L’histoire d’amour consommée entre Capcom et les zombies remonte à l’année 1996 et les débuts de Resident Evil, une saga horrifique sur fond de série B faisant trembler les joueurs depuis plus de 2 décennies. Et l’éditeur japonais ne se contenta pas de sa franchise phare. En 2006, un journaliste à l’humour cinglant et à la répartie acide débarquait l’appareil photo en bandoulière pour couvrir les événements ayant embrasé la bourgade de Willamette. 3 épisodes plus tard, Frank West fait son grand retour dans Dead Rising 4 et retourne dans cette petite ville afin de couvrir une nouvelle épidémie. Plus ambitieux que jamais, notre reporter est bien décidé à lever le voile sur les mystères entourant cette nouvelle émergence de morts-vivants.
Frank West, journaliste de l’extrême
Frank West est donc de retour et Dead Rising ne peut que féliciter Capcom pour cette décision. Notre journaliste de l’extrême incarne à la perfection cette franchise. Après 2 épisodes mettant en scène les courageux, mais non moins fades, Chuck Greene puis Nick Ramos, le retour de Frank est synonyme d’humour gras omniprésent et d’héroïsme bas de gamme. Malgré les 16 ans séparant les événements de Dead Rising 1 et 4 et les semestres passés en tant que professeur à l’université, ce besoin de reconnaissance à travers le scoop du siècle pousse Frank à s’infiltrer dans un complexe militaire. Un scandale et un complot gouvernemental plus tard, la réputation de notre reporter de l’extrême est au plus bas jusqu’au jour où la petite ville de Willamette est une nouvelle fois la victime d’une horde de zombies. Il est temps pour notre bon vieux Frank W. de reprendre du service.
La saga Dead Rising se caractérise par un humour de chaque instant. Jamais grandiloquente, la plume de Capcom caricature l’héroïsme bas-de-plafond et se nourrit des scénarios de films de série B et autres nanars pour concocter une histoire faite de rebondissements attendus, de punchlines balancées par douzaines et de moments où l’épique côtoie le ridicule. Et la faculté de Frank à assaisonner l’aventure d’une pointe d’humour donne toute sa saveur à l’apocalypse imaginée par les scénaristes. Un simple « samoussa fourré » et quelques blagues potaches, voire graveleuses, insufflent ce ton si caractéristique, pilier de la franchise et véritable bol d’air frais dans la sphère des jeux de zombies. Les dialogues fusent tandis qu’un sourire franc et sincère se dessine sur le visage du joueur parcourant Willamette. Quant à la narration, celle-ci évite toute complexité de principe et va à l’essentiel en privilégiant l’humour et une trame sans fioritures. Les cinématiques se comptent sur les doigts de la main à l’exception d’une réalisation en 2D soignée pour résumer la déchéance de Frank après le scandale ayant entaché sa réputation.
Dead Rising 4 trônerait fièrement sur la couverture d’un Mad Movies tant les thèmes abordés épousent ceux d’un certain George Romero. Et la seule présence d’un centre commercial atteste de cet amour porté aux films de genre et à ce réalisateur devenu d’une certaine manière le père du zombie moderne. Les événements de DR4 se déroulent durant le Black Friday et cela ne peut être une coïncidence. Notre société de consommation a trouvé un nouveau critique malgré lui en la personne de Frank West, symbole des dérives du rêve américain et archétype de l’ambitieux prêt à tout pour réussir.
Le charme de la banlieue américaine
Bien que vaste à leur sortie et propice à une imagination débordante, l'espace de jeu des premiers Dead Rising se contentait d'un centre commercial idéal pour transformer une invasion de zombies en défouloir ludique. Avec Dead Rising 3, Capcom étendait l'emprise des morts-vivants sur une ville entière et DR4 poursuit dans cette voie. Du centre-ville aux fermes excentrées en passant par la zone industrielle et ses usines, la pandémie a envahi Willamette et transformé cet havre de paix zone de mort. La franchise de Capcom a toujours joué la carte de la surenchère et à ce petit jeu-là, les centaines, les milliers de putréfiés vagabondant dans les rues donnent d'une certaine manière «vie» à cette bourgade. Une marée de morts-vivants déambule dans la ville et une simple virée en voiture recouvre la chaussée de sang coagulé tandis que membres, têtes et boyaux voltigent à l'impact.
Invasion et fun vont de pair. Quelques zombies ne sauraient calmer les ardeurs de Frank West et sa présence en ville se fera remarquer. Sans crouler sous les activités, la seule présence de cadavres ambulants et des Maniacs (un groupe d'humains faisant de l'apocalypse un terrain de jeu) occupe vos soirées d'hiver. Les autres survivants se cloîtrent dans des refuges qu'il faut sécuriser afin de pouvoir profiter d'un endroit sûr et faire le plein d'armes, de soins et de style. De plus, divers événements se déroulent en ville à l'approche de Noël, à commencer par le sauvetage de survivants hurlant à pleins poumons. Leur venir en aide est synonyme de récompenses , bien souvent des armes. Si vous avez le temps, ne vous faites pas prier. Malheureusement les activités annexes ne courent pas les rues et sont remplacées par la recherche de journaux, portables et graffitis... autant de preuves de l'épidémie qui décime Willamette. Mais cette profusion de « collectionnables » ne peut masquer le manque de quêtes secondaires.
