Une génération et 5 années après l'épisode précédent – 4 si l'on tient compte de Golden Abyss, l'opus Vita – Uncharted s'offre un retour sur le devant de la scène avec A Thief's End, ultime aventure de l'épopée de Nathan Drake. Pour soigner sa sortie, la saga a une nouvelle fois profité du savoir-faire de Naughty Dog, qui comptait bien s'appuyer sur le récent succès de The Last of Us pour améliorer la formule d'Uncharted et nous livrer un ultime épisode capable d'aller chercher le titre de jeu de l'année. On ne va pas vous mentir : plus qu'une réussite, c'est un véritable tour de force que vient de réussir Naughty Dog.
Mais avant de vous livrer une conclusion en bonne et due forme, il convient d'abord de présenter ce nouvel épisode alliant à la fois traditions et nouveautés et qui restera le seul à honorer la PlayStation 4 de sa présence. Vous incarnez toujours Nathan Drake qui part cette fois sur les traces d'Henri Avery, célèbre pirate de la fin du XVIIè dont le trésor n'a jamais été retrouvé. Pour ce périple, il pourra toujours compter sur ses habituels coéquipiers Elena et Sully, mais également un petit nouveau dans la série en la personne de Sam Drake, qui n'est autre que son frère.
Sam botte bien
Ajouté de façon étonnante au sein d'un background déjà bien établi, Sam Drake éveillait autant de curiosité que de craintes quand à la façon dont Naughty Dog allait pouvoir l'intégrer à l'aventure. Le studio parvient étonnement à retomber sur ses pattes par quelques pirouettes scénaristiques certes un peu faciles mais toujours amenées avec justesse. Le petit nouveau se met rapidement au diapason de ses camarades en amenant de la bonne humeur – un peu – et de l'humour – beaucoup – à l'aventure, ne se distinguant de ses pairs que par son passé chargé et un goût toujours intact pour les trésors. Alors que les années ont passé depuis la fin du troisième épisode, Nathan a en effet décidé de raccrocher les crampons et s'offrir une vie de sédentaire aux côtés de sa femme Elena. Un événement inattendu va toutefois l'inciter à retourner à ses premières amours aux côtés de Sam, dans un périple qui l’emmènera aux quatre coins du globe.
La fin d'un voleur
L'expérience accumulée sur The Last of Us semble avoir fait le plus grand bien au studio, qui propose avec Uncharted 4 la narration la plus soignée de la saga. Naughty Dog s'est attelé à peaufiner chaque scène, chaque séquence pour l'intégrer avec intelligence au sein de son arc narratif. On notera ainsi une plus grande présence de séquences de dialogues qui contribuent à façonner le caractère des personnages, mais aussi plusieurs idées surprenantes par lesquelles le studio parvient à faire progresser la narration via un clin d’œil appuyé – qu'on gardera secret pour éviter tout spoiler – ou l'émotion véhiculée par la simple expression sur le visage d'un personnage. Un premier signe évident de la maîtrise technique encore plus poussée du studio, point sur lequel nous reviendrons un peu plus tard. Si les antagonistes n'échappent fatalement pas à quelques poncifs du genre, ils s'intègrent parfaitement dans l'histoire au style indianajonesque qui parvient pour la première fois à se sortir de sa construction classique pour proposer des variations de tons, l'aventure épique cédant régulièrement la place à des séquences intimistes toujours distillées avec soin. L'ajout de conversations optionnelles contextuelles va d'ailleurs dans ce sens. Enfin, toujours sans spoiler, on ne pourra que saluer la fin de l'aventure qui n'est pas tombée dans le piège facile de l'ouverture à outrance et nous propose une véritable conclusion à la saga qui ne laissera personne sur sa faim.
