Après un passage en early access satisfaisant, les joueurs comme la critique appréciant ce petit projet indépendant, The Solus Project est enfin arrivé sous sa forme finale. Après l'avoir écumé pendant de longues heures, il est temps de rendre un jugement : The Solus Project est-il arrivé au terme de ses ambitions ?
Comment présenter comme il se doit The Solus Project ? Et bien, sur le papier, c'est un soft simple, qui pourrait se rapprocher d'un nombre incalculable de récits de science-fiction comme la culture populaire en fournit depuis les années 80 : votre équipe est en mission spatiale, elle a le malheur de rencontrer sur son chemin un corps céleste et boum, c'est le crash sur une planète inconnue – et qui sans tarder se révèle forcément hostile. Pour compléter ce tableau dont vous connaissez sans doute déjà les monstrueuses ficelles, vous êtes miraculeusement le seul survivant. Voilà donc le pitch de départ, dans lequel le joueur est invité à définir son personnage et quelques paramètres factuels afin de calibrer l'aventure à sa guise.
Un jeu inclassable
Tel que les développeurs l'avaient éminemment pensé, leur jeu ne se rattache à aucun type défini. Plus exactement, il se rattache à quelques genres, sans définir clairement lequel prédomine. Vous allez donc alterner entre des phases de survie et des phases narratives (qui font le cœur du jeu et l'avancée de l'histoire). C'est hélas ici que se situe le principal problème du titre : il est contradictoire. Quand il lui prend des envies de liberté, il propose au joueur une sorte de survie en monde ouvert (dont la principale utilité est de rappeler le caractère extrême de la planète), mais quand il lui prend l'idée de nous raconter une histoire, fini le monde ouvert et bonjour les couloirs linéaires et les limites artificielles. Cette cassure peut par ailleurs paraître assez violente, tant sa segmentation est disgracieuse. D'autant que la survie — si elle est justifiée puisque vous êtes le seul rescapé d'un crash — n'est pas mise en place ou proposée correctement.
Même en modifiant la difficulté, la construction même du game design est faussée : à peine avez-vous posé le pied à l'extérieur pour vous frotter aux températures glaciales de la planète que vous croulez déjà sous les ressources. Puisque nous en sommes à parler de difficulté amoindrie, le jeu est sur tous ses aspects un soft assez simple. Ce n'est pas dérangeant puisque The Solus Project s'axe au maximum sur l'aspect narratif, comme beaucoup d'autres avant lui. Cela élargit très certainement le public ciblé, ce qui n'est pas un mal au vu de l'abondance des productions indépendantes sur le marché d'aujourd'hui. Cependant, la sensation reste toute de même amère en connaissance des possibilités proposées, d'autant que le gameplay rattaché à la survie a été travaillé en profondeur. En effet, il faut y adjoindre du crafting, chose assez rare dans les jeux narratifs.
La beauté sans le budget
Cela n'aura échappé à personne posant ses yeux sur les visuels du jeu : The Solus Project est beau, très beau même. Le choix de la première personne permet pas mal d'audace dans la mise en scène, et la lumière qui s'en dégage donne une patte très particulière à l'image. Vous ne visitez pas un décor creux où l'on a mélangé maladroitement tout un tas d'influences ; non, vous visitez une vraie planète, de surcroît cohérente. Et c'est à ce moment précis qu'il faut rendre grâce au travail accompli sur la direction artistique, car comme vous vous en doutez, The Solus Project n'est pas qu'un simple jeu de survie où vous pérégrinez dans des paysages bucoliques. Au fil de l'aventure, vous découvrirez l'histoire de cette planète, et, comme la science-fiction sait si bien le rendre, la faune locale. Car soyons clairs, la planète ne sera pas votre amie, et les turpitudes météorologiques le seront encore moins. Malheureusement, The Solus Project basant en majeure partie son intérêt sur sa trame scénaristique, il serait mesquin de la dévoiler : l'unique commentaire que nous pourrions lui apposer, c'est qu'elle ne décolle pas beaucoup. Si le scénario distille proprement ses effets, celui-ci reste un peu maigre pour combler les dix heures que demande le jeu afin d'être complété. . = Un bilan en demi-teinte =
Une fois la manette reposée, le joueur est tiraillé face à The Solus Project. D'un côté, le pragmatique le trouvera globalement bon, bien fini et avec une durée de vie compensant largement les deniers dépensés. Cette approche est louable si l'on prend le jeu vidéo comme un pur média de consommation, où la portée d'un jeu est restreinte aux quelques heures requises pour en voir le bout. Ceux qui aiment profondément le jeu vidéo et acceptent la persistance de l'univers proposé verront en The Solus Project un moule creux, qui aux dires de certains, n'a "que de la gueule". Et clairement, ce serait hélas une bonne définition à apposer à The Solus Project : une direction artistique soignée, un désir de rendre l'image particulièrement sublime (objectif par ailleurs bien rempli), mais à côté de ça, pas grand-chose. L'aspect survie et les énigmes ont une construction simplissime, le jeu est mal segmenté et n'arrive clairement pas à proposer deux choses en même temps (à savoir raconter une histoire tout en nous faisant jouer). Alors certes, la durée de vie est très correcte, mais concentrer The Solus Project en 5-6 heures intenses aurait peut-être été plus judicieux que 10 heures que l'on qualifiera de molles du genou. D'autant que si vous avez en horreur la langue anglaise, on vous souhaite bien du courage pour clore l'aventure, aucun patch de traduction n'étant encore annoncé.
Solus Project : la bande-annonce
Points forts
- Vraiment beau
- La planète est bien agencée et cohérente
- Une durée de vie très satisfaisante d'un point de vue économique...
- Quelques points de narration plutôt intéressants
Points faibles
- Un aspect survie complètement vain et mal pensé
- Une difficulté absente qui rend caducs les quelques moments de tension
- ...même si il ne s'y passe pas grand-chose
Là où l'on attendait beaucoup, on se retrouve finalement pris au dépourvu. The Solus Project n'est pas un mauvais jeu ni une mauvaise expérience, mais il est en partie une déception. Bien sûr, il est louable de proposer un décor de jeu somptueux, où le design est mûrement réfléchi, mais cela ne sert strictement à rien si le contenu ne suit pas. À part alterner de façon maladroite entre de la survie mal pensée et du narratif "court sur pattes", le jeu tourne vite en rond. Et c'est bien dommage au vu de l'univers et de la direction artistique présentés qui, eux, laissent sans voix. En fin de compte, peut-on conseiller The Solus Project uniquement pour sa prouesse artistique ? Rien n'est moins sûr, tout dépendant de votre aptitude à la contemplation.