Ce sera sans doute la star de ce mois de juillet 2016, pour quiconque est abonné au PlayStation Plus : Furi, également disponible sur PC, est offert aux membres du programme. L'occasion pour tout un chacun de découvrir un jeu aussi exigeant que bien foutu, aux influences diverses et à la bande-son enchanteresse. Mais aussi de claquer tout votre salaire en sparadrap, mercurochrome et vaseline, parce qu'autant vous le dire, vous allez sacrément morfler. Et le pire, c'est que vous allez aimer ça. Si si.
Dès le jour où Furi s'est présenté à nous, par le biais d'une courte vidéo, la rédaction de Jeuxvideo.com a été séduite par le titre de The Game Bakers. À première vue, les Montpelliérains travaillaient sur un jeu d'action teinté de shoot'em up, le tout dans une ambiance électro-néon samurai plutôt originale. Et l'on ne s'était pas vraiment trompé. Pour vous la faire courte, Furi vous propose d'incarner un héros taciturne fraîchement évadé de prison, qui va devoir affronter tour à tour les gardiens qui la surveillent. Et autant vous dire que l'ambiance n'est pas aux coups de semonce : ici le rappel à l'ordre se fait dans la violence et le sang, chaque cerbère ayant l'envie manifeste de vous faire beaucoup de mal avant de vous traîner dans votre gêole. Il va falloir combattre le feu par le feu...
Un curieux hybride
Alors Furi, qu'est-ce que c'est ? À vrai dire, répondre à cette question n'est pas aussi évident qu'il n'y paraît. Le titre est composé d'une succession de combats de boss, entrecoupés de phases assez peu intéressantes dans lesquelles le héros, qui ne pipe mots, marche en écoutant les paroles d'un homme portant un énigmatique masque de lapin. Ces rares moments de répit permettent autant de faire redescendre la pression, que la faire monter, puisque l'homme-lapin s'amuse à vous présenter de manière tout à fait sibylline votre prochain adversaire ; une bonne façon de vous signifier que vous allez en baver.
Le cœur du jeu repose donc dans les combats qu'il met en scène. Les commandes sont relativement simples : le stick gauche pour se déplacer ; un bouton pour frapper au sabre, un bouton pour dasher, un dernier pour parer les coups. Le second stick de la manette permet d'utiliser le revolver du héros et donc de tirer rapidement dans toutes les directions. Notez qu'il est possible de charger le tir en pressant R2, et donc d'infliger plus de dégâts. Les PCistes les plus éclairés seront surpris de voir qu'il n'est pas fait mention ici du jeu au clavier, et pour cause : les développeurs eux-mêmes conseillent au joueur d'utiliser une manette ; à vous de choisir votre arme, mais je ne saurai que trop vous conseiller de suivre leur recommandation.
L'incorporation d'une arme à feu à ce gameplay mettant en valeur les armes blanches (le héros étant équipé d'un katana particulièrement affûté) n'est pas sans intérêt. Si le gros des dégâts que vous infligerez à votre ennemi seront le fait de votre sabre, ce ne sera pas forcément le cas de vos ennemis qui ont une fâcheuse tendance à balancer partout sur le terrain des rayons d'énergie, des vagues de feu, et surtout de nombreuses boules lumineuses qui n'ont rien à voir avec des décorations de Noël. Régulièrement, Furi prend des allures de manic shooters dans lequel votre sabre ne vous sera d'aucune utilité. Comme dans n'importe quel shoot'em up, il vous faudra éviter ces attaques à distance, en vous déplaçant ou en utilisant ce fameux dash... ou votre pistolet. On comprend vite que celui-ci a le pouvoir de détruire certains projectiles, et donc de créer de l'espace pour faciliter nos déplacements. On s'en servira également pour « gratter » la barre de vie du boss, ou simplement le déconcentrer et l'empêcher de lancer une attaque.
