Avant tout connu pour sa franchise Borderlands, le studio Gearbox Software s’essaye à une nouvelle formule avec Battleborn, un mélange d’influences construit autour d’une idée décidément dans l’air du temps : proposer aux joueurs un FPS basé sur une grosse poignée de héros dotés de capacités uniques pour les plonger dans des modes de jeu ou la réussite dépendra de leur capacité à jouer en équipe. Ajoutez à cela un multijoueur empreint de l’esprit MOBA, un mode histoire coopératif, du loot, une patte Borderlands grosse comme le nez au milieu de la figure et secouez énergiquement le tout pour obtenir un cocktail pas forcément très original et manquant quelque peu de saveur.
Après une introduction de dix minutes impossible à zapper en mode animation vintage boostée aux gros RAP US, le joueur découvre l’univers futuriste et forcément déjanté du jeu. Il apparaît évident que Gearbox a mis beaucoup (trop ?) de Borderlands à l’intérieur de Battleborn. ATH, chara design, couleurs chatoyantes cerclées de noirs, humour potache assumé, les amateurs d’Etalon du Cul posent ici le pied en terrain connu. Pour poser le tableau des évènements en cours, ce joyeux bazar se déroule dans une galaxie en piteux état, détruite dans son écrasante majorité par les Jennerit, un peuple belliqueux dirigé par l’antagoniste principal du jeu, le dictateur un brin susceptible Rendain. Il ne reste qu’une seule étoile à sauver de cet amas de ruines, Solus et nous représentons - vous vous en doutez - le dernier rempart face aux immondes projets du super méchant. Comme le dit l’adage inventé pour l’occasion, un super vilain implique en contrepartie de super gentils, autrement appelés brutasses ou Battleborns, des guerriers issus de différents peuples ou factions, unis contre l’oppresseur et surtout bien décidés à faire parler leurs talents pour la castagne.
La comparaison soulève bon nombre de débats sur les internets tant les deux titres semblent évoluer dans la même cour. Certes, nous avons ici affaire à deux “Hero shooters” en multijoueur reposant sur des personnages charismatiques dotés de capacités, mais les similitudes s’arrêtent ici. Battleborn se distingue d’Overwatch sur plusieurs aspects comme le feeling des armes, la présence d’un mode histoire, de loot et de talents personnalisables. Pour enfoncer le clou, la forte composante MOBA d’une partie des cartes du mode multi du dernier-né de Gearbox achève de clôturer le débat entre les deux productions. Reste maintenant des dates de sortie très rapprochées qui joueront forcément en défaveur de l’un des deux protagonistes.
Plus on est de brutes...
Comment revendiquer une étiquette “Hero shooter” sans un casting rempli à craquer de personnalités charismatiques ? Avec ses 25 héros jouables, Battleborn s’avance avec un panel de rôles et de gameplay susceptibles de satisfaire un large éventail de goûts. On salue ici le travail de qualité effectué par Gearbox en ce qui concerne la personnalité des brutasses ; la plupart donnent envie d’être pris en main afin de découvrir leurs capacités et caractères bien trempés. Tous les personnages bénéficient de leur propre doublage français intégral alimenté à l’humour corrosif et aux répliques cinglantes. Entre la punkette un brin tarée Shayne et son Djin assassin Aurox, le savant fou de service Kleese ou le robot dandy psychopathe so british Marquis (notre préféré), Battleborn démontre le savoir du studio dans la création de personnalités fortes. Chacun agira sur le terrain en accord avec son background et développera un semblant de trame narrative au fil des missions du mode histoire.
À la manière d’un MOBA et toujours dans l’idée de mettre en avant le jeu en équipe, les 25 héros sont répartis selon différents rôles : gros tank blindés de défense, assassins rapides au corps-à-corps, DPS à distance divisés entre les manieurs de flingues et les utilisateurs de magie, soutiens d’équipe dotés de soin, tout ce beau monde a été pensé sur le schéma classique de la complémentarité des fonctions. Chaque personnage offre ainsi un gameplay spécifique basé sur une arme principale accompagnée de trois capacités (dont un ulti sur long cooldown) et d’un passif. Les différences de gameplay s’accentuent d’autant plus grâce au système de progression Helix qui permet de développer nos personnages sur dix niveaux au cours de chaque bataille grâce à l’expérience gagnée au combat. Chaque fois qu’un héros gagne un niveau, il accède à un arbre de talent à double choix grâce auquel il fera varier de façon plus ou moins significative l’approche de son Battleborn. Un soutien tel que Miko (le personnage à tête de champignon du casting) peut donc tout miser sur ses capacités de soin ou, au contraire, renforcer les effets empoisonnés de ses kunaïs.
À l’heure du lancement du jeu, certains personnages sortent du lot par leur puissance trop importante ; on pensera ici à Rath, Galilea ou encore Marquis sous certaines conditions. Espérons que les patchs fassent rapidement leur job d’équilibrage avant que d’autres têtes rejoignent le casting via de probables DLC.
