Alors que les yeux étaient principalement rivés vers l'E3 en ce mois de juin, Nintendo a décidé que c'était la bonne période pour sortir Tokyo Mirage Sessions #FE. Ainsi, le titre arrive sur Wii U avec très peu de publicité. La bonne chose, c'est que si vous êtes sur cette page, vous n'avez pas manqué de vous renseigner dessus. Reste à savoir ce qu'il vaut vraiment.
Vidéo-test de Tokyo Mirage Sessions #FE
Lors de son annonce, avant même la sortie de la Wii U, celui qu'on appelait à l'époque Shin Megami Tensei X Fire Emblem avait aiguisé la curiosité de nombreux fans de J-RPG. Bien sûr, la nouvelle fut prise avec beaucoup d'enthousiasme, même s'il n'était pas évident de définir à quoi un tel jeu pouvait ressembler vu les différences qui opposent les deux séries. Les Shin Megami Tensei (et surtout les Persona, dont s'inspire ce titre) sont des JRPG au tour par tour dans un Tokyo contemporain alors que Fire Emblem sont des TRPG dans un univers fantasy. Pas vraiment un mariage facile. La réponse ? Principalement développé par Atlus, Tokyo Mirage Sessions #FE lorgne clairement du côté de Persona en matière d'univers et de gameplay, avec quelques éléments de Fire Emblem pour saupoudrer le tout. Du coup, si vous êtes un fan de ce dernier, comprenez bien que les éléments issus de la série d'Intelligent System ne sont pas des plus nombreux.
Un univers acidulé
L'histoire voit un groupe d'adolescents découvrir que des êtres maléfiques venus d'un autre monde essaient d'aspirer l'essence artistique des habitants de Tokyo, appelée Performa. Si vous jouez Itsuki, un jeune homme sans talent particulier, les événements du début de l'aventure touchent principalement votre amie Tsubasa, jeune demoiselle timide qui aimerait devenir chanteuse, comme sa sœur disparue. Sans trop vous spoiler, vous découvrez rapidement que la société de production et de gestion d'idols Fortuna est en fait une organisation qui lutte contre le mal, les artistes étant les mieux à même de développer des compétences dans les « donjons », appelés Idolasphere. Original n'est-ce pas ? Rares sont les jeux du genre à mettre autant en avant la culture japonaise de l'idol et pour faire simple, si vous êtes réfractaire à la J-Pop et à l'univers que le style véhicule, vous risquez d'avoir beaucoup de mal à accrocher. Outre les clips de qualité et les musiques produites par Avex Group (notamment derrière Ayumi Hamasaki), on retrouve des chansons directement en combat pendant certaines attaques. Malheureusement, l'univers général souffre un peu du thème, sans doute trop forcé. En effet, les persos sortent rarement de leur rôle et la trame scénaristique n'a pas réellement d'intérêt pendant une grande partie du jeu. Le scénario principal nous envoie dans les Idolaspheres pour sauver Pierre ou Paul pendant des heures et les quêtes optionnelles, qui permettent de mieux comprendre les persos tout en récupérant des compétences supplémentaires, sont blindées de clichés et de fausses surprises que l'on sent venir des plombes à l'avance.
Classique, mais efficace... mais classique... mais efficace...
Mais qui parle de JRPG parle souvent de système de jeu. En la matière, Tokyo Mirage Sessions #FE se veut clairement efficace avec du tour par tour qui met en avant les combinaisons de personnages. Pour résumer, on retrouve un système qui appuie à la fois sur les affinités élémentaires des Shin Megami Tensei et sur les priorités d'armes des Fire Emblem. Si vous touchez un point faible ennemi, les autres combattants pourront alors enchaîner avec des attaques automatiques, sans coût de SP. Attention toutefois, chaque combattant doit bénéficier de la bonne compétence pour poursuivre un combo. Un personnage ne pourra enchaîner après une attaque d'épée que s'il possède une compétence dont l'unique but et d'enchaîner après une attaque d'épée. Puisque vous pouvez changer de personnage en plein combat sans pénalité, c'est à vous de trouver les bonnes combinaisons pour faire le plus de dégâts. Un système intéressant est plus complexe qu'il n'y paraît puisqu'il peut parfois jouer en votre défaveur. Si pendant une session (nom des chaînes de combo), un personnage utilise une magie qu'un ennemi absorbe, vous pouvez soigner ce dernier au lieu de lui infliger des dégâts. Bateau n'est-ce pas ?
Toutefois, s'il n'y a rien à redire sur l'aspect tactique (le jeu est relativement difficile), les session combos sont sans doute un peu trop longues, à tel point qu'on ne les regarde même plus après la première expérience. On se retrouve à couper les scènes ce qui en casse drôlement l'intérêt. Pour vous donner une idée sur une licence connue, c'est un peu comme si vous balanciez des invocations de FF7 pratiquement tous les tours. D'autant qu'à cela s'ajoute des compétences qui se déclenchent aléatoirement et qui engendrent des scènes pouvant durer une vingtaine de secondes. Encore une fois, c'est bien animé surtout si on aime la J-Pop, mais passé l'effet de surprise, ça lasse. Quoiqu'il en soit, le système de combat reste classique et hormis une jauge spéciale (commune à tous les personnages) qui permet de déclencher des super attaques, les variations sont rares et seuls les boss vous pousseront à vraiment réfléchir, au moins les premiers tours avant de comprendre leur pattern.
