Si elle n’a pas l’aura de Final Fantasy ou de Dragon Quest en Europe, la série Persona a toujours sa carte à jouer dans le domaine du J-RPG. Grâce à un univers sombre et un style singulier, elle a su charmer les joueurs, et il n’est pas impossible que Persona 5 lui amène un nouveau public…
On sait que cela peut tenir à coeur, alors autant vous rassurer : il n’y a pas de spoiler dans ce test. Je m’oblige à rester très évasif sur de nombreux points scénaristiques et quelques points de gameplay quand je le juge nécessaire, vous laissant ainsi découvrir un maximum d’éléments par vous-même. En espérant que cela ait un effet bénéfique sur votre expérience finale.
Persona 5 n'est pas disponible en français. Textes et voix sont disponibles en anglais
Il était une fois à Tokyo
La vie est parfois fort injuste, et le protagoniste principal de Persona 5 est l’incarnation de cet adage. Adolescent taciturne, mais poli et honnête, il se retrouve accusé à tort d’agression sur un homme politique alors qu’il voulait juste aider une jeune femme en très mauvaise posture. Viré de son école et envoyé en réinsertion dans un autre établissement, il est pris sous la tutelle du tenancier d’un café, peu avenant mais plutôt paternel, dans le fond.
Ce background permet à la fois de placer notre personnage dans cet univers, nouveau pour lui, et de poser les bases du gameplay, puisque vous allez devoir gérer votre vie privée de bien des manières. C’est notamment votre arrivée dans cette nouvelle école qui régie une grande partie de vos activités. Non seulement vous allez devoir vous faire des amis et établir des affinités avec un maximum de personnages, mais vous allez aussi devoir étudier pour évoluer d’un point de vue personnel, améliorant des caractéristiques comme vos connaissances, votre charme ou votre courage. Cela se fait notamment par la lecture, mais aussi par le travail (des petits jobs du soir qui rapportent aussi des yens) et quelques mini-jeux. Si en termes de gameplay, on est plus dans le narratif que dans le 100 % jouable, la gestion de votre planning est toute une expérience puisque vous avez souvent affaire à des échéances. Vous avez un examen dans 3 jours, mais votre pote veut que vous vous amusiez un peu ce soir : quel choix ferez-vous ?
Ainsi, tisser des liens avec les autres personnages vous permet d’accéder à des capacités ou à des bonus tout aussi importants et alléchants que votre éducation, comme l’accès à des objets avec de meilleures capacités de régénération ou à des compétences qui favorisent grandement vos performances en combat. Mieux encore, certaines relations peuvent évoluer en romance, avec une narration fine et intelligente. Mis à part quelques clichés, les personnages ont tous une profondeur certaine et les sujets abordés sont adultes et parfois particulièrement noirs. A vrai dire, ce sont justement les sentiments les plus refoulés que peuvent avoir les êtres humains qui sont le moteur de Persona 5, chose qui se ressent dans toute la structure du jeu, y compris dans les combats.
L’autre monde
Car si la vie de lycéen a ses côtés sympas, on reste quand même dans un J-RPG pur souche, ce qui vous aménera à quitter très souvent votre Tokyo contemporain pour découvrir un univers parallèle où règne la terreur. Rapidement dans l’aventure, vous découvriez l’existence des Palaces, lieux qui représentent la psychée d’un personnage du monde réel. Il faut voir ces donjons comme la mise en images des pensées les plus cachées (et souvent les plus sombres) de différents protagonistes rencontrés dans l’aventure. Autant dire que selon les cas, ce n'est pas beau à voir : entre cris, tortures et autres éléments parfois très subversifs, vous comprenez que ces lieux ne sont pas des plus accueillants.
Dans ces Palaces, vous rencontrez régulièrement des Gardiens, vous obligeant à vous cacher pour vous infiltrer plus discrètement. Faites-vous repérer et vous ferez monter une jauge de recherche qui une fois arrivée à 100 % signifie votre éjection du Palace. L’infiltration se révèle plutôt basique et même parfois pénible, avec un système de couverture peu pratique à l’utilisation, mais le gros de vos crapahutages sera animé par des petites énigmes qui tournent autour de mécanismes plus ou moins complexes. La bonne chose, c’est qu’il est possible d’explorer les Palaces en plusieurs fois, en sauvegardant votre progression dans des safe rooms. Si vous manquez d’énergie, rentrez chez vous, dormez et revenez une autre fois, en ayant amélioré votre équipement en passant. C’est à vous de gérer votre temps, tant que vous n’oubliez pas la potentielle date butoir. Seul mauvais point, l’architecture de ces Palaces s’avère diablement lambda, ce qui a forcément un impact négatif sur les phases d’explorations.
En dehors des Palaces, des donjons optionnels viendront se greffer à l’aventure. Ces derniers sont aléatoires dans leur construction et serviront surtout à améliorer vos personnages tout en effectuant des quêtes pour quelques âmes en peine.
