Trois années après Battlefield 4, les studio D.I.C.E. reprennent leur licence en main et sortent Battlefield 1, un FPS solo et multi venu gommer les errances de la saga iconique, qui s’était risquée à un épisode Hardline un brin décevant pour les fans et développé par Visceral Games. Avec ce nouvel épisode, c’est un conflit rarement exploité qui sert de cadre aux affrontements : la première Guerre Mondiale. Battlefield 1 est-il à la hauteur de nos attentes ? C’est ce que nous allons tenter de savoir aujourd’hui…
En 2015, D.I.C.E. s’était laissé tenter par Star Wars Battlefront, un jeu reçu de manière assez inégale par les amateurs de la série mais qui ne laissait présager que du bon pour le prochain titre de la licence-clé du studio : Battlefield. Dans le but de faire « du jamais vu », les développeurs suédois ont choisi « la Grande Guerre » comme théâtre des affrontements multi et solo de Battlefield 1. Conscients du savoir-faire du studio et des enseignements de l’expérience Battlefront, nous étions très curieux de voir si ce nouveau BF allait briller comme avait brillé les excellents Battlefield 1942, 2, et 3 ou encore comme les spin off Bad Company. Le solo « nouvelle formule » fonctionne t il ? Le choix de la 1ère guerre est-il pertinent et bien utilisé ? Voilà les questions que nous avions en tête en nous rendant à Stockholm pour deux jours de test intensif, sur PC, dans les locaux du studio suédois. Commençons donc par la base de la base : le gameplay…
Plus viscéral que jamais ?
Première guerre mondiale oblige, Battlefield passe un cap et focalise désormais une grande partie de son gameplay au niveau de l’infanterie à combat rapproché. Les véhicules, toujours présents, sont moins visibles mais apportent un avantage plus grand qu’auparavant. Exit les canons anti-aériens à verrouillage laser et autres joyeusetés de la guerre moderne qui facilitaient le travail : les avions et divers modèles de blindés sont désormais une vraie menace pour la progression des troupes et s’en défaire demandera souvent un peu plus de stratégie et de concentration que sur les opus contemporains.
Au sol, la guerre se joue brutalement, et bien plus souvent au corps à corps, à coup de bâillonnent, de couteaux et de masses. Forcément, avec un attirail composé de fusils équipés de verrous à chargement lent, de mitrailleuses aux chargeurs limités et dotés d'une précision en berne, les belligérants vont avoir à s’affronter directement de manière plus régulière. Mais gare pendant vos affrontements à ne pas vous laisser surprendre par l’usage d’yperite et autres gaz mortels, qui forcent les troupes à s’équiper de masques à gaz handicapants mais diablement efficace pour l’immersion.
Des classes bien équilibrées
Un chouia plus « close quarter » que ses ancêtres, ce nouveau Battlefield ne délaisse pas pour autant les grandes étendues et c’est sur des maps telles que Fao Fortress, Empire’s Edge, Monte Grappa et St Quentin Scar que les snipers et amateurs de distance se feront véritablement plaisir. Adoptant un système de reflet pour signaler tout sniper en cours de visée, BF1 rééquilibre les forces sur une des problématiques les plus gênantes des FPS multi : la campe et le fait de pouvoir déloger les snipers. Ces derniers doivent souvent bouger et effectuer leurs tirs rapidement, sans quoi leur espérance de vie tombe bien bas… Un sport déroutant au début mais qui s’avère très vite savoureux en tant que tireur d’élite.
Gameplay sur Monte Grappa et Ballroom Blitz
Globalement, chacune des 4 classes est utile et appréciable. L’Assaut incarne le combat de tranchée avec ses fusils à pompes et mitrailleuses moyenne distances, en plus d’être la classe efficace contre les blindés. On notera d’ailleurs la présence du Rocket Gun, très utile aussi bien contre les véhicules que pour déloger rapidement des tireurs d’élite. Le Médic est lui aussi crucial avec ses soins et sa seringue de réanimation. Cette classe s’offre en plus de ça des armes efficaces, notamment une carabine à répétition équipée d’une lunette de visée. Notez à son sujet que D.I.C.E. a eu la bonne idée d’ajouter un indice de proximité des médecins sur le champ de bataille, ce qui fait qu’un joueur fraichement mort saura très vite si cela vaut le coup d’attendre un toubib pour être potentiellement soigné. C’est en revanche le Support qui, comme d’habitude, a le moins d’utilité en apparence, mais compense grâce à des batteuses à grosse capacité en matière de munitions, n’hésitant pas à arroser les cibles pour profiter des temps de rechargement de ses ennemis.
