Il paraît que dans notre secteur ludique favori, le deuxième opus d'une franchise est souvent plus abouti que le premier. Passée la fraîcheur du concept, la formule prend alors le temps de s'affiner, gagner en profondeur et offrir une identité forte à ce qu'il convient désormais d'appeler une licence. C'est évidemment ce que nous sommes en droit d'attendre de Watch Dogs 2, à l'accueil controversé, mais aux ventes conséquentes qui auront convaincus Ubisoft de nous offrir une suite aux aventures d'Aiden Pearce. Une suite ? Pas tout à fait, puisque c'est cette fois-ci aux commandes d'un nouveau hacker que nous allons écumer les rues d'une destination inédite : la baie de San Francisco.
Sans surprise, c'est donc deux semaines après la sortie des versions PlayStation 4 et Xbox One que la version PC débarque, avec bien évidemment une foule de spécificités techniques. On notera, premier bon point, la présence d'un pack de textures hautes définitions pesant la bagatelle de 7 Go ainsi qu'une liste d'options plutôt copieuse. Si certaines produisent leur petit effet comme le "Brouillard de San Francisco" faisant écho à celui de la ville californienne, les configurations plus modestes devront évidemment faire l'impasse sur celle-ci ou encore le flou cinétique (gourmand et à l'utilité très relative) pour faire tourner un titre qui a toutefois le bon goût d'être fluide quelle que soit votre configuration.
Atteindre les 60 images par seconde est loin d'être inenvisageable, d'autant plus que passé les configurations faibles et moyennes, le niveau de détail du titre est plus difficile à percevoir. On choisira donc - à moins de disposer d'un PC de guerre - de renoncer à quelques détails supplémentaires, occlusion ambiante en tête, pour s'offrir une aventure en 60 fps qui ne perd ici rien de ses qualités d'origines. Sans être bluffant visuellement, le résultat est donc nettement plus convaincant que pour la version PC du premier épisode.
Vous pouvez retrouver ci-dessous notre test complet du jeu, équivalent à celui effectué sur les versions consoles.
Marcus Holloway, c'est son nom, est un jeune hacker piégé par Blume, l'entreprise façon Big Brother à l'origine du CTos. Derrière ce nom barbare se cache un programme visant à surveiller la population et collecter un maximum de données sur ces derniers avec, forcément, l'idée de vendre l'ensemble à de grandes compagnies qui transformeront tous ces éléments en monnaie sonnante et trébuchante. Au début de l'aventure, Marcus rejoint DedSec, un groupe de hackers activistes désireux d'éclairer la population en enchaînant les actions d'envergure. Avec ses personnages un brin trollesques et son mélange d'influences diverses conférant un style hipster-techno-geek à l'ensemble, Watch Dogs 2 nous avait d'ailleurs laissés sceptiques le jour de son annonce : nous nous sommes forcément demandé si un tel fossé entre le premier et le second opus ne serait pas préjudiciable à la licence.
Non-serious business
Un peu comme si, pour le comparer à deux séries aux thématiques similaires, Watch Dogs s'était éloigné du très sérieux et très froid Person of Interest pour davantage lorgner du côté de Mr Robot, y ajoutant au passage une bonne dose de couleur et d'humour afin de donner un ton plus léger à l'ensemble. Ubisoft s'est d'ailleurs lâché, en témoignent les vannes graveleuses, jurons fleuris et autres séquences marijanesques qui écument notre aventure et donnent un style plus authentique à des personnages hauts en couleur. Quelques cinématiques supplémentaires et plans plus inspirés n'auraient toutefois pas été de trop pour mieux habiller un scénario plaisant à suivre, mais pas toujours habile dans sa mise en scène des séquences plus "classiques". Et ce, malgré la présence de plusieurs idées originales comme la diffusion des vidéos montées par Dedsec après chaque mission principale ou l'apparition, façon pop-up, de journaux télévisés relatant vos faits et gestes après plusieurs missions clés.
Une écriture légère, mais plaisante
En terme d'écriture, le résultat est convaincant, grâce à un casting de personnages certes très caricaturaux, mais attachants et aux dialogues contribuant à une ambiance légère propice à la déconne. Plus amusant, Ubisoft fait même preuve d'autodérision sur quelques scènes, par la voix d'un Wrench (personnage très réussi, d'ailleurs) se moquant du style hipster de Marcus, ou celle du vétéran T-Bone atterré par les gamineries de l'équipe de DedSec. Pêle-mêle, on retrouve également Google, la scientologie, Martin Shkreli ou même Ubisoft lui-même, tous parodiés de façon assez savoureuse. L'ensemble tient toutefois plus de la blague potache que de la critique acerbe de notre société : n'espérez donc pas y voir autre chose qu'une aventure au ton léger et décalé. Dommage, car il y avait matière à creuser dans cette direction, mais il serait sans doute malavisé de reprocher à Ubisoft de ne pas avoir voulu s'aventurer sur un terrain qu'il n'aurait peut-être pas su maîtriser aussi bien qu'un studio tel que Rockstar.
