Suite directe de Shin Megami Tensei IV, Apocalypse se ferait presque passer pour un simple DLC tant les ressemblances avec son prédécesseur sont récurrentes : de nombreux lieux identiques, des personnages en commun, des mécaniques à peine remaniées. Pourtant, au cœur de cet Apocalypse se cache un des meilleurs JRPG de l’année, dans la pure tradition des jeux de rôle au tour par tour.
Trailer de Shin Megami Tensei IV : Apocalypse
Tokyo est la proie d’une guerre sans relâche opposant humains et divinités. Alors que la ville est prisonnière du dôme qui la protège, les habitants doivent faire face à de nombreuses difficultés pour survivre. La nourriture est rare, les démons rôdent à l’extérieur, et la population place tout son espoir de revoir enfin le bleu du ciel sur les épaules de Flynn, le samouraï légendaire de l’épisode précédent. Pourtant, c’est entre les mains d'un tout autre héros que l’avenir de l’humanité se dessine. Ainsi commence l’histoire de Nanashi, un jeune cadet enrôlé chez les Hunter, qu’un cruel destin forcera à pactiser avec le démon pour survivre, jusqu'à s'engouffrer au coeur d'une bataille féroce pour le pouvoir absolu ou la sauvegarde de l'humanité.
Collection démoniaque
C'est donc dans une ambiance lourde et sombre que s'installe une aventure qui, après avoir imposé plus de deux heures d'introduction un peu molles, se lance dans un rythme plus soutenu qui ne retombera jamais, démontrant les progrès faits par Atlus à ce sujet. Et une fois le bracelet d'invocation acquis, sorte de smartphone de la fin du monde, une quête aux multiples facettes s'engage. A commencer par la collection de démons, seul moyen d'obtenir des pouvoirs et de briller au combat. Sur un principe à mi chemin entre Final Fantasy et Pokemon, on vous propose d'emporter avec vous un roaster d'anciens adversaires, capturés lors de joutes verbales au cours desquelles le hasard semble avoir plus d'importance qu'une quelconque tactique. Mais une fois en poche, ces monstres pourront apprendre et partager avec vous de nouvelles techniques, évoluer, voire fusionner avec d'autres compères pour compléter votre catalogue. Ils seront aussi vos principaux alliés face aux nombreux adversaires que vous réserve cette épopée.
Et c'est lors des combats que votre capacité à créer une équipe évolutive de démons, aux pouvoirs multiples et équilibrés, se montrera décisive. Nous sommes en effet en présence d'un RPG au tour par tour, assez classique dans sa construction, mais intégrant le concept de Press Turn si cher à la série. Ce principe, consistant à profiter des faiblesses de l'adversaire pour glaner quelques attaques supplémentaires ou booster ses capacités, permet de dynamiser les affrontements tout en augmentant la part de stratégie. Il devient ainsi crucial de bien connaître les techniques de chacun de ses démons pour les intégrer au plus tôt dans l'équation, et ainsi éviter une défaite toujours menaçante, même dans les combats aléatoires. A cela s'ajoute la présence de partenaires, personnages secondaires rencontrés au fil de l'histoire et dont l'action au combat gagne en importance dans cette suite. Totalement automatisés, ils pourront vous offrir leur support à la fin de chaque tour et, lorsque leur jauge d'Assist sera remplie, combiner leurs pouvoirs dans un feu d'artifice salvateur.
RPG oblige, les combats sont certes nombreux, mais peuvent être évités dans la plupart des cas. Le levelling reste d'ailleurs tout à fait acceptable et se motive en plus par l'intérêt de collecter des démons pour en créer de nouveaux. Mais rien ne vous oblige à abuser de cette pratique, du moins sur les deux premiers niveaux de difficulté, puisque parcourir le scénario en ligne droite sans abuser de l'évitement suffit à acquérir un pouvoir suffisant pour se présenter sans honte face aux boss. Ces derniers n'offrent d'ailleurs pas toujours un challenge très intéressant, leurs forces et faiblesses n'étant pas vraiment exploitables comme dans les combats classiques, la tactique de base se résumant souvent à les rouer de coups puissants tout en survivant à leur enchaînements. L'IA semble d'ailleurs s'amuser régulièrement à nous mener au bord du précipice, à deux doigts de la mort, sans finalement achever le travail. De quoi déclencher quelques frayeurs sans pour autant jouer la carte de la frustration.
