Pratique répandue dans le milieu du jeu japonais, le cross-over entre licences fructueuses fait figure de curiosité chez nous. Croisement improbable de plusieurs univers opposés comme seul le japon sait le faire, Project X Zone 2 nous fait l’honneur d’une sortie européenne quelques mois après sa sortie japonaise pour nous présenter ses nombreux héros réunis pour sauver le monde, tactiquement parlant.
Une histoire de zone 2
Project X Zone 2 est le deuxième volet d’une série initiée en 2012 sur Nintendo 3DS. Premier titre de la série à bénéficier d’une localisation française, le jeu est développé par le studio japonais Monolith Soft (Xenosaga, Xenoblade), et édité par Bandai Namco.
Tout comme son aîné, PXZ2 se présente comme un tactical RPG, cross-over entre une trentaine de licences issues des univers Sega, Capcom, Bandai Namco et maintenant Nintendo. Réunissant plus de cinquante personnages issus de séries aussi variées que Resident Evil, Tekken, Shenmue, Fire Emblem, Phoenix Wright et tant d’autres, le jeu puise dans le panthéon vidéoludique japonais à foison, même si certains grands absents sont toujours à noter. Un fan service qui fait partie de l’expérience prodiguée par le développeur de Xenoblade.
Le jeu met en place de maigres justifications scénaristiques pour donner corps à ces associations improbables entre personnages de jeux vidéo. Alors qu’une société secrète cherche à précipiter le monde dans le chaos, une autre réunit des héros à travers les âges pour le sauver. On vous laisse deviner quel est votre camp. Assumant son aspect secondaire, le scénario remplit son rôle de liant pour laisser s‘exprimer un gameplay plus riche qu’il n’y paraît au premier regard. Les dialogues assez bavards qui introduisent et concluent les batailles rappellent le joueur distrait aux enjeux de l’histoire, mais sont surtout l’occasion d’introduire de nombreuses références et d’exploiter au maximum les interactions entre personnages.
En effet le jeu regorge de petits clins d’oeil plus ou moins évidents à dénicher et d’interactions improbables entre les personnages : difficile par exemple de ne pas esquisser un sourire lorsqu’un héros s’exclame « Elle a de sacrés cuissots ! » à propos de Chun-li (Street Fighter V), ou de voir Morrigan (Darkstalkers) enchanter le collier de Maya (Phoenix Wright) pour lui permettre d’affronter les démons à mains nues. Des interactions qui surprennent agréablement, les personnages n’hésitant pas à se jauger, se moquer, les allusions à double sens ne manquant pas pour amuser le joueur. Fort heureusement, il est possible d’accélérer, de passer, voire même de supprimer une partie des échanges verbeux entre unités pour les joueurs préférant aller à l’essentiel, le jeu en lui-même.
Un gameplay tactique…
Après un prologue destiné à enseigner les bases, les parties s'enchaînent sur un nombre impressionnant de niveaux, introduisant à chaque séquence de nouveaux personnages venant gonfler les effectifs du joueur pour les (nombreuses) batailles à venir. Celles-ci alternent entre phase tactique (en vue isométrique) et phase d’affrontement (en vue de côté), qu’il faudra réaliser l’une après l’autre pour chaque unité avant de passer à la suivante, et ainsi de suite jusqu’à la fin du tour.
Soumise à des mouvements de caméra un peu trop brusques lors du tour ennemi et à quelques longueurs liées à la dispersion des unités sur le large champ de bataille, la partie tactique permet d’apprécier la globalité du champ de bataille et de mouvoir ses troupes tandis que l’écran inférieur affiche uniquement les statistiques de l’unité ciblée.
Cette phase repose sur des principes de positionnement valables pour toutes les unités, alliées comme ennemies : porter un coup à l’arrière ou sur le côté pour bénéficier d’un bonus de dégâts ou lancer une attaque de soutien prodiguée par un allié adjacent font partie des règles à connaître pour rester en vie en préparant efficacement le terrain pour la phase de combat.
…aux synergies subtiles
Une fois l’attaque lancée, le jeu adopte une vue de côté présentant des sprites plus détaillés, la notion de timing venant dynamiser l’expérience de jeu. Le joueur dispose d'un minimun de trois attaques qu’il faut déclencher au bon moment via des commandes simples pour empêcher l’ennemi de retomber au sol et allonger le combo. Si le système paraît simpliste et que les premières escarmouches sont faisables sans prêter particulièrement attention au rythme des attaques, l’optimisation devient vite nécessaire pour venir à bout des ennemis les plus coriaces dans les meilleures conditions.
Chaque unité est composée d’un duo de héros fixé par le jeu (Virgile et Dante de Devil May Cry par exemple) formant une unité indivisible sur le champ de bataille, associé à un troisième personnage choisi par le joueur (unité solo) pour renforcer le groupe. C’est donc au joueur qu’il revient de spécialiser judicieusement les unités en formant des groupes aux synergies complémentaires. Des slots d’équipement pouvant accueillir objets défensifs et offensifs viennent enrichir un système de personnalisation permettant de composer des équipes variées au fur et à mesure que de nouvelles têtes rejoignent le panel d’unités.
A cela se rajoute une attaque spéciale aux dégâts dévastateurs propre à chaque duo, et une attaque de soutien contextuellement accessible en fonction des unités adjacentes en vue tactique. De quoi maximiser les dégâts causés lors d’un seul combat.
Chaque duo/trio possède ainsi son propre lot d’enchaînements aux animations spécifiques qu’il vaut mieux connaître pour en tirer le plein potentiel. Inutile de lancer une attaque qui commence par le bas tout de suite après une projection sous peine de voir les premiers coups de l’enchaînement frapper irrémédiablement dans le vide.