Ours is the Furi
Les phases de combat sont donc particulièrement intenses, et notamment grâce à deux éléments : les attaques au sabre, et les dash. L'un comme l'autre apporte énormément de vivacité de dynamisme au combat. Notre héros est aussi vif que l'éclair et ses frappes s'enchaînent avec une férocité qui surprend de prime abord. L'amateur de japanimation trouvera très rapidement un plaisir presque jouissif à éviter une attaque pour enchaîner avec une série de coups, rappelant entre autres la première rencontre entre Ichigo Kurosaki et Byakuya Kuchiki. Le travail sur les sons et les impacts contribue largement à ce plaisir, et l'on en redemande vite, d'autant qu'avec des contrôles aussi bien pensés, le jeu se prend vite en mains.
Mais n'allez pas vendre la charue avant d'avoir tué les boeufs, ce serait de votre votre part une grave erreur. Si la célérité et la brutalité du héros donnent régulièrement envie de foncer dans le tas et de bourriner la manette, le titre vous rappelle très vite à l'ordre. Furi se révèle dès les premières secondes de jeu être extrêmement punitif. Et un rien vicelard, par dessus le marché.
Patience est mère de sûreté
Dans Furi, tout est une question de timing. Timing pour éviter un coup, timing pour grignoter la barre de vie de votre ennemi, timing pour contrer un coup, timing pour se déplacer, timing pour... Bref, vous l'aurez compris, il va vous falloir connaître votre ennemi et les diverses manières qu'il aura de s'en prendre à vous.
La structure même des combats vous imposera de facto patience et timing. Chaque boss dispose de plusieurs vies (cinq, pour la plupart, en mode Normal), tandis que vous n'en possédez que trois. Lorsque vous parviendrez à lui en faire perdre une, celui-ci changera de stratégie et vous aurez donc de nouveaux patterns à découvrir, souvent dans la douleur. Il vous faudra donc de nombreux essais pour comprendre fonctionnent ces patterns, et comment répondre aux attaques du boss. Oui, un peu à la Dark Souls, sauf qu'ici vos attaques seront beaucoup plus nerveuses, beaucoup plus violentes, et donc beaucoup plus appréciables. Furi manie avec un certain brio le concept de « risk & reward » (risque et récompense, dans la langue de KeenV) ; à chaque fois que vous réussirez à faire perdre une vie à votre ennemi, vous en regagnerez une, et votre barre de santé sera remplie à nouveau. De quoi créer des moments particulièrement intenses, vous permettant de croire régulièrement à une incroyable et héroïque remontée au score, façon Cleveland Cavaliers VS Golden State Warriors, lors des dernières finales NBA.
C'est bien, c'est beau, c'est boss
Car les véritables stars du jeu, ce sont eux. Les boss. Une petite dizaine, ni plus ni moins, mais suffisamment nombreux pour vous faire perdre votre santé mentale pour les joueurs à venir. Leur rencontre rappelle vaguement No More Heroes, de Grasshopper Manufacture, dans lequel Travis, le personnage principal, devait régulièrement affronter des boss tous aussi surprenants les uns que les autres. Mais dans Furi, les boss sont au cœur même du jeu et ce sont eux qui dictent le gameplay. Chaque nouveau combat demande d'apprendre et de réapprendre certains mécanismes. On découvre de nouvelles possibilités à chaque combat, comme la faculté de renvoyer certains projectiles à leur envoyeur, avec le revolver, ou la parade.
Avec les nombreux patterns qu'ils vous opposent, les boss font et sont la diversité de Furi ; aucun combat ne se ressemble, mais chacun réussit à susciter en vous ce petit moment de fierté lorsque vous réussissez à percer les mystères de son fonctionnement, et à le contrer. Il faut dire que les petits gars de The Game Bakers ont déployé des trésors d'ingéniosité pour créer des des affrontements qui multiplient les phases toujours plus énervées et complexes, et la pression va crescendo. Outre les différents patterns surgissant à chaque fois que vous arrivez à ôter une vie d'un ennemi, celui-ci dispose également d'une barre de santé qu'il faudra vider deux fois, divisant chaque manche en deux phases. Dans la première, la caméra se positionne au dessus des combattants et le zoom s'adapte à la distance entre le joueur et son adversaire, permettant d'avoir une bonne vue d'ensemble sur le champ de bataille ; c'est ici que le jeu propose son excitant mélange de beat'em all et de shoot'em up, et c'est probablement là que vous perdrez le plus de vies. Si jamais vous parveniez à suffisamment esquinter votre ennemi, vous passerez à la seconde phase, la plus stressante des deux puisque vous ne serez qu'à quelques coups d'épée de faire perdre une vie à votre adversaire... et surtout d'en récupérer une vous même. Un mécanisme bien pensé qui rajoute énormément de piment au combat. Car si jamais vous échouiez, vous perdrez un point de vie et devrez recommencer dès la première phase. Autant vous dire que cela peut prendre du temps...
