« Tiens donc, un TPS en VR… Bah voyons… Ils ne savent plus quoi inventer… » vous disiez-vous probablement en découvrant Edge of Nowhere il y a un peu plus d’un an. Derrière ce shooter glacial en vue à la troisième personne se cachait alors la promesse d’un double A en vue non-subjective, accrocheur et immersif. Quelques semaines après l’arrivée du titre sur le store Oculus, qu’en est-il vraiment ? Le pari est-il réussi ? L’épopée nous attrape-t-elle durant des heures sans lasser ? Réponse.
Un jeu VR à la trame travaillé… Oui, ça existe !
Les amateurs d’aventure horrifique et de thriller glauques connaissent bien l’univers de Lovecraft et son mythique Cthulhu. Si vous n’êtes pas un habitué de ces ambiances si particulières, sachez que les récits liés à cette gigantesque créature ailée à tête de seiche tournent toujours autour de la folie paranoïaque, progressive et maladive, contractée par les humains sur lesquels Cthulhu jette son dévolu. La panique et l’effroi qui saisissent les protagonistes gravitant autour du Grand Ancien déchirent les groupes, engloutissent les âmes les plus saines et finissent même par faire douter de la réalité ses victimes. Un grand classique de l’angoisse qui s’adapte très bien en film et en jeu vidéo. Ça tombe bien puisque c’est ce même socle qui servira de base au scénario d’Edge of Nowhere.
On y incarne Victor, explorateur scientifique qui, avec sa compagne Ava, menait jadis des recherches sur l’Antarctique et sur ses nombreux secrets fascinants. Leur professeur d’université les a d’ailleurs progressivement convaincus que quelque chose se terre dans ces contrées glaciales, quelque chose de vivant, qui dépasse l’entendement humain. Un soir, les deux complices pénètrent par effraction dans le bureau de leur mentor et découvrent de quoi confirmer les dires de ce dernier. Avide de connaissances et certaine de pouvoir gérer la situation sans le soutien de Victor, Ava part alors en expédition avec le professeur et une équipe… Manque de bol, aucun signe d’eux n’est donné après l’arrivée sur place. Inquiet, Victor décide de les rejoindre en avion et s’écrase tel une chips dans le guacamole, en plein pole Sud, avec pour seul ami sa radio et son courage. Voilà qui marque donc le début de votre épopée.
3 phases, 3 façons d’apprécier le jeu :
Votre aventure dans Edge of Nowhere repose sur l’alternance systématique de 3 phases. La première, narrative, sert à faire avancer l’histoire grâce à des séquences scriptées et plutôt réussies. Ces dernières permettent de comprendre le passé et de découvrir un peu plus en profondeur l’histoire d’Ava et de Victor. Notre personnage principal étant victime d’hallucinations, on a ici droit à une mise en scène efficace pour faire intégrer les éléments rêvés au décor, bien réel.
Le second ingrédient pour la trame est la plateforme-exploration, dans laquelle on en prend plein les yeux, VR oblige, dans des paysages en nuances de blanc dont la profondeur et le gigantisme impressionnent bien souvent. L’ambiance graphique est ici similaire à celle d’un Dead Space 3 ou d’un Lost Planet 3, avec ses étendues glacées à perte de vue en surface et ses profondeurs exiguës, poisseuses et sombres, sous le permafrost. Très vite dans l’histoire, Victor va récupérer du matériel d’alpinisme qui lui permet d’escalader les parois rocheuses telle une Lara Croft sous Xanax, engourdissement dû au froid oblige. Durant ces séquences placées sous le signe de l’exploration, on oscillera entre découvertes, récupération de munition, séances de plateforme-action timée, et découvertes de journaux de bord de l’expédition. Un élément qui vient renforcer la narration puisque vous disposez à chaque instant de votre propre journal qui résume l’histoire et détaille avec un certain soin les objets et ennemis que vous rencontrez.