Tom Cruise, ou presque, dans le futur blockbuster de l'année
High-tech tonique
L'un des points sur lequel Watch Dogs 2 s'avère particulièrement intéressant, c'est sur la cohérence de son univers : la carte du jeu est modélisée à la sauce Google Map, les applis de notre téléphone ont toutes un intérêt direct en jeu - amélioration des compétences, service de taxi façon Uber – et même des détails tels que la création des armes, via l'imprimante 3D, ou la façon de progresser, qui se mesure aux nombres de followers sur l'appli du groupe, ont été mis en avant avec des gimmicks high-tech. Profitons-en d'ailleurs pour souligner la clarté retrouvée de la carte, qui dissimule les points à l'intérêt plus limité lors d'un dézoom pour nous permettre de ne voir que l'essentiel. Débloquer des missions se fait d'ailleurs de façon plus naturelle dans un monde ici affranchi de tout point de synchronisation ou libération de zones pourtant typiques des productions Ubisoft, puisque c'est bien souvent au hasard d'une rencontre ou du scan d'un habitant que l'on découvre une nouvelle mission secondaire.
Des missions secondaires réussies
D'ailleurs, Watch Dogs 2 n'en manque pas : courses de bateaux, de quads et de drones d'un côté, services de taxis façon Uber de l'autre, sans oublier une belle brochette de missions secondaires très variées et tout aussi susceptibles de vous faire vivre de façon anticipée un crime façon Minority Report, ou plus simplement grimper sur les immeubles de San Francisco pour y imprimer la marque de DedSec. Le résultat a de quoi enthousiasmer, d'autant plus que bon nombre de clins d’œil se cachent dans ces dernières, qui bénéficient d'un effort de mise en scène et de narration qui les rend d'autant plus intéressantes. En plus, notre bande de hackers ayant pour objectif d'accroître le nombre d'utilisateurs de son application pour accéder à une puissance de calcul supérieure, arrêter sa quête principale pour s'adonner à l'une des missions annexes n'est ici pas dénué de bon sens puisqu'il s'agit d'autres types d'opérations susceptibles de servir le but principal de DedSec. Le multijoueur déjà très réussi du premier épisode fait également son retour et s'intègre parfaitement au tableau d'ensemble : outre des missions façon cache-cache ou de l'aide à la traque de joueurs coursés par la police, vous pourrez même accomplir certaines séquences en coopération avec des amis ou via un système de matchmaking classique. On notera toutefois que suite à quelques bugs, celui-ci est temporairement indisponible à l'heure ou nous écrivons ces lignes et devrait bientôt faire son retour.
Quelques exemples de missions annexes présentes in-game
Hacker ouvert
Pour accomplir sa mission, Marcus dispose d'ailleurs d'une palette d'outils étendue. Là où le premier épisode ne proposait qu'une option de hack sur chaque élément, le second vous en offre plusieurs. Par exemple, sur un compteur électrique lambda que l'on peut court-circuiter pour assommer une personne proche, il est désormais possible de créer un champ de force pour qu'il ne se déclenche qu'au passage d'un garde, voire même de générer un bruit pour attirer ceux aux alentours ou de cumuler les deux pour un maximum d'efficacité. Hacker les voitures peut aussi servir à créer une diversion ou écraser un péon qui a eu le malheur de se placer juste devant. Parmi les autres options disponibles, on notera également la possibilité de placer un avis de recherche sur une personne, qui se verra, au choix, prise en grippe par un gang local ou la police. Bien évidemment, il faudra débloquer au préalable ces actions via un arbre de talent et leur utilisation sera restreinte par un système de batterie, à recharger en hackant des sources d'énergie externes. Mises bout à bout, toutes ces nouvelles options permettent au joueur de faire preuve de plus d'inventivité que dans le premier épisode, d'autant plus que cet opus nous propose des niveaux offrant généralement plusieurs points d'entrée et de sortie.
Plus verticaux, plus grands ou tout simplement plus denses, ceux-ci ne sont toutefois pas inaccessibles pour un Marcus qui peut même se payer le luxe de réussir certaines missions sans mettre les pieds dans la zone concernée. Pour cela, il peut compter sur son jumper - une voiture télécommandée - ainsi qu'un drone, deux outils très utiles, mais à la portée et la résistance limitée. Le premier cité permet d'interagir physiquement avec l'environnement et peut se glisser dans les conduites tandis que le second servira uniquement au repérage. Utiles et parfaitement intégrés grâce à un level design inspiré, ils permettent de varier les approches et confèrent au titre un style technophile encore plus prononcé. C'est d'ailleurs en semant le chaos sur la zone d'intervention tout en restant à l'abri des regards que le titre s'avère le plus amusant, tant certaines situations incitent à l'improvisation et au nawak le plus total.
