Débutée en 2006 sur PlayStation 2, la saga Yakuza est devenue culte aux yeux de nombreux joueurs de par son concept à la croisée de Shenmue et Grand Theft Auto ; malgré une distribution chaotique, les sorties japonaises et occidentales pouvant être espacées de plusieurs années. Sega s'intéresse désormais aux origines du mythe dans Yakuza Zero. Complots, meurtres et trahison, les premiers pas de Kazuma Kiryu, figure iconique de la série, dans l'organisation criminelle Dojima ne seront pas de tout repos.
Les origines d’une légende
1980's. La criminalité est à son apogée dans l'archipel nippon et domine les grandes métropoles à commencer par Tokyo et Osaka, théâtres des événements qui vont suivre. Immobilier, jeux d'argent et business de la nuit, les Yakuzas sont en guerre. Après 5 épisodes canoniques prenant place en 1990-2000's, la série effectue un virage à 180° direction les années disco et dévoile les origines du mythe du dragon de Dojima (alias Kazuma Kiryu) et de Majima Goro, doux dingue au sens moral prononcé et apprécié des fans. À la trappe la surenchère de protagonistes. Yakuza 0 se focalise sur seulement 2 personnages. Et ce qui pourrait apparaître comme une faiblesse fait en réalité la force de cet opus. Le récit évite de se diluer dans une multitude de sous intrigues pour se concentrer sur l'essentiel. Et pourtant, la seule histoire principale vous tiendra en haleine un temps certain avec sa trentaine d'heures étalée sur 17 chapitres, sans compter les quêtes et activités secondaires.
Comment Majima a-t-il perdu son oeil gauche ? Dans quel contexte Kiryu a-t-il acquis le titre de Dragon de Dojima ? Yakuza 0 est un prequel et en tant que tel s'emploie à répondre aux questions des fans.
Véritable oeuvre cinématographique s'inspirant des films de gangsters japonais (Aniki, mon frère / Outrage / Dead or Alive / Yakuza Demon…), Yakuza 0 dépeint un univers mafieux réaliste et sanglant, mais toujours un brin fantasmé. Bien que linéaire et privé de la notion de choix ayant une incidence sur le déroulement des événements, le récit nous transporte dans une spirale faite de complot, de trahison, de meurtres et de rebondissements. Et cette histoire complexe est mise en scène avec brio. Les plans de caméra font écho au 7e Art tout comme les conversations grandiloquentes, mais parfois trop verbeuses ; un passage obligé et jouissif tant les personnages vivent leur rôle à fond. Et pour cause... Le casting est composé d'acteurs réels prêtant corps et voix au titre de Sega. Riki Takeuchi, Hitoshi Ozawa, Hideo Nakano pour ne citer qu'eux jouent leur partition à la perfection et donnent vie à un script dense, allégé à l'occasion par des séquences de la vie de tous les jours, petits moments de calme avant la tempête.
Héritier de Shenmue, l’aventure fait la part belle à l’exploration des différents quartiers de Tokyo et Osaka et à la rencontre de ses habitants. Conversations autour d’un distributeur, quêtes annexes toutes plus délurées les unes que les autres et humour typiquement japonais ponctuent une histoire au demeurant violente. Malgré tout, certaines missions “Fedex” atténuent le propos. Devoir acheter de l’alcool pour un groupe de sans-abris transforme Kiryu en larbin le temps d’une course. Et ces allers-retours intempestifs pour dégoter une bière, un boîte de gâteaux… sort le joueur de cette tornade mafieuse balayant Yakuza 0.