Contrairement à la plupart des “Hero shooters” sortis ou à venir, Battleborn s’articule autour de deux modes : un mode histoire jouable à cinq joueurs ou en solitaire et un autre en multijoueur. Si vous vous attendiez à un solo particulièrement velu basé sur une narration continue, le titre risque de vous décevoir. La progression du scénario s’articule sur l'enchaînement de missions d’une trentaine de minutes chacune dans des zones de combat aux allures de donjons de MMORPG. On y retrouve une construction particulièrement linéaire avec des zones en couloir peuplées de nombreux packs d’ennemis à nettoyer sans grande variation de sensation. Le tout est entrecoupés de boss à décalquer en suivant quelques stratégies d’équipe. Si le scénario trouve parfois le temps de se développer entre les missions, il ne parvient jamais à s’imposer réellement comme un élément majeur de ce Battleborn. Loin d’être mauvais ou mal écrit, il enchaîne les dialogues amusants et les situations recambolesques sans pour autant atteindre le fun éprouvé en parcourant un Borderlands.
Plus on pex...
On sent le mode histoire avant tout pensé pour être fait et refait en boucle en profitant des spécificités de chaque personnage. Il se retrouve rapidement empêtré dans un sentiment de répétitivité lié au manque de variété des tâches proposées. Si Gearbox essaye pourtant tant bien que mal de varier les plaisirs avec des affrontements mis en scène à la manière de boss de raid, un bestiaire étoffé, des escortes de VIP ou des défenses de point. La lassitude s'installe après quelques heures de farm. Oubliez d’ailleurs le jeu en solitaire en mode histoire si vous souhaitez ne pas mourir d’ennui. Plus intéressant en revanche, Battleborn peut se vanter de proposer un mode coopération local en écran splitté déjà bien plus fun à jouer. Les cinématiques impossibles à passer feront toutefois grincer des dents à tous ceux souhaitant relancer les missions en boucle.
Le niveau de difficulté fait quelque peu le yoyo durant les 5 à 6 petites heures des 8 missions de l’histoire, alternant entre les moments où une seule main suffira à rouler sur tout ce qui bouge et les opérations étrangement ardues où les groupes se cassent les dents à répétition. Votre équipe partage en fait un pool commun de cinq vies consommé à chaque mort de héros. Une fois épuisé, la résurrection n’est plus possible jusqu’à ce qu’un joueur mette la main sur un continu. Un mode hardcore réservé aux casse-cous vous fera débuter les missions avec un compteur à zéro pour forcer chacun à donner le meilleur de sa classe. Le mode histoire apparaît donc plus comme un moyen de patienter entre deux parties en multijoueur.
Le plus gros intérêt du mode histoire réside en fait dans la carotte tendue au joueur par Gearbox. Cette dernière prend la forme de loot à gagner accompagné d'un système de progression général de son compte. L’esprit Borderlands est conservé avec une déferlante d’objets à récolter répartis selon différentes qualités, de communs à légendaires. En plus de leur arbre de talents, les héros bénéficient de cinq emplacements d’équipement où les joueurs placeront leur différentes trouvailles afin d'activer des bonus passifs. Plus de vie, meilleure régénération du bouclier, réduction du recul des armes, il y a une tonne de stuff à récupérer lors des missions, sur les boss ou dans les coffres offerts en fin de partie. Battleborn s’inscrit dans la droite lignée de ces jeux récompensant la moindre action. Ceux qui souhaitent s’y investir trouveront ici une motivation pour avancer. On redoute tout de même un essoufflement de l’intérêt d'un tel système sur la durée une fois votre personnage et build de prédilection trouvés.
L’effet passif de l’équipement doit être cependant activé en dépensant des cristaux, une monnaie à ramasser sur la carte que l’on utilisera aussi pour construire des tourelles de défenses et autres stations de buff pour son équipe. Cette composante tower defense s’ajoute à la palette d’influences du jeu sans jamais véritablement s’imposer comme un mécanisme essentiel de gameplay. Reste un double système de progression assez bien fichu avec d’un côté le rang de personnages et de l’autre le rang de commandement. Les héros évoluent de façon indépendante et permanente sur 15 niveaux afin de débloquer des skins alternatifs et autres emotes. Le profil global du joueur s’abreuve de tous ses succès pour déverrouiller des titres, des badges, des coffres d’équipement ainsi que de nouveaux héros. S’il tire les mêmes ficelles que le modèle free-to-play, même s'il essaye nous refourguer son Season Pass dès le splash sreen de connexion, Battleborn ne sombre pas dans l’écueil de monnayer sa progression. Tout reste accessible via l’argent gagné en jeu et la méthode d’acquisition des personnages supplémentaires reste des plus fair-play.
Joue en équipe ou crève !