Néanmoins, le système prône également la retenue et la recherche d’un équilibre entre puissance brute et efficience. En effet, s’il est recommandé de balancer le maximum de techniques sur les gros ennemis, il est inutile de faire de même sur les petites frappes. Le jeu encourage à planifier ses séquences et à penser à moyen plutôt qu’à court terme car les coups non utilisés lors d’un affrontement seront plus puissants lors du suivant. Sans compter le temps nécessaire pour remplir la précieuse jauge de Spécial via des attaques réussies.
Multipliant les possibilités au fil des missions (capacité d’annuler une attaque, multi-attaques dévastatrices, etc.), le système révèle ses subtilités au joueur confirmé tout en restant accessible pour un joueur occasionnel préférant simplement profiter des superbes animations de combat en expérimentant des combinaisons de héros inédites.
Un visuel sans prise de risque
Visuellement, le jeu s’en tire avec les honneurs et gagne en finesse par rapport au premier volet, même si la claque visuelle n’est pas toujours au rendez-vous. Les différents personnages sont harmonisés dans un style généraliste qui, à défaut d’être original, fonctionne très bien. Les personnages se côtoient sans mal à l’écran mais gardent leurs caractères propres, montrant que les graphistes de Monolith Soft ont su garder l’équilibre entre respect des licences et intégration à l’univers commun du jeu.
Les sprites « super deformed » de la vue tactique sont intégrés dans des environnements 3D permettant quelques effets de mise en scène mais surtout de pivoter la caméra durant les phases de positionnement, un ajout attendu et appréciable en termes de lisibilité, même si l’action reste quelque peu confuse lorsque beaucoup d’unités occupent un espace restreint.
Quant aux phases de combats, les animations des attaques sont très dynamiques et c’est un plaisir de déchaîner une déferlante de coup croisés pour envoyer valser son ennemi dans les airs. Un dynamisme encore accentué par des séquences animées en gros plan d’excellente qualité ponctuant certaines attaques particulièrement puissantes. Marquant le summum des affrontements, elles servent autant de récompenses pour le joueur que d’outil de mise en scène ultra efficace, même si elles se révèlent répétitives avec le temps.
Un rythme plombé par une interface inadaptée
Une répétitivité qui compte parmi les défauts d’un jeu qui peine à renouveler ses affrontements autrement qu’en modifiant ses combattants. La faute à des ennemis au comportement prévisible et manquant de variété, couplé à un manque de diversité dans les arènes. Si certaines se détachent par une mise en scène liée au gameplay (nombre limité de tours, interrupteurs dévoilant le terrain au cours de la bataille, etc.), on trouve généralement quelques pièges, coffres, objets destructibles, ainsi qu’une gestion sommaire de la verticalité (le vol, les plateformes en escalier).
Ces éléments, s’ils ont le mérite d’être présents, échouent à réellement faire du terrain un levier incontournable des mécanismes du jeu pour au pire en faire un élément frustrant lorsque de petits espaces se conjuguent avec de nombreux pièges et unités à l’écran.
De plus, la progression est relativement lente, le jeu débloquant fonctionnalités (améliorations, boutique, etc.) et nouveaux héros au compte-goutte. Une progression artificiellement ralentie qui porte préjudice au rythme de l’aventure, même si elle permet d’introduire les éléments un à un.
Au nombre des imperfections, on compte également une interface inadaptée dans un jeu qui comporte beaucoup de menus. L’écran tactile n’est pas réellement mis à profit durant les phases de jeu (il est même impossible de passer les dialogues au stylet), et on est loin de la simplicité d’utilisation que suppose la console de Nintendo, notamment en ce qui concerne la gestion des nombreux héros de l’aventure.
Le menu intermédiaire permettant de composer son groupe, d’améliorer ses duos et de les équiper entre les missions est austère, rigide, et ne brille pas par sa simplicité en multipliant les sous-menus au risque de rebuter les joueurs à la recherche d’une expérience accessible.
Un tort dommageable pour un menu qui donne accès à des fonctions essentielles du jeu avec lesquelles le joueur doit composer en permanence. Un exemple parlant : il est impossible d’utiliser le drag & drop du stylet pour réaliser des actions courantes telles que déplacer une unité solo d’un groupe à l’autre. Les comparaisons de statistiques ou d’équipement sont aussi rendues fastidieuses pour qui souhaite optimiser chaque unité dans les moindres détails. Cependant et malgré ses défauts, Project X Zone 2 apporte suffisamment de nouveautés pour se laisser apprécier et rafraîchir l’expérience de son prédécesseur sorti en 2012.
Un casting cinq étoiles
Points forts
- Beaucoup de personnages aux interactions réussies
- Un gameplay aux synergies efficaces
- Une gestion dynamique et originale des combats
- Une durée de vie importante…
Points faibles
- Une interface qui ne tire pas partie de la console
- Des situations de jeu répétitives
- Une progression trop lente desservant le rythme du jeu
- …artificiellement allongée
A condition de faire l’impasse sur son interface d’un autre âge et sur sa répétitivité, Project X Zone 2 consolide la formule de son aîné et ravira les amateurs avec son gameplay tactique répondant à ses phases de combat dynamiques. Si vous êtes à la recherche d’un successeur spirituel à Advance Wars et que la profusion de personnages et de références vous laissent de marbre, passez votre chemin pour d’autres titres tactiques
tels que SteamWorld Heist ou Code Name S.T.E.A.M. Si vous êtes sensible aux univers évoqués et que ses menus défauts ne vous rebutent pas, foncez ! En conclusion Project X Zone 2 est un titre honnête qui assume son expérience destinée avant tout à des joueurs aussi passionnés que ses développeurs pour le jeu vidéo japonais.