Yakuza 0 : Un film de gangsters vidéoludique
Le poing sur la table
La vie d’un mafieux est sanglante et à ce titre, Yakuza 0 autorise nos 2 héros à briller dans le cercle fermé des amateurs de talon-bouche et autre bourre-pif assaisonnés avec passion. Kazuma Kiryu et Majima Goro ne s’en laissent pas compter et marquent de leur empreinte les rues et ruelles des cités qu’ils explorent. À l’image de ses prédécesseurs, le combat est un pilier de l’aventure avec ses joutes sans conséquences et affrontements scénarisés. Barre de vie, jauge de Super appelée “Heat”, combos et coups spéciaux, le titre de Sega ne lésine pas sur la baston avec ses airs de jeu de combat véritablement technique où les puristes de la castagne pourront peaufiner leur art. À la manière de Sleeping Dogs, l’environnement est également une arme à ne pas négliger histoire d’écourter une séquence ou de sortir indemne d’un combat mal engagé.
Nouveauté de cet épisode, 4 styles de combat aux différences notables ont été attribués à nos protagonistes avec la possibilité de les alterner à la volée et de vous adapter aux adversaires en présence. Kiruy se voit doter des styles Brawler (coups puissants), Rush (frappes rapides et esquives), Beast (utilisation du décor) et Dragon de Dojima (ancien style de Kiryu). Quant à Majima, les styles Thug, Slugger (utilisation d’armes et automatiquement équipé d’une batte de baseball), Breaker (style basé sur des mouvements de Break Dance rappelant la capoeira) et Chien de Shimano (ancien style de Majima) lui assurent une suprématie de fait à Osaka. Et les armes aussi bien blanches que contondantes ajoutent du piment. Difficile de contrer un katana avec sa seule paume vous en conviendrez. S’équiper d’une arme ou la ramasser sur le corps encore fumant d’un ennemi à terre s’ajoute à la puissance dévastatrice de nos combattants.
Les sous-fifres n’ont pour challenge que le nombre. À 3, 4, 5 voire même 6, nos pauvres bougres mordent la poussière en un claquement de doigts à condition de maîtriser les arts martiaux et seuls les combats intenses de boss mettent à l’épreuve vos talents. Mouvements spéciaux et super déclenchés réduisent la barre de vie à peau de chagrin à chaque esquive manquée ou brise garde déclenché par l’adversaire.Un poing traversant un cendrier avant de rencontrer un nez, une parade suivie d’une contre-attaque cinglante… le mémorable touche à l’épique une fois les QTE ajoutés à la recette, à condition de ne pas en abuser. Et Yakuza 0 dose parfaitement ces séquences.
Yakuza 0 : Une destinée forgée à coups de poing
Maître de sa destinée
Ce prequel n’a pas pour ambition de redessiner les contours de la série et cela se ressent dans l’approche RPG du titre. Yakuza 0 trace la destinée de Kiryu et Majima dans les moindres détails et le joueur influe sur celle-ci par ses choix. Terminer un chapitre, terrasser un ennemi… est synonyme d’argent, en Yen Japon oblige, à dépenser pour débloquer de nouvelles aptitudes passives et/ou actives. Nouveaux mouvements en combat, gain de vie… les aptitudes des personnages dépendent essentiellement de cet investissement personnel. Et vos actes en tant que citoyen et/ou Yakuza octroient également une récompense en "CP" vous ouvrant les portes de bonus allant d’un multiplicateur d’argent récolté par combat à l’absence d’un redoutable PNJ vous faisant les poches s’il parvient à vous battre (ce qui arrive souvent en début de jeu).
La vie de Yakuza ne se résume pas à une suite de combats. Hommes d’affaires avant tout, ces mafieux investissent l’argent sale. Kazuma Kiryu se lance ainsi dans l’immobilier et rachète divers établissements dans la ville de Tokyo tandis que Majima Goro tend à devenir le roi de la nuit à Osaka en portant haut les couleurs de son cabaret. Gestion des biens et du personnel, prises de risques et retours sur investissement, Yakuza 0 flirte avec la simulation et étoffe sa formule. Ce qui reste un à-côté évident devient au fil du temps une voie essentielle à votre montée en puissance sans pour autant se transformer en tableur Excel pour comptable. Et la sape dans tout ça ? Le Yakuza impose le respect de par son statut, la violence inhérente à sa carrière, l’argent brassé et sa faculté à faire d’une garde-robe un moment particulier. Sans jamais s’aventurer sur le terrain d’un GTA, Yakuza 0 garantit tout de même certains moments de bravoure vestimentaire qui resteront dans les mémoires. Sans jamais avoir d’impact sur les personnages rencontrés et l’histoire en général, cette opportunité ravira les amateurs de personnalisation.
