Bien que la série Fire Emblem n'est apparue que tardivement sur le Vieux Continent, cela fait maintenant 26 ans qu'Intelligent System nous livre périodiquement des épisodes de sa fameuse saga de Tactical-RPG. Un savoir-faire qui s'offre une apothéose avec ce qui pourrait bien être un des meilleurs opus. Découvrez Fire Emblem Fates.
Quand on s'intéresse un tant soit peu aux jeux vidéo, on sait pertinemment que les séries qui durent dans le temps sans perdre de leur aura sont affreusement rares. Mais si les Zelda, les Final Fantasy ou les Elder Scrolls font partie des noms qui reviennent le plus souvent quand on parle de ce genre de sagas, on oublie un peu trop souvent Fire Emblem, qui en plus d'un quart de siècle n'a jamais commis de véritable impair. Et c'est justement tout ce savoir-faire que l'on retrouve dans Fire Emblem Fates.
Du T-RPG peaufiné à l'extrême
Les bases de la saga sont là : un Tactical-RPG au gameplay particulièrement fin qui oblige le joueur, même dans les difficultés les plus basses, à réfléchir à chacune de ses actions pour ne pas perdre ses unités. Le droit à l'erreur n'existe pas, du moins si on joue avec le permadeath (une unité qui meurt... MEURT), seul moyen de vraiment sentir la tension des combats même si des options en début de partie permettent de la retirer. Chacune de vos unités à ses caractéristiques et bonus propres qui dépendent de sa classe et de son arme et il faudra bien veiller au système pierre-papier-ciseau qui régit les avantages donnés à vos épées, arcs, lances, etc. Il est à noter une nouveauté à ce sujet : d'autres armes, comme les grimoires, rentrent maintenant dans cette roulette à trois sorties. Bien évidemment, le terrain à toujours un impact les déplacements et les combats, comme dans tout bon T-RPG qui se respecte. Jusque là, on sait où on va.
Là où Fire Emblem se densifie, c'est dans ses systèmes de duo et de soutien. Pour résumer, vous avez deux façons de voir les choses. Si vous mettez deux personnages en duo (sur la même case), l'un sera en retrait et octroiera à l'autre des bonus qui dépendent de leur entente. En combat, il lui permettra de mieux esquiver les attaques et de gagner en précision, voire de carrément parer entièrement un coup (zéro dégât) lorsque la jauge correspondante arrive au bout. Puisque vous avez une claire vision de tous ces paramètres avant chaque combat, c'est à vous de faire les bons calculs pour que la parade tombe au bon moment, face à une attaque potentiellement dévastatrice par exemple. Mais en dehors du duo, vous pouvez opter pour un comportement plus offensif en mettant deux unités côte à côte. Il s'agira alors d'un soutien. Si une unité attaque, celle placée à côté pourra aussi attaquer, ce qui vous permet de booster les dégâts parfois de manière considérable. En sachant que les stats et bonus dépendent de chacun des personnages, ça fait beaucoup de choses à prendre en compte. Et si je vous dis qu'un duo empêche les attaques de soutien, ou encore que les ennemis peuvent aussi utiliser les duos (de manière plus stricte) et les soutiens, vous comprenez que Fire Emblem Fates ne fait pas dans le « accessible à tout prix ». Tant mieux pour le coup car ce n'est pas ce qu'on attend d'un Fire Emblem.
Pour revenir au système de duo, il ne serait pas aussi important sans les affinités entre les personnages. Introduites dans Awakening, les relations entre les unités peuvent toujours déboucher sur des mariages qui engendrent potentiellement un enfant dont les stats de départ et classes disponibles sont dépendantes des caractéristiques des parents. Comme c'est vous qui choisissez qui va avec qui, cela vous laisse un grand choix dans la personnalisation de vos personnages, surtout que vous pouvez aussi modifier la classe de chaque perso via les objets adéquats. Autant dire que ceux qui aiment avoir un minimum de liberté seront ravis, surtout que l'on parle d'une bonne trentaine de personnages pour chacune des deux versions de bases, sans compter les enfants. Encore faut-il ne pas en perdre en route, évidemment...
