En tant que fan absolu, Matt Birch n'a pas cherché à dénaturer l'œuvre originelle. Shadow of the Beast reprend, dans les grandes lignes, le scénario du jeu de 1989. Par une nuit sans lune, un enfant du nom d'Aarbron est enlevé à ses parents par les sbires du seigneur Maletoth. Livré aux Mages des Ténèbres, il est séquestré dans le temple de Necropolis et se transforme peu à peu en une créature puissante et agile. Amnésique et traité comme un esclave, il va pourtant découvrir la vérité et se rebeller contre l'affreux seigneur. Le niveau initiatique, qui se déroule dans les plaines verdoyantes de Karamoon, pose les bases de cette vengeance.

DÉPOUSSIÉRER LE MYTHE

Ciel pastel, montagnes menaçantes à l'horizon, prairies qui s'étendent à perte de vue, animations soignées... les premiers pas d'Aarbron flattent admirablement la rétine. Grâce à la 3D, le titre se permet même d'audacieux mouvements de caméras pour apporter un sentiment de grandeur à ces lieux majestueux. Difficile de ne pas être charmé par cette direction artistique qui brossent les fans dans le sens du pad. Du côté des affrontements, Shadow of the Beast n'a rien perdu de sa fougue. Le héros bénéficie d'attaques ultra violentes et d'une quantité non négligeable de combos. Les combats sont percutants et on ressent vraiment l'impact des coups. 2016 oblige, les développeurs ont amélioré le gameplay archaïque de l'époque. La créature peut esquiver, attraper, bloquer, contre-attaquer et même effectuer un enchaînement à base de QTE (avec un timing de plus en plus exigeant au fur et à mesure des éliminations). L'ensemble est nerveux et les exécutions ont une classe folle ! Si le matraquage de bouton est bien sûr possible, ce sont avant tout les enchaînements et les stratégies mises en place pour surprendre les ennemis qui font le sel des rixes. Certains des adversaires ne peuvent être vaincus qu'à des moments précis tandis que d'autres usent et abusent de boucliers et d'armes tranchantes. Ce côté viscéral, s'il est agréable, a tout de même un réel défaut : le temps de réaction d'Aarbron. Souvent trop occupé à finaliser une exécution (les finish sont spectaculaires), celui-ci met beaucoup de temps à se retourner et cela pose un vrai problème d'anticipation. Pour ne rien arranger, les mouvements standards sont assez rigides. On s'y adapte certes, mais la frustration pourrait gagner les moins patients, surtout lors des phases de plateformes et de grimpette. Ces séquences sont assez nombreuses et il n'est pas rare de pester contre les réglages un peu à l'emporte-pièce des sauts et des appuis d'Aarbron.

MÉCANIQUES D'HIER

En choisissant une représentation en 2,5D, le studio Heavy Spectrum a opté pour une solution adaptée à un tel reboot. Cette approche permet l'affichage de jolis panoramas et de séquences pré-calculées narrant les évènements. Il aurait tout de même fallu que les développeurs s'extirpent des mécaniques de la fin des années 80's. Pour 2016, le level design, les énigmes et les boss sont clairement datés. Certes, ces derniers en imposent mais leurs patterns sont si limités qu'on les élimine sans aucun panache. Par ailleurs, et comme on pouvait le craindre, Shadow of the Beast manque de profondeur et de densité. Les sept niveaux se terminent en trois heures et l'intérêt du titre réside dans la quête du scoring et dans la présence d'un mode de difficulté "Bête". Les points d'expérience accumulés permettent également de débloquer de multiples compétences et talismans mais cet aspect fait un peu office de cache-misère. Les amoureux du jeu de 1989 se tourneront en revanche plus facilement vers les innombrables bonus à débloquer. Au-delà du jeu Amiga et de l'option "Vies infinies", les nostalgiques peuvent profiter de la BO, d'une rétrospective retraçant les trois épisodes de la série, de l'inoubliable illustration de Roger Dean ou encore d'une vidéo complète de l'aventure. Il est aussi possible de parcourir le jeu avec les musiques d'origine ! En ce qui concerne les options communautaires, Shadow of the Beast se limite à des classements en ligne ou de timides interactivités entre joueurs, soit sous forme d'élixirs et autres éléments à offrir, soit sous un principe de time attack visant à anéantir son adversaire à l'aide d'un court QTE. Pas franchement grisante, cette option est à l'image de ce reboot. Réalisé avec soin et plein de bonnes intentions, il ne parvient à aucun moment à faire vaciller son modèle qui, déjà à l'époque, était surtout mis en avant pour ses graphismes et sa musique extraordinaire.

L'ESPRIT SHADOW OF THE BEAST

Si l'on ne peut nier l'attachement de Matt Birch pour Shadow of the Beast, on se demande quand même où est passé le caractère fantasmagorique du jeu d'origine. Le titre sur Amiga (et sur les autres supports) avait une touche particulière, symbolisée par un feeling mystérieux et des musiques très envoûtantes. Et il faut bien reconnaître qu'on ne retrouve pas cette atmosphère dans ce reboot. Mais pour une quinzaine d'euros, le titre de Heavy Spectrum rend tout de même un bel hommage à son aîné. Outre la partie visuelle, il faut signaler la qualité des musiques. Le compositeur Ian Livingstone, reconnu notamment pour son travail sur Soldats Inconnus : Mémoires de la Grande Guerre, est parvenu à s'imprégner de l'original pour glisser de nombreux clins d'oeil aux fans. Quoiqu'il en soit, les joueurs qui s'attendent à un Metroid-vania peuvent passer leur chemin. Tout est très dirigiste et l'aventure s'essouffle malheureusement à la moitié du jeu. Sans ses problèmes de finition, il aurait pu prétendre à mieux mais on ne peut nier l'amour que porte Matt Birch à son jeu fétiche.