Cela vous a peut être échappé, mais les pilotes de tanks et d’avions ont désormais leur propre classe, bien moins équipée pour la guerre, et devront la jouer finaud une fois hors de leur véhicule. Pas de panique cependant en cas de parachutage de dernière minute : il suffit de ramasser les équipements de vos adversaires pour repartir au combat à armes égales. Cette décision est en revanche une vraie bonne idée puisqu’elle empêche les joueurs de voir les véhicules comme des taxis leur servant à traverser rapidement la map avant de les quitter.
Si vous choisissez un véhicule, vous avez tout intérêt à y rester et à vous battre pour survivre une fois ce dernier détruit. Au passage, sachez que les véhicules offrent plusieurs loadouts customisables avec des configurations tantôt anti-tanks, tantôt anti-personnelles par exemple. Héritage de Battlefront, la classe des « héros » est ici réutilisée pour présenter 3 classes élite : le redoutable soldat au lance-flamme, la sentinelle et sa gattling surpuissante, et le sniper anti-char avec son fusil à la taille et aux dégâts démesurés. Chacune de ses classes dispose de points de vie supérieurs et d’une meilleure protection au combat ce qui en fait de redoutables atouts dans les lignes, capables de renverser la vapeur avant de s’éteindre sous les balles.
Voyage voyage !
Les maps du jeu, qui présentent le Moyen Orient, la France, et l’Italie, sont conçues de telle manière à ce que les différents modes de jeu les exploitent à fond. Il s’agit donc d’univers vastes dans lequel chaque configuration s’offre des zones dédiées et bien pensées qui, une fois dans le mode-roi, à savoir Conquest, révèlent la totalité de leur potentiel pour des batailles dantesques. Des 9 maps disponibles, on remarquera surtout Monte Grappa, très verticale et ultra stratégique, Amiens qui malgré l’absence de la cathédrale dans l’aire jouable constitue un parfait champs de ruine où les affrontements font rage. La carte dans le château français, Ballroom Blitz, nous a aussi tapé dans l’oeil pour ses intérieurs somptueux. Quant à St Quentin, c’est avant tout pour ses superbes tranchées sinueuses que l’on s’en souvient. Enfin, dans la liste des cartes qui sortent du panier, on remarque surtout la Forêt d’Argonne, visuellement bluffante et proche d’Endor de Battlefront.
