la communauté, cette D.A dénote du gothique naturel de la saga. Les immenses bâtisses angulaires aux ornements ostentatoires et les 50 nuances de gris sont remplacées par une approche cartoon colorée du plus bel effet. Et ce choix, en rien anodin, garantit une visibilité de chaque instant. L'action reste lisible la majorité du temps tandis que les ordres fusent par dizaines. Les informations cruciales sont distillées avec intelligence via une interface sommaire, mais efficace. DoW 3 répond avec la manière à ce besoin de réactivité et de prise de décision sans lequel le jeu de stratégie ne serait rien.
Points forts
- Un récit épique et fidèle à la franchise
- 3 factions équilibrées et exploitées à merveille
- La parfaite fusion des 2 premiers épisodes
- Des affrontements intenses et explosifs
- Une direction artistique cartoon et des graphismes dignes de la grandeur de Warhammer 40K
Points faibles
- Un unique mode multi “PowerCore”
- Un manque de rythme et de dynamisme en multijoueur
- L'équilibrage (parfois mis à mal) des héros
Warhammer 40.000 : Dawn of War 3 se hisse à la hauteur de ses illustres prédécesseurs sans jamais parvenir à atteindre le panthéon des jeux de stratégie. Malgré une campagne solo haletante et une formule du STR remise au goût de jour, le titre du studio Relic Entertainment pêche par un manque de dynamisme, de contenu et d'ambition en multijoueur. L'intensité des combats et la richesse des visuels font tout de même de ce DoW 3 une petite perle stratégique à conseiller aux amateurs de STR et aux fans de la franchise de Games Workshop.