Les combats
Bien évidemment, nous n’avons pas encore parlé d’un élément important de Persona 5, les combats. Car si vous pouvez esquiver la plupart des Gardiens, les affrontements restent parfois inévitables. Nous sommes donc dans du tour par tour relativement classique dans sa conception, mais avec la sauce Shin Megami Tensei en prime. Grâce à vos Persona, vous accédez à des capacités comme des attaques élémentaires ou des altérations d’état. Si vous touchez un point faible de votre ennemi, vous mettez celui-ci à terre et gagnez alors un tour supplémentaire, chose que vous pouvez faire à plusieurs reprises. Malgré son côté tour par tour, le système s’avère dynamique, notamment avec la possibilité de passer la main à un équipier après avoir mis un ennemi au sol. Attention toutefois, vos adversaires peuvent faire la même chose, allant jusqu’à prendre en otage vos alliés en vous demandant une rançon !
Mais la prise d’otage prend une toute autre dimension quand c’est votre groupe qui l’effectue. Outre les demandes de rançons et d’objets, il vous est possible de persuader votre ennemi de rejoindre vos rangs en tant que Persona suite à une petite discussion informelle à choix multiple. Bien que la personnalité de votre ennemi peut être un bon indicateur des réponses à donner, il n’est pas toujours facile de ne pas dire une bêtise et ainsi voir l’ennemi se relever et nous attaquer directement. Quoi qu’il en soit, ces petits dialogues sont plutôt fun même s’ils ont tendance à se répéter sur le long terme. Pour en finir avec les combats, notez que la difficulté est relevée, une habitude dans la série. C’est une bonne chose, sans aucun doute, mais il arrive parfois que le challenge soit mal équilibré, nous mettant d’un coup face à un ennemi intuable sans crier gare ! Si vous n’avez pas sauvegardé depuis un certain temps, attendez-vous à pester…
L’univers Persona
Sans surprise cet opus ne fait pas l’impasse sur la Velvet Room, où l’inquiétant Igor vous permettra de créer de nouveaux Persona via un système de fusion. Bien que la plupart des fusions débouchent sur des Persona que vous pouvez aussi rencontrer (et récupérer) en combat, elles vous permettent aussi de récupérer les compétences des démons utilisés, vous laissant ainsi personnaliser votre line up. Selon la façon dont vous fusionnez vos Persona, vous bénéficiez aussi de divers bonus que je vous laisserai le plaisir de découvrir. Comme toujours, le système est particulièrement complet et permissif sans ne jamais tomber dans l’excès, notamment grâce à la limitation de niveau : vous ne pouvez pas créer un Persona au niveau plus élevé que celui du héros.
Enfin, si le gameplay de Persona 5 s’avère efficace, c’est son univers tout entier qui en fait sa force. Rapidement, vous vous sentez intégré à ce monde pourtant si différent, choisissant vous-même les relations que vous entretenez avec les personnages. En vous baladant dans les couloirs de votre établissement scolaire, vous entendez souvent de nouvelles rumeurs qui ont plus d’importance que vous ne le pensez, vous donnant ensuite des idées de nouvelles activités ou vous poussant à revoir votre jugement de tel ou tel NPC. A ce sujet, Persona 5 s’offre une dynamique en ligne grâce à la Thieve’s Guild. A tout moment dans le monde réel du jeu, vous avez accès à un tableau qui répertorie pour la journée en cours à quelles activités se sont adonnés les autres joueurs. Pratique pour vous rappeler de faire certaines choses, comme d’obtenir un bon job ou d’aller parler à un personnage précis.
Mais cet univers n’est pas dû qu’à la densité du gameplay, mais aussi à l’environnement de jeu créé par Atlus. Que vous vous baladiez à Shibuya, dans le métro, dans l’école ou dans un petit quartier résidentiel, vous sentez que les développeurs maîtrisent grandement leur sujet, à tel point qu’on se croirait en plein Tokyo pour de vrai. Réaliste à souhait tant qu’on est dans le monde réel, Persona 5 est véritablement une autre vie, et c’est justement ce qu’on lui demande. Peu importe si techniquement, il ne casse pas trois pattes à un canard : ses menus stylisés Comics couplés à une bande son jazzy d’une excellente qualité font largement le travail. Persona 5 a une gueule, soyez-en sûr ! Alors certes, cela se fait parfois au détriment de la lisibilité, mais on s’y fait rapidement.
Points forts
- La gestion de sa vie sociale
- Les thèmes abordés, très adultes
- Une BO d’excellente qualité
- Un style comics très marqué
- Des combats tactiques et ardus
- Le principe théorique des Palaces, à la Inception
- Très bonne durée de vie (60h)
Points faibles
- Moins ouvert qu’on ne l’aurait voulu
- Début de partie un peu longuet
- L’exploration des donjons, pas toujours au top
- La difficulté est parfois mal dosée, ce qui tend vers du leveling forcé
Persona 5 est bel et bien l’excellent J-RPG que l’on attendait. Sous son style comics singulier, il cache une vraie profondeur narrative tout en offrant deux gameplay totalement opposés : le J-RPG classique et la gestion de vie lycéenne et sociale. Suivre son petit calendrier pour allier les deux tout en veillant à faire les bons choix s’avère grisant, fun et addictif. Certes, Persona 5 n’est pas exempt de défauts et l’exploration des donjons (Palace) peut parfois s’avérer pénible, mais il reste porté par son histoire, à tel point qu’il sera difficile d’en décrocher, notamment aidé par une bande originale du plus bel effet !