Seules Suez et Empire’s Edge dénotent un peu avec la grande qualité des cartes, faute d’originalité et de points d’intérêts inédits. Le ton est donc donné au niveau des cartes, et les modes de jeux sont tout aussi réussis. Conquest est évidemment présent avec ses affrontements de grande envergure à pied comme en véhicule (jusqu’à 64 joueurs). On retrouve aussi le mode Rush qui s’offre au passage la possibilité de faire des frappes aériennes sur les attaquants. Domination, version minimaliste de Conquête fait acte de présence tout comme Team Deathmatch qui n’a pas vraiment besoin d’explications… Côté nouveauté, on découvre le mode Pigeons de Guerre, un genre de capture the flag où les joueurs doivent capturer un pigeon, le tenir suffisamment longtemps, et le relâcher en faisant bien attention à ce que les adversaires ne tuent pas l’oiseau en plein vol, sans quoi le point ne sera pas marqué. Non, ce n’est pas une blague…
Nos plus beaux frags sur Empire's Edge
Pour trouver la vraie originalité du multi, il faut chercher du côté du mode Operations. Ce dernier, un brin complexe à appréhender, propose des batailles longues durées sur plusieurs manches, avec à la clé un changement de map. Le tout s’apparente à une véritable mini campagne sur 2 ou 3 cartes avec une petite narration qui restitue le contexte historique de l’opération en question, un premier liant entre le gameplay survitamité et le contexte historique qui permet de pardonner les libertés prises en matière de fidélité historique. Concrètement, le mode opération propose aux attaquants de progresser dans les lignes ennemies et de sécuriser des zones, comme en mode Rué, à ceci près que les tickets de réapparition des attaquants sont comptés… Les rounds s’enchainent donc au fur et à mesure et la pression monte au fil des captures successives de points, d’autant qu’à la partie suivante, on commence là où s’était arrêté l’offensive précédente. Manque de bol pour les attaquants, les défenseurs récupéreront parfois des béhémoth, ces gigantesques plateformes de tirs que sont le zeppelin, le train armé, et le navire destroyer, suivant la carte où se déroule l’action. Comme vous avez pu le voir dans les trailers ou diverses phases de beta et d’alpha du titre, leur puissance de feu n’a d’égal que leur longévité et il va falloir sérieusement s’y intéresser pour en venir à bout. Notez par ailleurs qu’ils peuvent accueillir plusieurs emplacements de joueurs et que leur destruction est très spectaculaires, même si le train et le bateau ne font qu’exploser alors que le zeppelin tombe en flamme sur la carte, ce qui avouons-le est l’une des situations les plus épiquement visuelle jamais observée dans les FPS multi, depuis la chute du building de Siege at Shanghai dans BF4.
Fidèle jusqu’aux détails ?
Si l’on s’attaque à la fidélité historique de Battlefield 1, certains vont vite grincer des dents. En effet, la polémique autour de l’absence des armées françaises et russes, pourtant essentielles dans le conflit dépeint, a fait grand bruit en amont de la sortie du titre. Ces deux nations seront d’ailleurs présentes dans les DLC du titre, ce qui n’a pas forcément été bien pris par la communauté. De toute manière, il est important de garder en tête que les différents camps ne changent absolument rien au gameplay et modifient simplement l’aspect visuel des troupes et leurs messages audio de réaction à chaud. On notera au passage des affrontements qui font très « seconde guerre mondiale » avec une abondance de mitrailleuses et armes automatiques lors des combats multi à niveau élevé (après quelques achats d’armes grâce aux Bons de Guerre). SI c’est le réalisme que vous cherchez, sachez que c’est la carte St Quentin qui se prête le plus à l’ambiance des tranchées avec ses terrains boueux, remplis de barbelés et d’artillerie lourde. Dommage que cette ambiance iconique d’une imposante partie du conflit ne soit si peu mise en valeur dans le contenu multijoueur, on aurait beaucoup aimé voir un mode intégralement dédié aux tranchées ou encore un mode avec des messagers à vélo devant délivrer des informations de la plus haute importance… Constat donc relativement mitigé pour la fidélité historique et le rythme de combat, décidément trop vif et trop intense pour retranscrire l’intensité de la Grande Guerre, mais qu’importe puisque le solo est quant à lui fidèle et didactique, grâce à ses War Stories.
Un solo à la hauteur ?
Point noir des Battlefield canoniques depuis le 3ème épisode : la campagne solo s’offre avec ce BF1 un vent de fraîcheur et utilise désormais les War Stories pour faire progresser l’histoire. Ce concept, qui mise sur des petites campagnes ultra scénarisées, propose au joueur de s’immerger durant une heure ou deux, suivant la difficulté et votre complétion, dans une aventure de guerre spécifique. Ces dernières dépeignent ainsi les déboires des bédouins épaulés par Lawrence d’Arabie face aux forces ottomanes au Moyen Orient, la lutte des armées du front Français face aux allemands, ou encore l’épopée d’un pilote anglais face à l’as des as de l’aviation allemande : le baron rouge. Grâce à ces petites aventures, le joueur s’attache à un script court et intense, bien scénarisé et visuellement déroutant avec ses ambiances graphiques toutes particulières.