La seconde phase du combat est d'autant plus épuisante pour les nerfs que la caméra se fait soudainement plus proche de vous, et l'aire de combat se réduit à un périmètre de quelques mètres seulement, donc le centre n'est autre que votre ennemi. Cette phase vous demandera encore plus de patience, et surtout, une véritable science du timing, puisque vous devrez principalement éviter et contrer les coups de votre ennemi. Je ne saurai que trop vous conseiller de maîtriser au plus vite le système de contre du jeu : avec le bon timing, il vous permet de répondre très rapidement à votre adversaire et donc de stoper un enchaînement qui pourrait se montrer mortel. Attention toutefois puisque certains n'hésitent pas à feinter avant de porter un coup, ou tapent trop vite pour vous laisser le temps de répondre...
Oh la belle musique
Sur le plan visuel, Furi s'en sort avec les honneurs. En combat, les animations des combattants font plaisir à voir, tandis que les couleurs flashy du jeu et les écrans souvent surchargés en éléments ne nuisent pas à la lisibilité. Néanmoins, une fois sorti des combats, qui requièrent de toutes manières toute votre concentration, on note que le jeu aurait demandé un petit coup de polish, avec quelques textures qui bavent un chouilla, ici et là. Et si notre héros répond au doigt et à l’œil en combat, que dire des phases de balade, entre deux boss, où les animations de notre bretteur prennent subitement un sacré coup de vieux, et où chaque changement de caméra font dévier votre personnage de sa trajectoire ? Heureusement, le jeu vous propose d'opter l'automatisation des déplacements : il suffit d'appuyer sur une touche pour que la progression du héros se fasse tout seul. Il ne reste plus qu'à poser la manette et à profiter de la musique du jeu.
Parce que la bande-son est complètement folle, autant vous le dire. Même en étant pas forcément fan de musique électronique, difficile de ne pas succomber aux charmes des compositions synthwave de Carpenter Brut, The Toxic Avenger, ou encore Waveshaper. L'OST du jeu est composée exclusivement de titres originaux et donc écrits pour l'occasion. On apprécie rapidement les morceaux qui contre-balancent l'hyper-dynamisme des combats, en apportant une petite dose de fraîcheur et de sérénité, permettant de retrouver son calme et sa concentration dans les pires moments. Un plaisir pour les oreilles qui a aussi son utilité en jeu, donc.
Points forts
- Prise en main hyper intuitive
- Exigeant mais jamais frustrant
- Le niveau de difficulté qui a un impact sur les patterns des boss
- Le système de vies des boss et du héros
- La bande-son du jeu
Points faibles
- Techniquement perfectible
- Les passages entre les combats
Difficile de se lasser de ce Furi, malgré les baffes qu'il se plaît à nous coller dans le museau, à longueur de partie. Hyper exigeant, intraitable et punitif, le titre de The Game Bakers parvient néanmoins à nous scotcher à la manette, parce qu'il nous fait vite comprendre que tout n'est que question de patience et de timing, mais surtout parce que tabasser du boss retors n'a jamais été aussi plaisant. Chaque coup infligé tient de la victoire personnelle, et l'on prend un plaisir fou à maîtriser toujours un peu l'art du contre. Bel hommage au jeu vidéo japonais, Furi n'est pas pour autant un pastiche car il possède une personnalité qui lui est propre, notamment grâce à son univers et sa bande-son, qui à elle seule mérite le détour. Bref, une sacrée réussite à découvrir de toute urgence, une boite de mouchoirs à portée de main.