Mais là où TMS fait mieux, c'est dans ses donjons (Idolasphere). En effet, ces derniers sont plutôt originaux avec des concepts proches du puzzle qui gardent le joueur en éveil, là où le genre se contente souvent de labyrinthes sans grand intérêt. Par exemple, une des premières Idolasphère vous demande d'éviter des caméras géantes qui vous renvoient à votre dernier point de contrôle, vous obligeant à mieux observer les alentours avant d'avancer. Autre point qui rend la navigation dans les Idolaspheres plutôt agréable : vous pouvez éviter les combats si vous les souhaitez. Les ennemis sont en effet visible et via un coup d'épée, vous pouvez les assommer pour passer tranquillement ou démarrer le combat avec l'initiative. Toutefois, certains rencontres sont spécifiques, comme des groupes d'ennemis plus puissants que vous ne pouvez pas assommer pré-combat ou encore la présence d'ennemis rares à des endroits spécifiques. Bref, hormis quelques aller-retours superflus, les Idolasphères sont une réussite.
En dehors des donjons
Mais les Idolasphères ne font pas tout le gameplay de Tokyo Mirage Sessions et quelques activités hors donjon, optionnelles, vous permettront de mieux connaître vos compagnons de fortune. Ces missions annexes qui se débloquent selon votre avancée dans la quête principale permettent de développer un peu les personnages même si comme dit précédemment, les dialogues ne sont pas toujours très originaux et l'humour est parfois un peu forcé, tournant régulièrement autour des clichés des idols, voire de la culture japonaise en règle générale. Bien sûr, vous pouvez aussi faire quelques emplettes de bon aloi et surtout boire et manger, ce qui vous octroie des bonus de chance.
Un autre endroit où vous risquez de passer souvent est le QG de Fortuna, que l'on peut considérer comme votre base. Outre l'étagère des trophées qui représentent vos haut-faits, c'est ici que vous pourrez créer de nouvelles armes selon les objets récupérés en combat. Outre les statistiques de chaque arme, ces dernières disposent toutes de quatre compétences que vous pourrez apprendre à force d'utilisation en combat. Une fois acquises, il vaut mieux alors changer d'arme pour apprendre d'autres compétences. S'il existe des compétences actives et passives, en plus des compétences de session (combo), il faut bien noter que vous ne pouvez disposer que d'un certain nombre de compétences pour chaque type, vous obligeant donc à spécialiser un peu vos personnages. Sachez aussi que selon votre niveau de Performa, vous débloquerez des sortes de super-compétences passives qui peuvent avoir une utilité en combat ou dans les donjons (téléportation, etc).
Pop Art
Les J-RPG de niche, dont fait visiblement partie ce Tokyo Mirage Sessions, ont souvent pour défaut d'être techniquement très en retrait de ce que leur support permet. C'est malheureusement le cas ici avec des environnements diablement plats. Si le chara design est de qualité, les décors sont franchement laids et en plus des faibles performances techniques, le titre ne fait pas vraiment d'effort d'un point de vue artistique non plus. Ne vous attendez pas à des architectures finement taillées ou à des paysages de toute beauté car TMS ne va pas vous vendre du rêve. C'est fort dommage car on était en droit d'espérer plus. La bande-son quant à elle s'avère étonnamment variée. Car outre les morceaux de J-Pop (et J-Rock) très enjoués, on retrouve des morceaux plus communs au genre avec des thèmes fantasy plutôt réussis. Malheureusement, la fête est quelque peu gâchée par quelques sonorités technoïdes répétitives et sans classe, notamment dans les Idolasphères.
Points forts
- Un J-RPG sur Wii U
- Un système de combat efficace
- Un univers contemporain proche des Persona
- La dynamique puzzle des donjons
- Un chara design réussi
- Une difficulté bien corsée
Points faibles
- Techniquement et artistiquement à côté de la plaque
- Un poil trop classique, peu de prise de risque
- Fire Emblem, c'est pratiquement du cameo
- Quelques aller-retours pénibles en donjon
- Une narration pas très folichonne et des personnages trop caricaturaux.
Tokyo Mirage Sessions #FE fait dans le J-RPG classique, et il le fait plutôt bien. Si on aurait aimé un peu plus de variation en ce qui concerne les combats, avoir les bonnes sessions selon les ennemis demande un minimum d'organisation et la tournure puzzle des donjons est fort bienvenue. Cela dit, plus Shin Megami Tensei que Fire Emblem, le titre puise dans la culture japonaise contemporaine à tire-larigot et il est important de prévenir les réfractaires à la J-Pop que TMS ne fait pas du genre musical que son ambiance sonore, mais aussi et avant tout son thème scénaristique principal. Techniquement pauvre, le titre reste une bonne trouvaille pour les fans du genre qui devraient y trouver leur bonheur.