De l’assaut aérien sur une base allemande à l’infiltration d’un village français pour récupérer des pièces d’un tank, les War Stories exploitent chaque pan du gameplay du titre et fournissent un très bon enchaînement d’aventures qui occupera les joueurs pendant quelques heures avant que ces derniers ne se lancent à fond dans le multijoueur. On y apprécie les préambules et conclusions d’histoires qui resituent le cadre du conflit, ou encore l’importance des enjeux d’une bataille, qui viennent amarrer un peu plus la fiction à la réalité. Ces couches narratives interviennent souvent grâce à des cinématiques qui présentent la peur, le stress, le courage et la camaraderie, autant de facteurs et de valeurs que l’on ne voit que trop rarement portés dans les jeux de guerre et qui sont pourtant essentiels, une approche plus « Spec Ops : The Line » dans laquelle les héros n’en sont pas, et où l’happy ending n’est pas une possibilité. Intrigué par les tenants et aboutissants de ces War Stories, votre humble serviteur s’est plongé dans un week-end complet de documentation sur le conflit dans le but d’en savoir plus sur la géopolitique du début du 20ème siècle. Et si c’était ça, le but du jeu ? Si tel est le cas, mission accompli messieurs les développeurs de D.I.C.E. : votre approche historique m’a donné envie de me renseigner sur la chute de l’Empire Ottoman, sur Lawrence d’Arabie, sur l’yperite, sur l’Amiens que j’ai connu moderne et qui fut en ruine et méconnaissable comme dans votre jeu, si bien mise en valeur par un moteur somptueux…
La claque graphique, le revers des bugs…
D.I.C.E. a donc mis le paquet sur l’aspect visuel de cette aventure, et mise sur le rendu du Frostbite 3 pour rendre le tout graphiquement inoubliable. Les effets météo sont bien présents et réalistes, les reflets et l’ambiance sont à tomber (surtout sur Foret d’Argonne et St Quentin), et les destructions mettent une vraie claque lors des affrontements à Amiens. Bien évidemment, que serait un Battlefield sans bugs, et nous avons constaté plusieurs soucis à ce niveau là. Des crashs en plein jeu en passant par quelques soucis de matchmaking sans oublier les classiques bugs de collision, la version PC testée pendant plus de 25 heures nous a laissé espérer un patch Day One dédié à la stabilité du titre. Le tout n'entache pas suffisamment la copie pour rendre l'expérience désagréable mais lorsqu’on connait les déboires de BF4 au lancement, on ne peut qu'attendre un support exemplaire.
Points forts
- Le moteur Frostbite 3, au top de sa performance
- Des cartes variées et globalement très intéressantes
- Le feeling plus close quarter et moyenne distance des affrontements
- Des classes plus variées et équilibrées avec l'apparition des pilotes, tankistes et classes Elite.
- Des War Stories très intéressantes en guise de solo, qui permettent d'apporter un œil nouveau sur des conflits parfois oubliés
- La météo dynamique avec ses brouillards, pluies et tempêtes de sable
- Le mode Operations, pour des affrontements longue durée
Points faibles
- Beaucoup de redite et de similarité dans les loadouts des classes
- Un solo un peu court...
- Un rythme des affrontements qui fait penser à un jeu sur la 2nde Guerre Mondiale
- Bugs, crashs et soucis de matchmaking sur PC avant un éventuel patch Day One
- Quelques frustrations : guerre des tranchées peu utilisée, Français et Russes en DLC, pas de Levolution (la cathédrale d'Amiens aurait été parfaite), Operation qui manque parfois d'ambition.
Battlefield 1 est une claque de réalisation et de plaisir, parfois limitée par un contenu que l'on aurait aimé plus dense et plus fourni concernant la version de base. Son multi est assez riche pour tenir le joueur sur le long terme et son solo repensé s'avère intelligent et bien fichu, loin des classiques campagnes de héros survitaminés. On aurait toutefois aimé en voir plus à travers des War Stories plus nombreuses et plus longues. Pour son grand retour sur sa licence-clé, D.I.C.E. signe ici un excellent épisode de la saga Battlefield.