Viendra alors une caverne, une corde qui mène en contrebas, où un sol qui s’effondre et vous place dans la pénombre, en plein dans la 3ème phase du titre : le survival-shooter. On retrouve d’ailleurs dans Edge of Nowhere le b.a.-ba du jeu de tir à la 3ème personne. Déplacements discrets, course, visée, tir, jet de cailloux pour faire diversion, soins, munitions : presque tout y est. Durant ces phases, la proie, c’est vous, et vos ennemis se feront un plaisir de vous découper en lambeaux. Il faudra faire attention à vos bruits, ne pas trop vous montrer, rester par exemple caché derrière une formation rocheuse le temps que votre adversaire finisse sa routine histoire que vous puissiez lui asséner un coup de piolet dans le dos. Ne vous attendez toutefois pas à des prédateurs de folie. Vos ennemis sont massifs, rapides, mais souvent soumis à un simple patern de déplacement et d'agression.
Le bestiaire, fort d’une demi-douzaine de créatures, recèle d’ailleurs quelques surprises : certains monstres sont sensibles au bruit tandis que des oursins géants sortiront les pics si vous leurs jetez un caillou ou que vous les approchez, ce qui laisse quelques portes ouvertes pour vous défendre discrètement lorsque vous n’avez plus de munitions, et cela arrivera souvent... Il faudra en effet utiliser ces dernières avec parcimonie tant les cartouches se font rares dans le titre. Toutefois, l’équilibre est bien trouvé et on bute parfois sur des configurations de salle ou chance et méninges doivent cohabiter avec le skill ce qui, couplé aux sensations procurées par la VR, instaure une tension palpable avec ses petits coups de sang.
Qu’apporte la réalité virtuelle au jeu ?
C’est donc cette dernière phase, celle des combats en pénombre, qui vous fera le plus d’effet en réalité virtuelle. Comme vous pouvez le voir sur notre Gaming Live, la visée se fait ici « au regard », et vous devrez gérer votre lampe torche de la même façon. Autant vous dire que dans des grottes sombres remplies d’ennemis qui réagissent aux bruits façon Clickers de Last of Us, la panique peut vite s’emparer de vous. On en vient parfois à fuir en courant, en donnant des coups d’œil frénétiques derrière nous pour voir si notre avance sur la mort est conservée ou en passe d’être anéantie. Le tout est très bien pensé et renforce l’immersion de manière prononcée.
Le must-have actuel de l'Oculus ?
Cette même sensation se fait ressentir en extérieur, lors de la phase d’exploration-plateforme qui, avec ses coups d’œil vertigineux et ses sauts risqués accompagne parfaitement les panoramas qui s’offriront à vous, lesquels peignent peu à peu une nature impitoyable et glacée. Quant aux séquences de souvenirs, elles n’utilisent que trop peu la VR comme une force et c’est dommage. Pour une première, le concept du TPS VR est véritablement une recette qui marche et on ne peut que féliciter Insomniac Games pour son travail. Si Edge of Nowhere avait atterri sur PC en format classique (sans-VR) il aurait été « un petit TPS sympa mais un peu vieillot et répétitif » à cause de son enrobage graphique un peu trop commun et techniquement en deçà des superproductions de ces 3 dernières années, mais force est de constater que la copie rendue, couplée aux sensations en VR, fait mouche et nous immerge durant les 5 à 7 heures qui seront nécessaires pour terminer l'œuvre. Un must-have de la VR, à coup sur.
Notre Gaming Live d'Edge of Nowhere
Points forts
- Une trame haletante et bien rythmée (5 à 7 heures de jeu).
- Le gameplay, un excellent essai pour le TPS en réalité virtuelle.
- Une réalisation très correcte, soignée, immersive, et efficace.
- Idéal pour se convaincre du potentiel de la VR sur des "formules conventionnelles" du jeu vidéo !
Points faibles
- Combats parfois trop répétitifs : manque de profondeur du gameplay sur le long terme...
- Animations et modélisations parfois un peu datées...
- Quelques questions scénaristiques en suspens...
- Durée de vie un peu courte pour un tarif de lancement assez élevé
Edge of Nowhere est clairement une réussite pour la réalité virtuelle. On y découvre un TPS angoissant, qui aurait été un bon jeu console il y a 3 ou 4 ans sur PS3 et 360 et qui grâce à la VR s'offre un panel de sensations nouvelles, rafraîchissantes, et convaincantes. Il sera difficile pour les sceptiques de dire, après avoir fini le jeu, que la VR est incapable d'adapter des genres conventionnels avec brio. L'exercice est pleinement réussi pour Insomniac Games qui signe là un titre mature, maîtrisé, prenant, et franchement angoissant.