Après avoir mené une politique restrictive quant au déploiement de ses licences phares sur le marché du jeu vidéo, Games Workshop entama un Blitzkrieg vidéoludique en multipliant principalement les adaptations de sa franchise Warhammer 40.000 depuis une dizaine d'années. Jeux de stratégie (Dawn of War III, Battlefleet Gothic : Armada), FPS (Space Hulk : Deathwing), jeu d'aventure (Eisenhorn : Xenos) ou encore d'action (Inquisitor - Martyr)... les troupes de l'Imperium repoussent désormais les limites de leur foi à un rythme effréné. Dernier né du studio Behaviour Interactive en collaboration avec l'éditeur Bandai Namco, Warhammer 40.000 : Eternal Crusade joue la carte du shooter massivement multijoueur. Cette nouvelle bataille restera-t-elle gravée dans les mémoires ? Verdict le Bolter à la main.
Bande-annonce de Warhammer 40.000 : Eternal Crusade
Arkhona : Nouveau théâtre d’une guerre éternelle
De toute part l’univers de Warhammer 40.000 hurle à gorge déployée son amour de la guerre. Les troupes de l’Imperium imposent leurs croyances aux confins de la galaxie et tentent tant bien que mal de repousser les assauts des Orks, des hordes du Chaos et des Eldars. Nouveau théâtre de cette joute ancestrale, la planète Arkhona située dans le secteur de Scyllan au coeur du Segmemtum Obscurus subit de plein fouet les affrontements des 4 factions historiques de la franchise. Autrefois un havre de paix, le système planétaire de Kharon n’est plus qu’un amas de ruines et de cendres, un cadre idyllique pour le pieux soldat rongé par l’ambition ne souhaitant qu’une chose, apercevoir son nom en lettres de sang au panthéon des légendes.
Franchise débutée il y a près de 40 ans, Warhammer 40.000 s’est dotée avec le temps d’un lore d’une densité hors norme. Romans, jeux de plateau, comics, jeux vidéo… Games Workshop a profité de sa politique Cross media pour accroître le pouvoir de ses Space Marines à travers le monde. Et Behaviour Interactive poursuit dans cette voie avec Eternal Crusade afin de garantir un récit détaillé narrant les heures sombres de la planète Arkhona et des pauvres bougres attendant de mourir sur ce rocher maudit. Le studio s’est ainsi offert les services de Graham McNeill pour la création de 17 histoires inédites qui raviront les fans de la première heure.
Un Shooter frénétique & tactique
Le Space Marine arpente les terres désolées d’Arkhona à la recherche d’un défi à sa mesure et les batailles à venir devraient répondre à ses attentes. Jeu de tir à la troisième personne, Eternal Crusade ne réinvente à aucun moment la roue, mais déroule les archétypes du shooter multijoueur. Caméra à l’épaule, système de couverture, capture de points… le titre de Bandai Namco s’arroge tout de même le droit de lorgner sur l’ampleur des cartes d’un Battlefield et son amour des véhicules. Tanks, transports de troupes et aéronefs équilibrent et déséquilibrent les forces en présence, relançant l’intérêt d’une partie sur le point de prendre fin.
Amateurs de Chainsword et autres marteaux de guerre, vos envies de corps à corps vigoureux trouveront preneur. Désireux de retranscrire toute la violence et la brutalité des affrontements si chers à la licence, Eternal Crusade défend corps et âme le combat de mêlée. Les rafales de Bolters lourds soutient la ligne de front et repousset les troupes ennemies, mais enfoncer cette ligne ne peut s’envisager qu’à la pointe de l’épée. Le corps à corps est une pièce maîtresse du dispositif imaginé par le studio et laisse le temps d’un assaut l’éternelle guerre moderne au vestiaire pour revenir aux fondamentaux, le fer frappant le fer dans la boue et la poussière. Une fois la poudre à canon et les chants guerriers mis de côté, la dimension tactique du titre s’invite dans l’équation. Personnifiée par un Squad Leader transformé en stratège pour l’occasion, sa présence auprès de vous se traduit sur le champ de bataille par des bonus de statistiques et surtout le partage d’informations essentielles à la réalisation de vos objectifs.
A la fois tactique et brutal, Eternal Crusade tente et transforme l’essai malgré une caméra souvent en perdition et des cartes démesurées annihilant toute nervosité lors des affrontements. Crapahuter 2 minutes pour atteindre un point de friction n’est pas rare bien au contraire et vous fera pester à de nombreuses reprises tout comme le corps à corps toujours aussi brouillon et un système de couverture manquant cruellement de fluidité.
Un monde en perpétuelle évolution
A l’heure des campagnes solo anecdotiques ne cherchant qu’à contenter les joueurs allergiques aux offres exclusivement multijoueurs, Warhammer 40.000 : Eternal Crusade joue la carte du jeu 100% multi entre coopération et compétition. PvP (Player vs. Player) et PvE (Player vs. Environment) constituent l’essentiel de l’expérience. Certes les modes imaginés par Behaviour Interactive ne débordent pas d’originalité, mais ont le mérite de plonger les factions en poste sur la planète Arkhona au coeur de batailles à grande échelle en 30 versus 30 et d’escarmouches aux contingents plus réduits. “Repaire” de son côté prend les allures d’un mode Horde et met en scène une cinquième faction. Les Tyranides s’invitent ainsi au beau milieu du carnage ambiant pour une aventure à 5 dans des missions ardues aux récompenses alléchantes ayant pour objectif d’éradiquer purement et simplement la menace.
