S'il ne fallait retenir qu'un seul évènement de la conférence E3 2015 de Sony, c'est davantage l'improbable trio d'arlésiennes Shenmue III/Final Fantasy VII Remake/The Last Guardian qui aurait une chance de remporter les suffrages. Un autre outsider a pourtant pointé le bout de son nez au cours de cette même conférence, et pas des moindres : Horizon Zero Dawn s'est en effet forgé en l'espace de quelques mois une solide réputation, au point d'attiser l'envie des possesseurs de PlayStation 4, prêts à en faire leur jeu de l'année 2017. La hype générée par le nouveau titre de Guerrilla Games était-elle justifiée ?
Avant de nous lancer, précisons d'emblée que le test a été réalisé à la fois sur PS4 "classique" et Pro. Images et extraits de jeux bruts sont directement tirés de la version Pro, tandis que les Gaming Live ont été tournés sur la nouvelle version de la PlayStation 4 sortie en septembre dernier. Nous reviendrons brièvement en fin de test sur les différences techniques entre les deux versions.
C'est une histoire post-post apocalyptique que nous raconte ici l'équipe de Guerrilla Games. La civilisation telle que nous la connaissons s'est éteinte sur terre, laissant la nature reprendre ses droits. Mais les hommes ont survécus et se sont regroupés en différentes tribus afin de survivre face à la nouvelle espèce dominante, des machines dont l'apparence évoque fortement différentes espèces animales bien connues des terriens. Quelle fût la raison de la disparition des humains ? Pourquoi les machines ont-elles pris le contrôle ? Quels secrets se cachent sous les vestiges d'une civilisation appartenant désormais au passé ? Dans la peau d'Aloy, une jeune chasseuse très curieuse de la tribu des Nora, vous tentez ici de trouver des réponses à toutes ces questions faisant office de piliers du scénario d'Horizon : Zero Dawn.
C'est l'histoire de la (sur)vie
Il était attendu sur ce point, et il ne nous a pas déçus : Horizon s'offre un scénario principal réussi, avec une intrigue autour de l'origine des machines qui nous tient en haleine jusqu'à une conclusion sobre, riche en réponses et convaincante. Celle-ci a surtout le mérite de ne pas nous laisser sur notre faim tout en offrant une ouverture pour un deuxième épisode. Mais si le scénario est plaisant à suivre, il perd quelques plumes en route à cause de détails d'ordre narratifs : on pensera notamment au fil rouge plus terre-à-terre autour des tribus, qui sans être dénué d'intérêt s'avère moins attrayant que celui autour des mystères de l'évolution de la terre. L'alternance entre ces deux lignes narratives à tendance à diluer les révélations clés et donc prolonger un peu le suspense de manière artificielle.
On pensera également à ces phases de révélations avec des audiologs, hologrammes et documents écrits, certes intéressantes, mais sans doute un peu trop longues et enclines à casser le rythme de l'aventure. Enfin, les animations faciales sommaires et limitées des personnages ne permettent pas toujours de faire passer avec justesse les émotions, en témoignent ces séquences de disparition d'un personnage qui, au mieux, vous laisseront de marbre, au pire, vous arracheront un sourire gêné à cause du manque de naturel de la scène.
Gaming Live : Parlons du scénario (garanti sans spoil)
L'Aloy, c'est moi
Seule exception, le personnage d'Aloy : curieuse mais réfléchie, dotée d'une bonne répartie et d'un caractère affirmé, notre héroïne incarne à merveille son rôle au cours d'une aventure qui va sérieusement la malmener. L'une des plus grandes réussites d'Horizon, c'est de parvenir à nous faire évoluer en même temps que son personnage principal. D'une introduction – très simple et efficace, d'ailleurs - qui la voit découvrir le monde dans lequel elle évolue et apprendre les rudiments de la chasse, la jeune femme va progressivement franchir les étapes et les frontières, rencontrer tribus, machines, alliés et ennemis au même rythme que le joueur. L'évolution est donc naturelle et extrêmement plaisante, puisqu'elle procure un sentiment de découverte et d'apprentissage régulier que l'on n'avait probablement pas ressenti aussi fortement dans un monde ouvert depuis la sortie de Red Dead Redemption.
Cette machine dans ma tête...
La partie la plus originale du soft reste sans doute la présence des machines et d'une dimension de chasse autour de ces dernières. Aloy bénéficie ici d'une prise en main souple pour aller traquer ses adversaires : elle peut notamment s'accroupir et se dissimuler à loisir dans les hautes herbes, utiliser tout un panel d'armes allant de la crotale au lance-câble en passant par l'arc ou la fronde, mais aussi faire parler ses talents d'escalade. Ce dernier point est toutefois à nuancer, le titre ne vous permettant de grimper que sur certaines zones prédéfinies. Il offre toutefois une physique assez souple dans les sauts de la demoiselle - très proches de ceux de Lara Croft, d'ailleurs - qui permet de temps à autres d'escalader une zone en forçant légèrement les sauts, évitant ainsi de rendre l'expérience trop frustrante. L'approche furtive est le plus souvent à privilégier, notre héroïne perdant rapidement ses points de vie une fois attaquée. Au delà de la furtivité, une bonne préparation n'est pas à négliger : placer des pièges, utiliser des potions de résistance élémentaires et surtout connaître les points faibles des machines vous feront gagner de précieuses minutes lors du combat à venir.