Errances dans les limbes
Si les progrès depuis l'épisode précédent sont nombreux, ils cachent aussi pas mal de défauts qui empêchent Shin Megami Tensei IV : Apocalypse d'entrer au Panthéon des jeux de rôle. Ainsi, on se confronte immédiatement à l'ambiance certes démoniaque, mais loin d'être mature. Des dialogues parfois enfantins, souvent caricaturaux, nous mênent régulièrement au bord d'une indigestion que seul l'enchaînement automatique des échanges permet d'éviter. Peut être manque-t-il aussi un deuxième niveau de lecture pour que chaque génération y trouve un intérêt, le scénario pourtant solide restant étriqué dans sa vision très adolescente des évènements. De même, on pestera souvent face à ces PNJ qui n'ont finalement rien à dire et dont la présence ne semble être motivée que pour habiller des espaces parfois un peu vide de sens.
C'est d'ailleurs là le principal reproche que l'on peut faire à cet épisode, à savoir des environnements et une ambiance qui, non contents de leur récupération depuis l'opus précédent, manquent plus de personnalité que de temps de chargements. Les maps sont en effets décomposées en micro-sections de quelques couloirs ou de salles plutôt exigües et il est parfois difficile de garder le moindre sens de l'orientation. Heureusement, les objectifs sont plus visibles qu'auparavant et malgré de nombreux allers et retours entre la carte et l'action, il devient désormais quasiment impossible de se perdre. Par contre, si la mini map de la ville gagne enfin en lisibilité avec l'ajout du nom des lieux visités, elle reste encore d'un piètre niveau, au point que sa suppression n'aurait choqué personne. Rien de bien grave puisque le temps qu'on y passe, comme les rares actions que l'on a à y faire, restent des plus anecdotiques.
L'apocalypse pour tous
Pas vraiment besoin d'avoir joué aux précédents épisodes pour trouver sa place ici. Les nouveaux venus rateront évidemment quelques références, mais entre le résumé historique offert par les différents PNJ et les quelques flashback rythmant la première heure de jeu, l'essentiel est donné au joueur pour apprécier ce scénario certes ancré dans une certaine continuité, mais aussi réellement indépendant. Quant au gameplay, il a le bon goût de s'inscrire dans une certaine tradition, à la fois très lisible mais riche quand on s'y plonge, loin des clichés hardcore qu'on veut bien lui prêter. Avec 3 niveaux de difficulté bien différents, que l'on peut modifier à tout moment de la partie, et des aides et handicaps à foison, l'invitation au voyage s'adresse finalement à tous les joueurs en quête d'aventure et de puissance, chacun pouvant trouver un challenge à sa mesure. On regrettera simplement l'absence de voix ou de sous-titres en français, l'intégralité du jeu, des dialogues et des menus se faisant dans la langue de Shakespeare.
Points forts
- Une histoire solide, captivante et aux multiples fins
- Le système de combat profond sans être complexe
- La collection de démons passionnante
- Une excellente gestion de la difficulté
- L'ambiance sonore très réussie
Points faibles
- Des dialogues souvent désuets
- Les environnements recyclés et très découpés
- Peu d'évolutions de gameplay
- Dialogues et sous-titres en anglais uniquement
Pour résumer, il y a énormément de bon dans cette suite qui réussit le pari de surpasser son aîné en tous points. Qu'il s'agisse de l'ambiance, de la solidité de l'histoire ou des mécaniques de jeu, Shin Megami Tensei IV Apocalypse est du genre à vous captiver tout au long de la trentaine d'heures minimum qu'il demande pour être terminé. Reste néanmoins l'impression de redite pour les joueurs ayant terminé l'épisode précédant face à la récupération de nombreux environnements comme d'éléments de gameplay. Un défaut qui ne suffit pas à entâcher l'aura d'un des meilleurs JRPG de cette fin d'année.