Dans les années 90, les cours de récréation étaient agitées par de terribles débats, qui ont fait et défait bien des amitiés. Au centre de ces discussions, des questions existentielles telles que « C'est qui le plus fort entre Gohan Ultime et Goku SSJ3 ? » ou encore « Broly est-il plus puissant que n'importe quelle fusion ? ». Des conversations qui s'échaudaient rapidement dès lors qu'un petit malin faisait allusion, pour asseoir son autorité, à quelque épisode ou chapitre connus seulement par « les vrais fans »... et souvent issus de son imagination aussi fertile que juvénile. Il aura fallu attendre 2016 pour que Bandai Namco donne une réponse à toutes ces questions. Cette réponse, chers amis, c'est Dragon Ball Fusions.
Voilà déjà plusieurs lunes que Dragon Ball Fusions, développé par Ganbarion, est sorti au Japon. La campagne marketing a été particulièrement appuyé, au point que de nombreux éléments du jeu nous sont parvenus. On aurait même fini par croire que le bougre était disponible chez nous. Que nenni ! C'est en ce mois de février 2017 un peu tristounet que Fusions daigne enfin poser ses petits pieds potelés sur le vieux continent. Au programme : de la baston, de la stratégie, de la chasse à l'homme et surtout des fusions à gogo, pour des résultats parfois complètement débiles, souvent très impressionnants. De quoi faire suer bien des fans de Dragon Ball, qui vont voir se matérialiser sur leur écran bien des fantasmes d'écolier...
Des bases faiblardes
Pourtant les bases du jeu sont assez pauvres et font vite craindre le pire pour la suite de la partie. À peine débarqué dans le jeu, vous avez la possibilité de créer votre personnage, en choisissant notamment sa race (Terrien, Saiyen, Namek, etc), son sexe, et quelques traits physiques. Suite à quoi vous serez lancé dans le grand bain. Le scénario tient sur un timbre-poste qui aurait rétréci au lavage : votre personnage et son meilleur ami invoquent Shenron pour lui demander de créer le plus grand tournoi d'arts martiaux de tous les temps. Le dragon exauce leur vœu, mais le résultat n'est probablement pas celui escompté. Shenron donne naissance à un monde étrange où le temps et l'espace se mélangent ; afin d'atteindre le but final, le championnat d'arts martiaux, le joueur devra traverser une succession de zones aux inspirations différentes. Namek, la Terre, la zone du Cell Game, la planète Végéta... Les références sont nombreuses et forcément, cela ravira les fans qui retrouvent un décorum qu'ils connaissent et apprécient.
Il ne faudrait toutefois pas s'y tromper : le déroulement du scénario est des plus convenus, et la progression est extrêmement linéaire. Pire que ça, elle est même ralentie de manière tout à fait artificielle. Pour passer d'une zone à une autre, il vous faudra accumuler une certaine quantité d'énergie, afin de briser les barrières qui vous empêchent de passer au niveau suivant. Si les première barrières se passent aisément, cela se complique avec le temps puisqu'il existe plusieurs types d'énergie différente, et il faudra tâcher de n'en oublier aucune. Il faudra donc farmer les différents niveaux du jeu et affronter moult ennemis avant de pouvoir véritablement poursuivre l'aventure. De quoi rappeler quelques mauvais souvenirs à celui qui avait du tabasser des centaines de sangliers dans Dragon Ball Z : L'Héritage de Goku 2.
Attrapez les tous
Cela étant, si le jeu vous force un peu (beaucoup) la main par moments, on serait tenté d'y voir une façon maladroite de faire comprendre aux joueurs que les combats sont extrêmement importants, notamment parce qu'ils permettent de recruter de nouveaux alliés. Si je vous dis qu'en sus, les combats reposent en grande partie sur un système de force/faiblesse type Pierre-Papier-Ciseaux, vous comprendrez sans doute mieux l'allusion faite à Pokémon. Parce qu'en effet, sur plusieurs aspects, Dragon Ball Fusions fait penser au jeu de Nintendo. Pour « capturer » un nouveau combattant, il vous faudra donc démarrer un affrontement et vaincre votre cible avec une attaque Zenkai. Si cette attaque le met KO, il rejoindra votre collection après le combat. Mais la petite difficulté, c'est qu'il est difficile de prédire combien de dégâts l'attaque Zenkai infligera. Il faudra donc, au préalable, diminuer autant que possible la santé de la cible, tout en prenant garde à ce qu'il ne se prenne pas une balle perdue dans la cohue générale. Ce qui peut arriver, et pas qu'un peu, soyez en sûrs. On retrouve donc là le stress, la tension typique de la série Pokémon, lorsque l'on cherche à grignoter autant que possible la barre de vie d'une bestiole que l'on s'apprête à bombarder de Pokéballs. Une recette testée et approuvée depuis près de 20 ans, ré-inventée pour l'occasion et qui fonctionne toujours aussi bien.