Plus généralement, l'histoire principale bénéficie d'une mise en scène toujours aussi efficace qui contribue fortement à l'immersion et à la qualité de la narration, en témoignent les changements de plans qui rendent la transition entre cinématique et gameplay invisible et parviennent même à masquer les temps de chargement. Symbole le plus visible de ces transitions fluides, les phases de combats au corps-à-corps – on pensera en particulier à l'une d'entre elles – parviennent à concilier gameplay et maîtrise de la réalisation avec brio, nous donnant une sensation de liberté trompeuse alors que Naughy Dog tient les clés du camion du début à la fin. Il vous faudra toujours plus d'une dizaine d'heures – potentiellement jusqu'à 15, voire 16h pour les modes de difficulté plus élevés et ceux qui veulent collecter l'ensemble des trésors – avant de voir le bout de l'aventure, qui propose en plus différents bonus une fois terminée. Il sera ainsi possible de recommencer l'histoire principale avec un filtre graphique différent – mode miroir, cell-shading, pixel art ou autres – ou encore de modifier les tenues des personnages principaux. Si l'ensemble des idées ici mentionnées ne font figure que d'amuse-gueule, elles apportent toujours un peu de rejouabilité à un titre ne bénéficiant pas d'une durée de vie de jeu de rôle.
Nathan sous infiltration
Nous avons déjà évoqué le rythme de l'aventure mais pas encore la répartition des styles de jeux au travers de celle-ci. On retrouve l'habituel triptyque fusillades-énigmes-exploration (semblable aux précédents opus et sur lequel on ne reviendra donc pas) auquel il faut désormais greffer l'infiltration, qui gagne en importance dans l'épisode en adoptant une formule proche de The Last of Us. Si la première moitié de l'aventure continue sur la lancée des épisodes précédents en adoptant une structure linéaire plus classique, la seconde partie propose différents environnements plus ouverts dans lesquels vous disposez d'une véritable liberté d'approche. Vous pourrez alors systématiquement opter pour une approche furtive et vous débarrasser de tous les gardes discrètement, ou bien opter pour la manière forte en fusillant tout ce qui bouge. Tout l'arsenal de l'infiltration moderne y est : possibilité de marquer les ennemis, se dissimuler dans les hautes herbes, présence de jauge de détection avec des codes de couleurs pour savoir si un garde est simplement alerté ou vous a repéré… On saluera également l'absence d'une vision « omnisciente » tout en blâmant l'IA des ennemis bien trop laxiste et souvent incapable de vous détecter alors que vous passez quelques mètres sous leur nez. La disparition en mode extrême de la jauge de détection et de la possibilité de marquer les adversaires complique sérieusement la chose, mais ce défaut déjà présent dans les phases d'infiltration des précédents opus n'aura donc pas été corrigé efficacement malgré les nouveaux mécanismes.
D'autres nouveautés sont de la partie concernant le maniement de notre cher Nathan Drake, toujours aussi agile dès qu'il s'agit d'escalader une paroi et sauter d'une corniche à l'autre. Il peut désormais s'adonner aux plaisirs de la glissade sur les pentes, un mécanisme souvent combiné à d'autres pour varier les plaisirs durant les nombreuses phases de chute de notre Pierre Richard vidéoludique. Plus anecdotique, la possibilité d'agripper les prises uniquement en déplaçant le bras libre de Drake se voit voler la vedette par la plus grosse nouveauté de l'épisode qu'est le grappin. Qu'il s'agisse de décoller au dessus d'un ennemi pour lui écraser directement notre poing sur la figure ou simplement se balancer au dessus du vide en attendant le bon timing pour sauter sur la corniche en face, le grappin a le bon goût d'être libre d'utilisation à la seule condition de trouver un point d'accroche viable. Il est donc tout à fait possible de rater son saut à cause d'un timing imparfait ou d'une prise d'élan insuffisante, voire d'un mauvais positionnement au niveau de la corde. Les plus attentifs pourront tout de même déceler quelques tours de passe-passe délivrés par Naughty Dog, qui n'hésite pas à légèrement rallonger ou décaler vos sauts si vous sortez un peu trop du chemin, histoire de rappeler à tous que dans Uncharted – aussi étrange que la formule puisse sembler - la liberté reste tout de même un poil encadrée.
Roulez, jeux NES
Dernier point tout sauf négligeable de l'aventure, l'introduction de véhicules apporte la aussi une touche de variété en vous permettant de gambader dans des environnements plus ouverts. Il était ainsi possible de découvrir quelques zones abritant des trésors lors d'une séquence à Madagascar ou même d'aller braver les vagues de l'océan indien lors de certaines séquences, Nathan ayant en plus droit à quelques phases sous-marines et pouvant à tout moment plonger, y compris dans les plus petites étendues. Autre nouveauté plutôt amusante, l'utilisation du treuil de notre jeep permet à notre aventurier de tracter des charges lourdes ou détruire des piliers pour ouvrir des brèches. L'ensemble reste entièrement scripté et utilisé avec parcimonie mais témoigne encore une fois du soin apporté par Naughty Dog à son poulain : Nathan se passe le treuil d'une main à l'autre selon la direction dans laquelle vous l'orientez, ne peut passer à travers la corde, doit orienter celle-ci autour de l'élément avant de la raccrocher… Autant de détails qui n'influent certes pas sur le plaisir du jeu, mais font toujours figure de petit plus appréciable pour immerger pleinement le joueur dans l'aventure.