L’ambition du studio anglais prend alors des allures d’utopie une fois la notion de MMO placée sous les projecteurs. Imaginée comme un monde évoluant de conflit en conflit, chaque victoire et défaite redessinant la carte d’Arkhona, la dimension “Carte du monde” perd tout son sens une fois automatisée. Faute de temps, le concept originel n’est resté qu’à l’état d’ébauche. En l'état, il est tout simplement impossible de choisir quel front soutenir, quel assaut mené afin d’affaiblir l’ennemi. La résolution des territoires gagnés/perdus répond à une simple formule mathématique et non une concertation des guildes s’efforçant de percer les défenses des factions adverses. Excellente idée une fois couchée sur le papier, elle n’est en jeu que l’ombre d’elle-même.
De simple soldat à légende
Shooter en demi-teintes malgré des intentions louables, le jeu de Bandai Namco comble ce manque par un aspect RPG poussé à l’extrême. Au-delà des mécaniques habituelles du genre, la personnalisation à elle seule mérite le détour. Des milliers d’armes, d’armures et d’ornements fidèles à la franchise font d’Eternal Crusade un modèle du genre. Les amateurs du jeu sur table auront l’opportunité de se perdre dans les menus et de customiser leurs héros des heures durant et ainsi obtenir le guerrier rêvé.
4 factions, 20 sous-factions, 5 à 7 classes par faction… Le destin de vos avatars se dessine en amont du champ de bataille. Du Dark Angels spécialisé dans les armes lourdes (Devastator) au Night Lord capable de capturer les points sur la carte (Tactical) en passant par le Bad Moonz adepte du corps à corps (Slugga Boy) et au Saim-Hann soignant ses alliées (Warlock), l’avenir se définit par vos choix et vos exploits. Les classes attribuées déterminent le type d’armes embarquées et les équipements disponibles et donc en définitive le rôle à endosser. Support, puissance de feu, corps à corps… il faudra vous y tenir sous peine de voir l’ennemi vous écraser sans sommation. De plus, combattre et se révéler aux yeux du dieu de la guerre vous octroie des points d’expérience synonymes de montée en niveau et donc de nouvelles compétences à débloquer et de nouveaux items à équiper moyennant des crédits amassés en échange du sang versé.
Recette éculée depuis des lustres, le RPG version Eternal Crusade récite ses gammes à la perfection sans jamais oser la moindre prise de risque. Copieux au point de frôler l’indigestion tant la quantité prime sur la qualité et l’utilité, la formule de Behaviour Interactive reste tout de même plaisante à parcourir, ne serait-ce que pour ce sentiment de liberté émanant de la création de personnage.
Une défaillance technique
Vétuste, gothique et démesurée est la direction artistique de la franchise Warhammer 40.000. Et les artistes se sont efforcés de rendre justice à la licence de Games Workshop en donnant vie aux décors dépeints depuis 1987 à l’aide de l’Unreal Engine 4. Et le résultat est à des lieux des jeux de la concurrence.
Champs de bataille éviscérés par des années de conflits, les terres désolées d’Arkhona accueillent des bâtisses en ruines dans des environnements indestructibles incapables de retranscrire la violence des combats. Inconcevable en 2016 ! Première fausse note donc et cela ira de mal en pis. Textures étirées, animations manquant de fluidité, transitions abruptes et pauvreté des lieux réduisent à néant les efforts de Behaviour Interactive et leur volonté de retranscrire à l’écran cette patte Warhammer 40.000. Les effets visuels et autres shaders viennent tout de même chatoyer la rétine. Tirs de Bolter, explosions, plasmas déchirant la nuit sauvent du naufrage cette nouvelle croisade en dissimulant la technique derrière de beaux artifices.
“Lord of War” : Le business de la guerre
En Early Access depuis de nombreux mois, Warhammer 40.000 : Eternal Crusade est enfin disponible pour tout à chacun. Vendu à 49.99€, ce shooter avait évoqué au cours de son développement la présence d’achats intégrés, l’équipe en charge du projet promettant une dimension exclusivement cosmétique sans déséquilibrer le jeu. Mais la réalité semble tout autre. De nombreux items aux statistiques gonflées défilent dans le magasin en ligne. Et ce n’est pas tout. Les joueurs souhaitant éviter un farming fastidieux se traduisant en jetons (monnaie gagnée en jeu) peuvent s’adonner aux joies des achats en ligne et ainsi court-circuiter la courbe de progression avec des packs de Rogue Trader Credits allant de 5€ à 100€. Un tel procédé pourrait s’avérer fatal au titre. Affaire à suivre !
Vidéo de gameplay du mode "Repaire"
Points forts
- Un shooter fidèle à la franchise Warhammer 40.000
- 17 histoires inédites écrites par Graham McNeill à découvrir pour un lore toujours plus riche
- Une personnalisation des héros poussée à l’extrême
- Des batailles à grandes échelles
- De nombreux modes de jeu (PvP et PvE)
Points faibles
- Un titre techniquement obsolète (graphismes, animations…)
- Des combats brouillons manquant de nervosité (cartes démesurées…)
- L’absence d’une véritable dimension MMO pourtant promise
- Un modèle économique discutable
Titre récitant sans complexe les gammes du shooter multijoueur, Warhammer 40.000 : Eternal Crusade tente par touche de renouveler la formule sans pour autant y parvenir. Nerveux malgré des cartes aux dimensions démesurées et un corps à corps brouillon, l’intérêt du jeu réside dans sa fidélité à la licence et dans une personnalisation des héros poussée à son paroxysme. Cependant, l’absence notable de cette dimension MMO à l’exception des batailles en 30 vs. 30 dénature une proposition autrefois innovante. A conseiller aux fans de W40K, Eternal Crusade perd de vue l’essentiel... la quantité ne fait pas la qualité.