Après une annonce en 2010, un éditeur qui se désiste, un changement de nom et deux campagnes de financement royalement ratées, Alekhine's Gun ressort des enfers pour aujourd'hui débarquer sur consoles et PC. Même si généralement, des déboires aussi prononcés dans une production ne sont jamais de bonne augure, voire constituent plutôt un signe d'arrêt de mort, on est parfois en droit de s'attendre à de belles surprises. De quel côté se range le titre de Maximum Games ?

Avant d'être renommé Alekhine's Gun, il faut savoir que le jeu faisait partie de la noble série des Death to Spies. Même s'il s'agissait d'un pur clone de la série Hitman, celui-ci avait tout de même de beaux arguments à faire valoir : un aspect infiltration premièrement bien fichu, et surtout l'idée de transposer ses épisodes dans pas mal de contrées différentes, histoire de faire voir du pays. C'est donc 6 ans après son annonce que la série réapparaît sur les écrans. Malgré la cicatrice béante qu'elle s'est prise dans la tronche (notamment à cause de l'évolution des supports), il faut reconnaître que les développeurs savent de quoi il parle côté infiltration, peut-être même mieux que son illustre inspiration, Hitman.

Un jeu bon et abondant

Si il n'y avait qu'une chose à retenir de Alekhine's Gun, c'est qu'il est généreux, malgré son aspect visuel indigne. Rarement on a ressenti cet effet manette en mains : un premier contact rebutant et qui s'avère être drôle. "Mon dieu, il est immonde, encore un jeu vite fait mal torché". Mais il suffit d'à peine quelques minutes pour se rendre compte que ce soft a bien plus d'un tour dans son sac. Les développeurs sachant pertinnement que leur jeu serait insuffisamment graphiquement parlant, ils ont concentré leurs efforts sur la quantité et la qualité du contenu. Que dire, si ce n'est qu'ils ont pris l'une des meilleures décisions possibles. Le jeu se compose donc de 11 missions qui vont vous faire voyager comme il se doit, de l'aride Texas à l'Allemagne totalitaire : de quoi s'imprégner d'époques et d'ambiances très tranchées. Ceci constitue déjà un bon point, la diversité étant toujours bienvenue dans un jeu d'infiltration. Autre bonne nouvelle, une mission dure approximativement deux heures, ce qui représente pas loin de 20 heures de jeu si l'on veut connaître le fin mot de l'histoire. En comparaison avec les références du genre, Alekhine's Gun explose les compteurs, d'autant que l'infiltration implique une très grande rejouablilité : le joueur peut très bien essayer de se la jouer totalement fantôme, de tuer avec une seule arme... En bref, ce titre fait preuve d'une abondance de contenu très rafraîchissante en comparaison avec son grand frère, dorénavant devenu épisodique et complètement coupé au couteau, au grand dam de ceux qui apprécient une aventure d'un seul bloc. Mais Alekhine's Gun ne brille pas seulement par sa durée de vie, il se pare aussi d'un gameplay au poil.

Même s'il ne surprendra absolument personne par son originalité, puisqu'il applique à la lettre ce que ses aînés ont établi avant lui, Alekhine's Gun témoigne d'un réel savoir-faire. Manette en main, les diverses parties du gamesytem s'imbriquent plutôt bien, et le jeu s'avère totalement jouable, en mettant bien sûr de côté les désagréments techniques sur lesquels nous reviendrons plus tard. Comme toujours, stigmate des anciens opus, le titre est toujours aussi répressif quant à un quelconque passage en force. Sans infiltration, vous irez tout droit dans le mur. Revoilà donc les joies du déguisement, de la furtivité extrême et surtout du nettoyage de bavures : si Hitman Absolution se revelait un poil plus permisif de ce côté ici il ne vaut mieux pas trop s'amuser avec l'IA. Même si elle n'est pas super finaude en phase d'infiltration, une fois votre présence découverte, elle deviendra un véritable sniper sur pattes.

Décider d'être un fantôme sera peut-être un peu plus fastidieux, mais votre chance de survie en sera décuplée. Même si la moindre erreur se paie donc cash, les developpeurs ont tout de même fourns une belle tripotée d'armes que notre cher agent 47 n'aurait pas renié : la fameuse corde de piano, efficace, ou encore le poison, parfait pour piéger un plat laissé innocément sur la table. Chaque début de mission vous proposera donc de vous munir des engins de mort de votre choix, et nous voilà parti pour l'aventure. Mais puisqu'on ne change pas une équipe qui gagne, il faut savoir que la célèbre complexité du jeu n'a rien perdu de sa superbe. En outre, il vous faudra être muni(e) d'un bon sens de l'orientation et d'une mémoire d'éléphant, car le jeu n'est nullement pourvu d'un quelconque indicateur de missions. Il faudra composer avec une minuscule boussole, de quoi consolider l'ambiance du jeu comme il se doit. Niveau difficulté, vous êtes prévenu(e) ! Notons tous de même la présence d'une sorte de vision d'aigle, toujours à la manière de Hitman, afin de vous aiguiller un peu. Comme expliqué précédemment, Alekhine's Gun est certes très riche et généreux, mais il faut également prendre en compte l'aspect "brut de décoffrage".

Le revers de la médaille

Pour un jeu prévu il y a 6 ans, il correspond à peu près aux critères graphiques de l'époque. Ne nous voilons pas la face, le jeu est laid : les animations sont d'une raideur sans nom, les textures sont fades et en basses résolution, l'écran donne l'impression de dégobiller de partout... Il faut également composer avec quelques bugs plus ou moins gênants. Un des plus fréquents rencontrés durant les sessions de jeu amenait le personnage à faire corps avec le décor. Pas d'infiltration parfaite ici, mais plutôt une fâcheuse tendance à voir littéralement la moitié du personnage coincée dans le décor. Les bugs de collisions sont effectivement légion, et peuvent très souvent bloquer la progression, ce qui est très rageant dans un titre où chaque pas est savamment compté. C'est finalement assez dommage tant l'univers dépeint par le studio est sympathique, surtout pour les joueurs qui apprécient l'histoire (particulièrement la qualité du scénario allemand) des régimes totalitaires et de la guerre froide. Même si le scénario n'est clairement pas exceptionnel, à l'instar des autres épisodes de Death to Spies, la reconstitution historique vaut son pesant de cacahuètes. On arrive par ailleurs au seul défaut n'ayant pas de penchant positif : cette fichue traduction française. Sérieusement, on ne saura que vous recommander d'opter pour l'anglais d'origine. La VF est catastrophique : mélangeant du français à la syntaxe massacrée avec de l'anglais, elle donne un aspect risible à chacune des scènes. Allez, à la rigueur, si vous voulez vous taper une belle tranche de rire entre chaque mission, vous pouvez tenter le coup. Mais sinon...