Une nouvelle référence graphique
Chaque épisode de la série Uncharted a toujours fait office de nouvelle référence technique et artistique pour sa génération. On vous rassure tout de suite, Naughty Dog n'a pas perdu ses bonnes habitudes avec ce 4è opus. Non content de nous livrer de nouveaux panoramas « carte postale », le titre exploite pleinement les capacités de la PlayStation 4 autant dans sa gestion des éclairages que dans sa modélisation pure, qui frôle le sans-faute du début à la fin de l'aventure. Hormis quelques rares ralentissements dans les zones ouvertes, le titre est également très fluide et stable. Les explosions s'avèrent aussi très crédibles, tout comme les nombreux effets tels que les éjections de boues et d'eau sous les roues de la voiture ainsi que la physique générale des objets qui ne semble souffrir d'aucun bug majeur. L'animation de nos personnages n'est pas en reste et l'on parvient régulièrement à saisir les émotions véhiculées par les visages au travers d'une scène plus intimiste se passant de quelques dialogues. Bref, le résultat est donc une nouvelle fois à la hauteur de la réputation de la série et du studio, qui signe ici tout simplement l'un des plus beaux, si ce n'est le plus beau jeu sorti sur consoles et qui n'aurait même pas à rougir face à certaines productions récentes sur PC.
Bande de pirates
Un dernier mot sur la présence d'un mode multijoueur faisant ici office de best-of des précédents : vous y retrouverez les principaux personnages de la saga dans plusieurs modes : team deathmatch classé ou non et capture de territoires ou de drapeaux. Le tout avec 8 maps représentant les lieux emblématiques de ce 4è épisode et proposant davantage de verticalité que les précédents opus, bien aidés par l'arrivée du grappin qui nous oblige à davantage surveiller les airs pour éviter d'être surpris. Plus vous marquez des points – en accomplissant des objectifs du mode sélectionné – et plus vous accumulerez de la monnaie dans votre partie en vue d'acheter divers bonus allant du compagnon géré par l'IA au bonus de pouvoir surnaturel. Ces derniers sont inspirés des mythes et légendes célèbres de la série. Le mode multijoueur n'est évidemment pas la section phare de l'épisode, mais le résultat est satisfaisant et suffisamment fun pour gonfler la durée de vie avec efficacité. Au regard de la sensation de manque ressentie une fois le solo bouclé, croyez-moi, passer quelques heures de plus dans l'univers d'Uncharted 4 ne peut qu'aider à vous sevrer en douceur.
Notre chronique J'aime, j'aime pas sur Uncharted 4 : A Thief's End
Points forts
- Beau à s'en pâmer
- Mise en scène impeccable
- Narration maîtrisée
- Une vraie bonne fin
- Bon équilibre infiltration-gunfights-énigmes
- Des nouveautés parfaitement intégrées
Points faibles
- IA aux fraises en mode infiltration
- Certains sauts un poil "téléguidés"
- Quelques - rares - ralentissements
Beau, parfaitement mis en scène et mené sur un rythme impeccable du premier au dernier plan, Uncharted 4 est à la fois un best-of de la saga et un épisode empreint de nouveauté, capable de se renouveler dans ses mécanismes et sa narration sans jamais frôler la sortie de route. Le résultat est donc impeccable et témoigne une nouvelle fois du savoir-faire de Naughty Dog. Seules petites ombres au tableau, la présence de quelques sauts encore un peu trop téléguidés et d'une IA toujours aveugle en infiltration reste toutefois bien anecdotique tant cet épisode parvient à surpasser la trilogie initiale sur tout le reste. Un savoureux cocktail d'aventure, d'émotion et de clins d’œil appuyés qui devrait autant combler les fans de la saga que leur laisser une sensation de manque une fois la campagne terminée. La marque des grands jeux, assurément.