… Machine sourde et tempête
Les dégâts infligés aux machines seront en effet plus importants si vous privilégiez les attaques avec un élément efficace contre l'ennemi en question ou l'un de ses points faibles. De même, il est préférable d'employer des munitions avec une statistique de déchirure plus importante, puisque cette dernière détermine la capacité de votre offensive à détacher les différents éléments composant la machine. Sur les ennemis modestes, la démarche a pour seul intérêt d'achever au plus vite le combat, mais détacher certaines parties peut également permettre de récupérer des objets supplémentaires utiles pour le crafting, mettre la main sur une arme lourde ou rendre l'adversaire inoffensif : Par exemple, détacher le lance-disque d'un gueule-d'orage permet ensuite d'utiliser sa propre arme contre lui, tandis que détruire les pattes d'un brise-roc l'empêchera de se réfugier sous terre.
Gaming Live : Comment se déroule un combat contre une machine ?
Superbement animées et conçues avec soin, les machines partagent en fait le premier rôle de l'aventure aux côtés d'Aloy et vous offriront quelques combats intenses et mémorables. Il n'est d'ailleurs pas rare de délaisser un instant son trajet initial pour aller à la rencontre d'un troupeau, préparer sa stratégie et se livrer à un combat pour des raisons purement ludiques. Le gain d'expérience et de composants qui en découlera apportera même un intérêt supplémentaire à ces arrêts, mais nous reviendrons plus en détails sur ce point quelques lignes plus bas. Avant cela, il nous faut toutefois évoquer l'un des principaux défauts du titre. Des affrontements avec les humains sont en effet de la partie, mais ces derniers sont nettement moins intéressants à cause de l'IA peu futée des adversaires de chair que vous aurez à rencontrer. Capables de vous repérer à 50 mètres comme de ne pas broncher lorsque vous éliminez un coéquipier devant leurs yeux, ceux-ci font tâche à côté de leurs compagnons de métal et rendent ces affrontements nettement moins inspirées que ceux contre les machines. Et s'ils sont moins présents que les derniers cités, ils occupent une part suffisamment importante des missions à mener pour que l'on signale ce point parmi les principaux défauts du jeu.
Gaming Live : Un jeu pas exempt de défauts
Une petite partie de Craft Mecha ?
Pour habiller l'ensemble, Horizon se pare d'une légère dimension RPG qui se retrouve à peu près dans toutes les mécaniques. Équipement, craft, quêtes, arbres de talents et lignes de dialogues conséquentes émailleront ainsi votre parcours. Le titre reste toutefois léger et plutôt facile à appréhender sur ces points, qui permettent surtout d'apporter un soupçon de profondeur appréciable à un soft faisant la part belle à l'action et l'infiltration. Pour remplir le sac de soins servant à rétablir les points de vie d'Aloy, mais aussi fabriquer flèches, potions et pièges, vous devrez ainsi collecter les différentes plantes, branches et ressources présentes dans la nature. Il est également possible de chasser les rares espèces animales inoffensives ayant survécues ; renards, lapins, sangliers, dindes, afin d'agrandir la capacité des différentes sacoches de ressources - via la seule interface peu intuitive du jeu, d'ailleurs - ou évidemment de s'attaquer aux machines pour obtenir encore davantage de composants. Quant à l'achat de tenues et d'armes auprès des marchands, il se fera le plus souvent en échange d'une combinaison d'éléments rares tirés des différentes espèces de machines et de quelques éclats de métal, la monnaie en vigueur in-game.
Nous évoquions il y a quelques lignes l'interface des sacoches de ressources, sachez qu'en dehors de l'exemple cité, le titre ne pêche jamais sur ce point grâce à des menus simples et intuitifs. Il en est de même pour le HUD, un peu plus encombrant de base, mais qui peut être paramétré à loisirs voire placé en mode dynamique afin de seulement disparaître en dehors des combats. Une riche idée que devraient apprécier les amateurs de jolis clichés, qui pourront également s'amuser sur le mode photo ici proposé.
Voyageons léger, allons chasser de l'IA
L'équipement a évidemment un intérêt direct sur vos combats, puisqu'il dispose de statistiques offrant le plus souvent un bonus de résistance à un élément ou un type d'attaques, voire une capacité de détection par les ennemis plus limitée. De même, il est possible d'y enchâsser une ou plusieurs pièces supplémentaires pour améliorer les statistiques de protection ou de dégats. Il faudra évidemment régulièrement le renouveler pour ne pas se retrouver face à de gros pics de difficulté, mais le jeu ne s'avère pas particulièrement retors sur ce point, étant par nature plutôt généreux en ressources si vous prenez le temps d'en collecter sur le chemin. L'attrait de la chasse facilite également le plaisir de la récupération d'éléments et donc la mise à niveau régulière de vos armes et armures.