Techniquement, Dead Rising 4 ne révolutionne en rien le marché, mais assure l'essentiel et démontre le travail effectué par les artistes et les développeurs de Capcom Vancouver. Vision apocalyptique à perte de vue, textures sans accros, hectolitres d'hémoglobine, effets pyrotechniques en tout genre... DR4 dépeint l'apocalypse avec ferveur et en mettant du coeur à l'ouvrage. Et les milliers de zombies traînant la patte sont les témoins de cette volonté. Le mot «horde» prend tout son sens dans cette nouvelle aventure de Frank W. A l'exception de 2 crashs, les 13 heures passées dans cette petite ville américaine se sont déroulées de la plus belle des manières. La prouesse se trouve dans l'excès et non dans la finesse. Seul véritable bémol, la connexion internet rendue obligatoire. A l'heure du tout connecté, cette contrainte prête à sourire, mais reste un frein à la découverte du titre.
Une virée en centre-ville la tronçonneuse à la main
Une investigation sanglante
Beat'em All dans l’âme, Dead Rising 4 répond à la vague zombies frappant actuellement le marché du jeu vidéo avec véhémence. La saga de Capcom n’a jamais fait dans la dentelle, bien au contraire, et ce 4ème épisode perpétue la tradition ayant fait le succès des épisodes précédents. Frank West fait parler la poudre et la batte à clous afin de repousser des milliers de morts-vivants. Pas moins de 10,000 âmes explosèrent au contact des armes contondantes et armes à feu de notre journaliste. L’action est constante et le dynamisme suppure par tous les pores. Frapper au corps à corps avec une masse et enchaîner avec un tir de fusil à pompe en pleine tête avant de calciner les derniers récalcitrants avec un cocktail Molotov… Voici un enchaînement mortel faisant monter cette rage libérant un Coup Spécial à l’efficacité reconnue et au ralenti esthétique. Frank West assène dès lors un coup surpuissant lié à l’arme de mêlée équipée.
Incontournable de l’expérience Dead Rising, la multitude des armes mises à disposition illumine votre périple. Des lances, des haches et des épées… des revolvers, des fusils d’assaut et des grenades… viennent à bout des zombies s’agglutinant dans les rues de Willamette et les allées de son centre commercial. Et pourtant, le fun rime principalement avec « Combo ». Rien de moins que 55 plans d’armes et de véhicules sont disséminés dans la ville. La construction d’armes et de véhicules ne déborde pas de complexité, mais se fait à la volée, histoire de dynamiser les affrontements. De la Beauté Fatale pulvérisant ses couteaux à l’aide d’une bonbonne de propane à la Nostalgie Explosive et sa masse agrémentée de grenades, en passant par le lance vinyle sobrement nommé Machine à Tubes et le véhicule Va-t-en-Guerre, ces élans de créativité et l’exosquelette octroyant une puissance de frappe survitaminée ne sont pas de trop pour venir à bout du bestiaire concocté par Capcom. Le simple zombie affamé s’accompagne désormais d’un infecté adepte de la course à pied proche de celui du film 28 Jours Plus Tard et d’un Néo-zombie intelligent et résistant capable de contrôler les autres morts-vivants. Piochant sans vergogne dans ses autres licences, Capcom s’autorise même la présence d’un boss aux allures de Nemesis pour un combat final épique certes, mais un tantinet trop long.
Les gunfights perdent en intensité une fois les humains mis dans l’équation. Mus par une intelligence n’ayant rien à envier ou presque aux zombies, les mercenaires d’Obscuris et les Maniacs jouent le rôle de chair à canon sans jamais devenir un véritable obstacle à votre progression. Frank West les annihile d’un revers de main. Les affrontements sont tout simplement génériques au possible. Le seul intérêt de leur présence étant d’enrichir l’expérience et de donner vie à Willamette avec une présence humaine. Le seul plaisir est à trouver auprès des zombies venant se mêler aux réjouissances et pouvant faire basculer le conflit au doux son d’un « grrrrr ». Et Dead Rising 4 ne se contente pas de distribuer les baffes par centaine. Au contraire, Frank West est un journaliste et agit comme tel. Armé de son appareil photo, ce dernier cherche le scoop de sa carrière, mitraille les atrocités se déroulant à Willamette et enquête pour découvrir la vérité. Afin de faire progresser le scénario, des scènes d’investigation ponctuent l’aventure. Lors de ces séquences, Frank W. utilise les fonctions « normale » et « nocturne » et l’analyseur de spectre pour étudier une pièce et déterrer les indices nécessaires pour faire avance la trame principale. Sans être révolutionnaires, ces moments d’accalmie rythment l’expérience et font de ce Beat’em All, une aventure journalistique.