Une mission en infiltration avec l'utilisation du jumper
Vos adversaires ne brillent pas spécialement par leur intelligence, mais ont le mérite de compenser l'ensemble par une propension à être agressif une fois que vous êtes repéré, assurant au jeu un challenge correct qui incite à faire preuve de prudence. Et c'est là que ça se gâte : si le jeu propose des modes de difficultés supérieurs que l'on conseillera aux habitués du genre, Marcus reste quoi qu'il arrive surpuissant au corps-à-corps. En cas de situation mal engagée, isolez les ennemis, rapprochez-vous de l'un d'entre eux et déclenchez la touche d'attaque pour le mettre KO en quelques secondes. On peine encore à comprendre pourquoi le système s'avère aussi permissif sur ce point.
Le hack design
Nous l'évoquions il y a quelques lignes, Watch Dogs 2 propose un level design de bonne facture. La variété des missions et des décors proposés n'y est pas étrangère, bien que la structure reste souvent la même : s'infiltrer dans une zone, hacker une clé d'entrée pour accéder à une partie verrouillée, récupérer un élément sur un support informatique puis s'exfiltrer. Quelques variantes comme un mini-puzzle de passerelles réseaux nettement plus complet et intéressant que dans le premier opus sont bien présentes, certes, mais la diversité se trouve surtout dans les manières d'arriver à ses fins et la construction du niveau lui-même. Seul bémol à l'horizon, Marcus est capable de s'adonner aux joies du Parkour, mais certaines tentatives visiblement non anticipées par les développeurs aboutissent parfois à des loupés d'escalade. Comme ce moment ou Marcus n'a pas réussi à grimper à une plate-forme que j'avais pourtant rapprochée du toit sur lequel il se trouvait, mais qui n'était sans doute pas disposée à la hauteur parfaite exigée par le jeu. Nous sommes ici loin de la fluidité d'un Assassin's Creed, ce qui reste franchement rageant quand un saut échoue pour une trentaine de centimètres et vous fait repérer au beau milieu d'une mission d'infiltration.
C'est une maison bleue...
Autre partie pas encore pleinement convaincante, la conduite, qui s'est toutefois améliorée depuis le premier épisode. On notera ainsi du mieux sur la prise en main des véhicules classiques malgré des collisions toujours aussi peu convaincantes, tout en restant étonné par la physique improbable des deux-roues. De véritables 4x4 sur pattes incapables de vous désarçonner à moins d'un choc frontal d'une extrême violence et qui ne contribuent pas vraiment à l'immersion dans cet univers. En revanche, sur tout le reste, difficile de reprocher quoi que ce soit en terme d'immersion aux équipes d'Ubisoft. La reconstitution de San Francisco est très réussie et un effort supplémentaire semble même avoir été effectué sur la densité de population et l'impression de vie qui se dégage de l'univers proposé. Au détour d'une balade, il n'est ainsi pas rare de surprendre une conversation banale, une rixe interrompue par une voiture de police, voire même un vol à main armée. Si artistiquement, l'ensemble est très réussi, techniquement, le titre est encore perfectible. On notera ainsi quelques bémols comme un soupçon d'aliasing et bien évidemment du clipping. Rien de foncièrement gênant toutefois, Watch Dogs 2 étant sur le reste plutôt stable pour un open world : pendant une trentaine d'heures de jeu, nous n'avons ainsi eu que deux bugs mineurs et aucun ralentissement lors d'un moment critique.
L'arrivée à San Francisco vue du pont du Golden Gate
Points forts
- Un éventail de hacks enrichi
- L'ambiance et la modélisation de la baie de San Francisco
- Level Design solide
- Multi intégré avec intelligence
- La liberté d'approche des missions principales
- Effort de mise en scène et scénarisation des missions secondaires
- Scénario au ton plus léger et plaisant à suivre...
Points faibles
- … Mais pas aidé par une réalisation très quelconque
- Un Marcus surpuissant au corps-à-corps
- Moteur physique trop permissif sur le Parkour et la conduite à moto
- Pas mal de clipping, un brin d'aliasing
Plus léger que son aîné par son scénario, son ambiance et ses personnages, Watch Dogs 2 ne l'est pas sur le plan de son contenu ou ses mécanismes, approfondis depuis le premier épisode. La baie de San Francisco est d'ailleurs un terrain de jeu réussi, propice à l'utilisation de nouveaux outils et l'implantation d'un scénario s'appuyant sur les grands noms - parodiés, évidemment - de la Silicon Valley. On regrettera principalement la surpuissance de Marcus au corps-à-corps et un moteur physique rendant, de temps à autre, les collisions à moto ridicules et le parkour imprécis. On pourrait également regretter que l'histoire, plaisante et légère, ne bénéficie pas toujours d'une mise en scène digne de ce nom. Mais ces quelques défauts n'effacent en rien la copie très propre rendue par les équipes d'Ubisoft Montréal, qui nous livrent un titre solide, doté d'un univers cohérent et de terrains de jeux variés et inspirés que l'on prendra plaisir à explorer. En drone, en jumper, ou à pied ? À vous de trancher.