Fire Emblem Fates : Faisons des couples
Si les quelques rares cinématiques sont de très bonne facture, Fire Emblem Fates n'est pas vraiment le type de jeux qui nous écrase de sa beauté. Moins recherché artistiquement parlant qu'un Bravely Second pour donner un exemple récent, le jeu d'Intelligent System souffre sans doute de son genre : Les T-RPG préfèrent souvent sacrifier l'art au nom de la lisibilité, ce qui est compréhensible. On pense quand même que les décors des zones de combats auraient pu être un peu plus jolis, même si ça ne nous empêchera pas de dormir. D'un point de vue musical, Fates est une vraie réusite avec un clair écart entre les sonorités militaires du Royaume de Nohr et les douces mélodies asiatiques du Royaume d'Hoshido. Un travail soigné, même si quelques variations en combat n'auraient pas été de trop.
Oh Mon Châteaaaaauuuuuu
Mais l'une des grosses nouveautés de ce Fire Emblem Fates, c'est l'arrivée de « Mon Château ». En effet, vous pourrez vous-même gérer votre micro-bourgade en y construisant des structures aux multiples intérêts. Marchands d'armes/sceptres, statues pour booster vos personnages, jardins et mines pour récupérer des objets utiles à la forge de vos armes ou à la cuisine (pour améliorer vos stats pour un combat), vous avez l'embarras du choix et chaque retour au château permet de récupérer des items ici et là. Elément important, la prison vous permet de capturer des adversaires pour ensuite les inclure dans votre armée. Nous ne citerons pas toutes les structures (près d'une quarantaine), mais il est à noter que votre château peut aussi vous aider à booster les affinités entres les personnages, notamment avec Corrin, le perso principal sur lequel nous reviendrons plus tard. Mais l'important avec les châteaux, c'est qu'il est possible de les partager en ligne. En visitant le château d'un autre joueur, vous pouvez y récupérer des items, mais aussi et surtout affronter son armée sur son terrain. Voilà pourquoi la façon dont vous placez vos structures peut avoir son importance, d'autant que des tourelles défensives font partie du lot ! Bref, Mon Château est une excellente addition qui permet grandement d'ajouter de l'intérêt aux entre-missions, même s'il manque sans doute un peu de finesse par moment.
Fire Emblem Fates : Visite de château
La guerre des Royaumes
Vous l'aurez sans doute remarqué, mais il y a deux éléments étroitement liés qui n'ont pas encore été abordés dans ce test : le scénario et les différences entre les deux versions : Héritage et Conquête. Je vais donc m'efforcer, sans spoiler, de parler des éléments scénaristiques communs aux deux jeux avant d'aborder ce qui les sépare. Vous êtes Corrin, personnage dont vous choisissez le sexe et l'apparence au début de l'aventure. Jeune prince(sse) du Royaume de Nohr, vous vivez enclavé dans le domaine royal et aviez jusque là interdiction formelle de visiter le reste du monde. Si votre fratrie, constituée de quatre frères et sœurs, se veut aimante, on ne peut pas dire que votre père, le Roi Garon, soit des plus dociles, et ses méthodes dangereuses vous obligent à douter de lui. Mais rapidement, des événements vont vous faire comprendre que le Royaume ennemi : Hoshido, n'est sûrement pas aussi maléfique que ce qu'on vous avait dit alors que des liens forts vous y unissent rapidement. Hoshido vous accueille même à bras ouverts pour des raisons qu'on vous laisse découvrir. Tiraillé entre ses deux royaumes au début de l'aventure, c'est la version que vous aurez choisie, Héritage pour Hoshido et Conquête pour Nohr, qui décidera de la suite du scénario et de quelques différences de gameplay plus que notables.
Dans Conquête, vous avez choisi de défendre le Royaume de Nohr, clairement montré comme le royaume des « méchants » dès les premiers chapitres. Malgré des débuts sombres, ce scénario n'est pas dépourvu d'humour. Toutefois, il oblige le joueur à se poser de nombreuses questions étihques au fur et à mesure de l'aventure. Les personnages y sont sans doute un peu plus travaillés.