Frank West enquête sur les mystères entourant Obscuris et cette nouvelle épidémie
L’apprentissage à la dure
Frank West a survécu à 2 invasions zombies (Dead Rising, Dead Rising 2 : Off The Record), mais cela ne garantit en rien sa capacité à survivre aux événements de Dead Rising 4. L’apprentissage se fait à la dure un coup de batte après l’autre. Venir en aide aux habitants de la ville, compléter les missions du scénario et bien entendu prendre des photos (dont des selfies, Frank West ou la vision « funky » de l’apocalypse) sont synonyme de points de prestige se traduisant en montée de niveau et donc en points de talent. Une centaine de compétences passives ou actives octroient à Frank des bonus non négligeables. Augmentation des points de vie ou de la vitesse de régénération, coups critiques avec les armes de mêlée et les armes à feu… les effets de ces capacités sont indéniables et facilitent grandement la progression sans pour autant annihiler tout principe de difficulté.
Le gain d’expérience ne fera pas tout. La survie passe aussi par une fouille minutieuse des ruines et des complexes. Les kits de soins, les items, mêmes les plus étranges (masque de Blanca, cloche de noël, boule à neige, ballon de basket…) s’avèrent essentiels et vous sortent bien souvent d’une situation mal engagée. Un simple marteau sera salvateur une fois vos armes les plus efficaces détruites. Car survie rime avec endurance et les équipements de Frank West ne résistent qu’un temps donné après quoi elles disparaissent et avec elle leur puissance, vous laissant dès lors démuni face à la horde. Et notre héros ne compte pas disparaître de ce monde sans imposer son style, tout du moins vestimentaire. À l’image des opus précédents, de nombreuses tenues et accessoires constituent la garde-robe de Frank. Tenue de pompier ou d’ouvrier, lunettes de soleil, chapeaux rigolos, bottes de cow-boy… le style côtoie le mauvais goût au plus près pour un résultat tantôt extravagant tantôt impossible à assumer sans en rire.
Dead 4 Dead
Une fois les péripéties de Frank West terminées et Willamette nettoyée de la racaille arpentant ses rues, le mode multijoueur nous ouvre ses bras. Point important, la coopération au sein de la trame principale a disparu, tout comme les modes multi ayant fait le succès de la licence.
Et pourtant, cette version 2016 du multijoueur rallonge considérablement la durée de vie tout en offrant son lot de moments épiques et de zombies affamés. Après avoir choisi un personnage parmi ceux proposés, il est temps de s’équiper dans une zone sécurisée avec les ustensiles à disposition et de compléter les diverses missions proposées. Éradiquer des hordes de morts-vivants, disposer des charges explosives, récupérer des articles de sport dans une boutique… répondre à ses attentes délivre son lot de points de prestige et donc de talents afin de débloquer les mêmes capacités que Frank ainsi que de nouvelles regroupées dans une catégorie « Multijoueur ». Capcom adapte tout simplement sa campagne solo dans un mode jouable à 4 simultanément. Sans jamais scénariser cette dimension multijoueur, Dead Rising 4 met les formes et prodigue une survie en groupe anecdotique, mais plaisante à parcourir.
Points forts
- Le retour de Frank West au meilleur de sa forme
- Un scénario de série B totalement assumé et gavé d’humour s‘étalant sur une douzaine d’heures
- Une ville de Willamette envahie par des milliers de zombies
- Des combats dynamiques et sanglants
- Des armes « Combos » toujours aussi imaginatives
- De nombreux talents et armes à découvrir/débloquer
- Un mode multijoueur rallongeant la durée de vie
Points faibles
- Une certaine répétitivité après plusieurs heures de jeu
- L’absence de véritables quêtes secondaires
- Une intelligence artificielle sommaire
- Quelques crashs à déplorer
- Connexion internet obligatoire
Frank West célèbre son retour dans la petite ville de Willamette avec la manière. Humour grinçant et punchlines potaches nourrissent un scénario digne d’un film de série B avec sa farandole de clichés et ses personnages caricaturaux, hommages aux films de zombies. Et Dead Rising 4 améliore la formule ayant fait le succès de la saga sur de nombreux points. Nouveaux ennemis, affrontements fun et dynamiques, armes en tout genre et scènes d’investigation… assurent l’essentiel de l’expérience sans oublier ces centaines de zombies hantant les rues. Sans être une prouesse visuelle ou technique, ce Beat’em All n’a pas à rougir de sa prestation. Willamette s’embrase sous nos yeux et se recouvre de sang à chaque passage de notre journaliste. Dead Rising 4 reste fidèle à la licence et peaufine plume et gameplay. Capcom réussit ainsi le tour de force de sortir de sa retraite avec panache ce reporter à la fois attachant et insupportable qu'est Frank West.