Bande-annonce de Yakuza 0
Un Japon plus vrai que nature
Yakuza. À ce simple nom, le fan se replonge avec plaisir dans cet archipel. Force de la saga, l’univers dépeint par Sega est criant de vérité. Toute personne ayant eu la chance de poser un pied à Tokyo ou Osaka reconnaît l’architecture et l’agencement si caractéristique des 2 villes citées. Bien que les noms soient fictifs (le quartier chaud de Kabukichō devenant Kamurocho) pour la ville de Tokyo, réalité et environnements imaginés se confondent. Disposition des restaurants, des magasins, des points d’intérêts, hommes sandwich… Yakuza 0 se mue en visite interactive du Japon des 80’s. Le travail effectué sur la reconstitution de cette période est bluffant.
Que ce soit l’ambiance sonore avec un choix de musiques vous propulsant sur la scène disco, les rues toujours aussi bondées, les produits mis à disposition du joueur… tout est propice à la découverte et à l’exploration dans un monde écartant de la main le concept d'Open World au profit de grandes zones. Un choix avant tout technique, mais qui garantit des environnements fourmillants de vie. Et les activités annexes permettent de découvrir tout un pan de la culture nippone. Bar à hôtesses, jeux vidéo sur bornes d’arcade (Space Harrier, Outrun…) salles de karaoké, bowling, billard et autres plaisirs… le Japon s’ouvre à nous et assure le spectacle. Voir Kazuma Kiryu se trémousser en rythme avant de revenir au business est un moment à ne manquer sous aucun prétexte. Et l’art des Japonais pour rendre le moindre moment de vie épique accentue l’effet “What the f*ck” de la scène.
Malgré des personnages aux visages expressifs et un travail sur la modélisation, le moteur de Yakuza 0 accuse les années et son arrivée en Europe 2 ans après sa sortie au Japon n’aide en rien le jeu. Depuis l’ère PlayStation 3, les développeurs se contentent d’améliorer ce qui peut l’être et cela se ressent. La résolution des textures, des animations rigides au possible et un clipping anarchique témoignent de sa vétusté. Loin des cadors du genre graphiquement parlant, cet épisode se laisse tout de même apprécier. Les environnements partiellement destructibles et les gerbes d’hémoglobine s’échappant des adversaires jouent le rôle de cache-misère, mais l’intérêt est ailleurs !
Bande-annonce de Yakuza 0
Points forts
- Des personnages hauts en couleur portés par des acteurs bien réels
- Un scénario dense contant les origines de 2 personnages iconiques de la saga
- Une mise en scène digne du 7e Art
- Des combats violents et jouissifs
- Un Japon 80’s plus vrai que nature
- Une durée de vie considérable (+100 heures)
- Des activités et histoires secondaires en pagaille
Points faibles
- Des failles techniques dues à un moteur de jeu obsolète né sous PS3
- Des dialogues parfois trop verbeux
- Des quêtes annexes sans grand intérêt
Yakuza 0 est un jeu à ambiance déroulant une histoire prenante dans un Japon 80’s criant de vérité. Film de gangsters japonais interactif, ce prequel s’attarde sur les origines de 2 figures emblématiques de la série via une mise en scène n’ayant rien à envier au 7e Art et une plume affûtée comme jamais. Et les affrontements gagnent en intensité. L’ajout de styles de combat et la possibilité d’alterner entre ces derniers à la volée dynamisent ces instants de pure violence. Malgré une technique accusant un retard certain, les environnements prennent vie à l’écran et nous invitent à découvrir Tokyo et Osaka dans la peau d’un Yak’. Sega assure une nouvelle fois le show tout simplement.