Et des combattants, il y en a un paquet. Ganbarion en a inventé toute une tartine, et certains sont franchement réussis, notamment côté Nameks. Pour le reste, il suffisait simplement d'aller piocher dans l'immense répertoire de personnages inventés par Toriyama. En tout et pour tout, il y a 171 personnages uniques, un nombre qui ne prend pas en compte les différentes fusions que vous pourrez effectuer. Plutôt pas mal, non ? Autant dire que les amateurs de collection, et chez les fans de Dragon Ball il y en a un paquet, vont avoir du mal à lâcher leurs 3DS...
« Je ne suis pas une ballerine ! »
Si Dragon Ball Fusions s'appelle ainsi, c'est justement parce qu'il propose de fusionner la plupart des personnages du jeu. En démarrant la partie, vous aurez rapidement la possibilité de fusionner Trunks et Son Goten. Une fusion classique qui n'est possible qu'en combat, et est limité dans le temps. Rien à voir avec les vraies fusions pensées pour le jeu. On passera vite sur la Fusion À Cinq, qui permet de fusionner... cinq combattants, le temps d'une attaque dévastatrice. Non, parlons ici des Fusions EX, au centre du jeu. S'il faut jouer plusieurs heures avant de les débloquer, le résultat se fait toujours plus intéressants au fur et à mesure que l'on progresse dans le jeu. Le principe est simple : à partir de deux personnages, vous pouvez en créer un nouveau, plus puissant. Et puisque les Fusions EX peuvent être annulées, on joue, à la manière des LEGO, à construire et déconstruire nos personnages, et tenter de nouvelles choses. Bien évidemment, plus l'on a de personnages, et plus le procédé est intéressant. Eh oui, tout est pensé pour vous accrocher à votre console le plus longtemps possible.
Notez toutefois que du côté des Fusions EX, tout n'est pas possible, en tout cas pas du premier coup. Certains personnages ne sont simplement pas compatibles les uns avec les autres ; et certains demanderont à ce que certains prérequis soient remplis. Il s'agit généralement d'atteindre un niveau suffisamment élevé, ou d'avoir rempli quelques quêtes secondaires. Rien de bien compliqué en soi, mais cela peut parfois s'avérer un peu fastidieux, notamment parce que la plupart des quêtes secondaires ne sont pas passionnantes pour un sou.
Mais quoi qu'il en soi, ce système de fusion, allié à la partie « chasse » du jeu, qui vous pousse constamment à retourner le jeu pour chercher toujours plus de combattants à ajouter à sa collection, fait de Dragon Ball Fusions un espèce d'OVNI assez improbable dans la vaste collection de jeux Dragon Ball qui ont vu le jour ces dernières années. Et grâce à son système de combat, il devient l'un des meilleurs jeux vidéo tirés de l'univers d'Akira Toriyama.
Ma fusion, ma bataille
Car c'est bien en combat que Dragon Ball Fusions révèle toutes ses subtilités, et délivre la part de fun la plus généreuse qu'il ait en réserve. Le soft de Ganbarion est un action-RPG ; à chaque rencontre avec un ou plusieurs ennemis, une barre d'action se lance au bas de l'écran. Chaque personnage progresse sur cette barre à des vitesses différentes, mais l'idée est simple : quand un personnage arrive à droite de la-dite jauge, il peut effectuer une action. Corps-à-corps, kikoha, attaque spéciale, Fusion Ultime, Attaque Zinkai... à vous de voir. Puisqu'il s'agit d'un RPG, chaque personnage a des statistiques qui le rendent plus ou moins intéressants en fonction de ses particularités. Certains miseront avant tout sur le CàC, tandis que d'autres préféreront bombarder leurs ennemis de décharges d'énergie. Si l'on ajoute à cela le système de pierre-papier-ciseaux évoqué plus haut, on a là les bases d'un RPG somme toute assez classique.