Conquête est aussi la version la plus difficile de Fire Emblem Fates : Les objectifs de missions sont plus précis que dans Héritage et les situations y sont au final bien moins favorables. Ainsi, la victoire y est encore plus gratifiante et vous devez utiliser toutes vos ressources au bon moment et au bon endroit pour vous en sortir dans les difficultés les plus élevées. Autre point, comme dans les anciens Fire Emblem, il n'y a pas de défis supplémentaires pour gagner de l'expérience ou de l'argent. Il va donc falloir faire avec les missions principales et annexes du jeu, en nombre limité, ce qui vous oblige à choisir les unités avec lesquelles vous jouerez puisque vous ne pouvez vous permettre de partager l'EXP entre tous les persos du jeu. Bref, volontairement plus dur, mais malheureusement moins permissif sur quelques aspects, ce qui pourra frustrer certains types de joueurs.
Sans en dire plus sur le scénario, il est à noter que si vous achetez une version du jeu, l'autre est accessible à moitié prix en dématérialisé. Et le plus incroyable, c'est que faire les deux titres est loin, très loin d'être une mauvaise idée. Avec plus d'une vingtaine de chapitres chacun, Héritage et Conquête offrent une durée de vie plutôt phénoménale qui peut dépasser la centaine d'heure pour ceux qui veulent vraiment améliorer leurs unités. Mais contrairement à d'autres jeux vendus en deux versions, les différences sont telles, tant d'un point de vue scénaristique qu'au niveau du gameplay, qu'on n'a absolument pas l'impression de « refaire » le même jeu. Voir les deux côtés de la médaille permet même de mieux comprendre les diverses situations. Enfin, un troisième scénario du nom de Révélations est aussi disponible en ligne, vous permettant de ne prendre partie pour aucun des deux camps et d'avoir accès à de nouveaux éléments scénaristiques pour mieux comprendre la finalité de l'histoire. Ce stand-alone vendu 40€ est aussi disponible à moitié prix si vous avez déjà une des deux autres versions, mais c'est un autre sujet sur lequel nous reviendrons lors d'un test à part.
Quoi qu'il en soit, Fire Emblem Fates reste une expérience unique qui transcende les qualités de son prédécesseur avec des ajouts pertinents en termes de gameplay. Une vraie réussite pour une expérience complète : si n'avoir qu'une version permet déjà d'avoir un jeu d'une densité égale ou supérieure à Awakening, s'offrir les deux (voire les trois) est l'assurance d'une aventure complexe et envoûtante pleine de rebondissements. En ce sens, Fire Emblem Fates est sans aucun doute l'un des meilleurs jeux de la 3DS, si ce n'est le meilleur...
Fire Emblem Fates : Conquête - 30 minutes de gameplay
Points forts
- Un gameplay qui demande une vraie réflexion
- Le système de duo/soutien
- Des missions variées et très tactiques
- Le système d'affinités et les dialogues qui en découlent
- « Mon Château » : construction et jeu en ligne
- Un chara design soigné
- Des musiques toujours appropriées
- Une difficulté retorse à l'ancienne
Points faibles
- Un peu trop de chargements en ligne
- Visuellement pas toujours au top, même si c'est un détail
- Obliger de choisir les persos à utiliser, trop peu d'XP pour tous (à l'ancienne)
Fire Emblem Fates est bien la perle que l'on attendait. Non seulement il reprend toutes les qualités d'Awakening, mais il arrive à améliorer le gameplay grâce à quelques changements bien sentis comme les aspects défensifs et offensifs des systèmes de duo/soutien. La gestion du château, si elle reste perfectible, permet quelques combats en ligne intéressants. Attention, sachez toutefois que la version Conquête est la plus difficile : les missions y sont plus complexes, ce qui les rend aussi plus intéressantes. De plus, il vous y est impossible de gagner de l'expérience pour vos persos en dehors des missions, ce qui vous obligera à choisir lesquels vous voulez utiliser dans l'aventure du début à la fin. Bref, une expérience à vivre et sans aucun doute un des meilleurs jeux de la 3DS.