Abordons maintenant l’aspect pour lequel la majorité des joueurs s’intéressent à Battleborne : son mode multijoueur compétitif et coopératif. Le titre propose trois modes de jeu aux objectifs différents, plutôt peu diront certains. Propulsé comme porte-étendard, le mode Incursion s’inspire directement du MOBA avec ses vagues de minions à escorter et ses drones-araignées sentinelles à détruire dans la base de l’adversaire. Les mêmes mécaniques de progression et de teamplay interviennent ici : votre personnage ramasse des cristaux, gagne des points d’expérience et évolue sur 10 niveaux en choisissant son orientation de gameplay avec ses capacités. On retrouve aussi un mode Conquête, soit un classique capture et défense de points en équipe. Enfin, le mode Fusion demande aux deux équipes de 5 joueurs d’escorter des vagues de sbires jusqu’à un incinérateur placé au centre de la carte. Plus vous en sacrifierez, plus vous marquerez des points.
Le mélange MOBA/FPS fonctionne sans accroc majeurs si vous ne recherchez pas en Battleborn le jeu compétitif et technique capable de détruire votre vie sociale au cours des prochains mois. L’arrière-train légèrement coincé entre deux fauteuils, son gameplay ne parviendra ni à contenter les accrocs au FPS à cause d’un manque flagrant de sensation d’impact et de recul sur les tirs, ni les inconditionnels du MOBA par son approche trop académique de ses modes de jeu. Ajoutez à cela un nombre limité de cartes (2 par mode), des matchs d’une demi-heure étirés jusqu’à l’ennui et pas franchement dynamisés par un sound design parfois privé de vie pour comprendre notre sentiment mitigé vis-à-vis du titre. Certes, les stratégies d’équipe et la forte personnalité des 25 héros renouvelleront votre expérience de jeu, mais pour combien de temps ? Malgré son casting, son système de progression motivant et son feeling Borderlands évident, la formule Battleborn tient debout dans l’ensemble, mais peine à briller dans ses détails.
Au-delà de sa prise en main, l’influence de Borderlands est aussi sans équivoque du côté des graphismes. Saluons avant toute chose un chara-design globalement réussi et un effort d’animation spécifiques pour chaque personnage. Il suffit de déclencher l’attaque au corps-à-corps des Battleborn pour constater plusieurs différences. Alors que le géant Montana envoie valdinguer ses victimes d’une simple pichenette, Marquis gifle sa cible d’un revers de main synonyme de son tempérament dédaigneux. Malheureusement, le même effort ne semble pas avoir été déployé en ce qui concerne les environnements du jeu. On retrouve la patte cartoon spécifique du studio employée ici dans la construction de mondes très (trop) proches de ceux déjà visités dans les deux volets de la franchise au ClapTrap, l’ouverture en moins. S’il bénéficie d’une jolie palette de couleurs et de quelques détails loufoques, le level design global n’est pas des plus inspirés. Fait amusant, l’architecture des complexes de l’Imperium Jennerit rappellera quelque peu celle de la faction du Dominion dans le MMO Wildstar.
Techniquement, le jeu tourne sans broncher sur notre GTX 970 (encore heureux) ; il semble néanmoins rencontrer quelques soucis techniques de jeunesse chez certains utilisateurs que des mises à jour devraient régler - on l'espère - au plus vite. Côté consoles, le gameplay ne pose pas de problèmes évidents à la manette, mais est parfois perturbé par les hoquets d’un framerate malheureusement limité à 30 fps. On ne tiendra pas forcément rigueur des nombreux soucis de déconnexions intempestives rencontrés lors de nos sessions de jeu, un problème qui deviendra frustrant pour le joueur s’il persiste dans les semaines venir.
Points forts
- 25 héros globalement réussis
- Le multi en équipe
- Une progression gratifiante
- L'esprit déjanté made in Gearbox Software
- Bonne rejouabilité si vous êtes prêts à farmer
Points faibles
- Le manque de punch et d'impact des armes
- Mode histoire en retrait
- Devient rapidement lassant par manque de profondeur
- Seulement 3 modes multi, c'est un peu léger
- Des décors trop inspirés de ceux de Borderlands
- Les déconnexions fréquentes, le manque d'équilibrage entre certains personnages
Battleborn a misé son opération séduction sur son casting de 25 personnages aux capacités, prise en main et design réussis. Ces héros se retrouvent malheureusement propulsés au sein d’un mélange de genres risquant fort de souffrir d’un syndrome de répétitivé au fil du temps. Doté d’un mode histoire dont le joueur aura vite fait de se lasser, l’expérience Battleborn s’envisage donc bien plus du côté du multijoueur. Malgré un nombre réduit de mode de jeu et de cartes, l’approche FPS teintée d’éléments propres aux MOBA (leveling, compétences) pourra séduire certains amateurs de jeu en équipe. Le tout est cependant plombé par le manque de profondeur du gameplay ou d’impact des tirs et par un contenu encore trop léger.