Il faut donc ajouter à cela la petite touche Dragon Ball Fusions, qui rendent les combats aussi dynamiques que passionnants. Et leur donnent un petit côté « billard sous amphétamines ». Le positionnement de vos diverses unités est absolument capital si vous souhaitez maximiser vos chances de victoire. Attaquez en vous trouvant à proximité de vos alliés, et vous effectuerez une attaque groupée ; projetez votre ennemi sur un allié, il lui collera une mandale pour le renvoyer plus loin encore ; envoyez le valser contre un de ses amis, il l’entraînera dans sa chute. Mieux, si vous le faites sortir de l'arène, une courte animation le verra voler à travers une montagne, ou un immeuble. Avec les bruitages de l'anime, c'est un véritable plaisir. Mais sachez que toutes ces possibilités peuvent être combinées : en s'y prenant bien, il est possible d'éliminer en un tour ou deux la totalité de l'équipe adverse ! On calcule donc les angles, les positions des personnages, toujours à la recherche de la meilleure combinaison.
Vous l'avez sans doute compris, Fusions n'oublie pas la petite touche Dragon Ball, et ce jusque dans les combats. Certains estimeront que le format n'est pas le plus adéquat pour retranscrire le dynamisme des combats du manga et de l'anime, surtout par rapport à un jeu de combat. Et en fait, Fusions n'hésite pas à aller creuser de ce côté là par instants. Il est par exemple possible de contrer l'attaque spéciale d'un ennemi en lançant la sienne, ce qui imposera de devoir tapoter au plus vite le bouton dédié, comme dans n'importe quel Budokai / Tenkaichi. De même, lors d'une Attaque Zenkai, ou d'une Fusion Ultime, le jeu vous laisse le contrôle de votre personnage, le temps de coller quelques châtaignes à votre ennemi. C'est assez basique mais cela ajoute énormément de dynamisme au combat. Finalement, l'ajout le plus malin est le plus simple : au moment d'attaquer un adversaire, celui-ci a la possibilité de bloquer votre coup, ce qui réduira considérablement les dégâts qui lui seront infligés. Vous devez choisir une direction, et s'il choisit la même que vous, c'est gagné. Un petit jeu qui revient constamment, et qui a ceci d'important qu'il peut permettre de retourner un combat mal engagé... ou au contraire, de vous faire perdre une partie. Son apparition, limité aux Corps-à-corps et certaines attaques, est suffisamment limitée pour que l'aléatoire ne l'emporte pas sur la stratégie ; mais cette petite mécanique apporte un petit plus qui rendent les combats interactifs et trépidants. Une sacrée réussite.
Dragon Ball Fusions est doté d'un mode multijoueur, mais qu'en est-il ? Il s'agit simplement d'opposer vos équipes de combattants, à celles de vos adversaires. Rien à signaler outre mesure, sinon que le matchmaking est un peu longuet. Le tout fonctionne plutôt bien et aurait tendance à pousser le joueur à avancer sa partie pour débloquer plus de personnages, et donc être plus efficace en combat. Car tous les guerriers ne se valent pas.
Points forts
- Les combats, tactiques et dynamiques
- Le nombre de personnages
- Le système de Fusion EX
- La musique, dans l'esprit de la série originale
- Le multijoueur
Points faibles
- Le scénario oubliable à souhait
- Pas toujours très joli
- Durée de vie boostée artificiellement
Si les bases du jeu nous avaient un peu inquiété dans les premières heures de jeu, Dragon Ball Fusions a su infuser petit à petit sa profondeur et s'avère être une véritable réussite. Certes, dans sa structure comme dans son scénario, le jeu ne va pas chercher bien loin. Simpliste, linéaire, parfois un peu approximatif dans sa façon d'expliquer au joueur ce qu'il doit faire pour valider des objectifs, le jeu de Ganbarion se révèle être une sorte de Pokémon-like, où les bestioles à collectionner sont remplacées par des personnages de Dragon Ball. Au tour par tour un peu plan-plan, les développeurs ont préféré un système plus dynamique mais qui ne perd pas en profondeur pour autant, notamment grâce à de nombreuses bonnes idées de gameplay. Les fans de Dragon Ball devraient passer de nombreuses heures accrochés à leurs consoles, et on les comprend : il s'agit sans doute du meilleur jeu Dragon Ball paru depuis presque 10 ans.