Enfin, la présence de plusieurs arbres de compétences permet également d'affiner les capacités d'Aloy entre infiltration, habileté au combat et capacités de survie (augmentation de la quantité de ressources récupérées, piratage de robots pour les utiliser en tant que montures ou les retourner contre leurs congénères...). Nul choix crucial en perspective, puisqu'il est relativement aisé de remplir l'intégralité des 3 arbres si vous prenez la peine de vous pencher sur les contenus annexes, qui apporteront les gains d'expérience suffisants pour passer les niveaux et cumuler les points de compétences à dépenser.
Des quêtes à la De Riv
Nous avons déjà évoqué les qualités et défauts scénaristiques du titre, sans toutefois aborder le sujet des quêtes reprenant une structure typique de jeu de rôle. Celles-ci proposent des objectifs limités alternant le plus souvent entre pistage et enquêtes façon The Witcher 3, et combat contre les machines. C'est davantage par la dimension ludique de ces derniers que Horizon parvient à varier les situations et ne jamais nous ennuyer. On saluera d'ailleurs le réel effort de scénarisation des quêtes annexes, qui, sans atteindre le niveau du RPG de CD Projekt, ont le bon goût de nous proposer des mini-scénarios ne jurant en rien avec l'aventure principale et proposant même parfois quelques rebondissements bien sentis.
La présence de nombreuses discussions facultatives ainsi que de quelques choix orientant le caractère d'Aloy dans une direction définie entre sagacité, impulsivité et compassion rajoute également un soupçon d'interaction et d'enrichissement des dialogues, qui s'avèrent de bonne facture tout en restant un ton en dessous de la finesse de ceux d'un pur jeu de rôle. Le dernier bon point à accorder revient aux différents éléments à collecter ou lieux annexes à explorer, qui approfondissent votre connaissance du gameplay, apportent des informations supplémentaires concernant l'univers ou permettent même d'obtenir des objets à échanger contre différentes armes. Pas d'abus de quêtes Fedex ou de collecte rébarbative à signaler donc, et c'est un bon point pour un monde ouvert. Au total, il vous faudra pas moins d'une soixantaine d'heures pour boucler le jeu à 100%, et une vingtaine en ligne droite si vous vous contentez de boucler au plus vite les missions principales. Comptez donc 35 à 40 heures pour une partie équilibrée, mêlant quêtes principales et secondaires.
Un exemple de quête annexe en vidéo
Une référence technique et artistique
Nous avons abordé tous les aspects de Horizon, mais s'il ne fallait en retenir qu'une seule chose, ce serait sans doute son incroyable univers, si plaisant à parcourir. Visuellement fantastique, le jeu nous embarque du début à la fin dans une succession de paysages nous décrochant la mâchoire. Le résultat est d'autant plus impressionnant qu'il se hisse, sur ce point, quasiment à hauteur d'un titre comme Uncharted 4, qui n'a pourtant pas les contraintes techniques d'un monde ouvert ! Il s'avère tout aussi irréprochable sur sa direction artistique inspirée, en témoignent le design des machines, la variété de ses paysages et l'intégration réussie des vestiges des anciens au cœur d'un nouveau monde offrant des zones d'une richesse visuelle impressionnante.
Impossible de ne pas saluer également le travail effectué sur le sound design et la bande-originale du titre. Cette dernière, misant majoritairement sur des thèmes mélancoliques et impeccable de bout en bout se fait toutefois trop discrète malgré ses qualités indéniables : Nous aurions apprécié pouvoir en profiter un peu plus. Enfin, du point de vue purement technique, le titre bénéficie de l'apport de la PS4 Pro et surtout du HDR mettant en valeur la riche palette de couleurs du jeu. Il n'a toutefois pas à rougir sur PS4 classique, malgré quelques ralentissements et effets de clipping. Ces derniers restent toutefois rares et ne gâchent en rien l'expérience.
Gaming Live : A la découverte du monde ouvert de Horizon : Zero Dawn
Points forts
- Techniquement et artistiquement au top
- Les combats contre les machines
- Un pur plaisir d'exploration
- Quêtes annexes scénarisées
- Aloy, héroïne attachante
- Univers riche
- Scénario plaisant...
Points faibles
- … Malgré quelques paresses narratives
- Animations faciales sommaires, voire inexistantes
- L'IA des humains
Porté par une héroïne attachante, un univers fascinant et des combats contre les machines particulièrement réussis, Horizon : Zero Dawn s'immisce sans peine aux côtés des meilleurs mondes ouverts de ces dernières années. Il n'est pourtant pas exempt de défauts, en témoignent ses animations faciales quelconques, des IA humaines souvent aux fraises ou quelques paresses narratives. Mais ceux-ci s'effacent bien vite devant l'aventure qui nous est proposée, portée par un scénario de SF plaisant qui a le bon goût de ne pas nous laisser sur notre faim... Tout en s'offrant une ouverture pour une potentielle suite. Une riche idée, car sans faire injure à sa saga Killzone, avec Horizon : Zero Dawn, Guerrilla Games dispose d'une licence dont le potentiel est plus à même de le faire entrer dans la cour des grands.