Tous ceux d’entre vous qui ont eu le plaisir de s’essayer à Shadowrun Returns le savent, les petites mains de Harebrained Schemes ont su se saisir du jeu de rôle culte avec brio. En proposant des aventures rendant un fier hommage à l’univers cyberpunk délicieusement glauque et des dialogues aussi bien écrits qu’interminables, le studio de Seattle ne s’est pas trompé de cible. Ce sont surtout les amateurs de cRPG à l’ancienne qu’ils visent et qui le leur rendent bien. En effet, Harebrained Schemes a pris l’habitude de faire financer ses projets par Kickstarter et alors que Shadowrun Hong Kong ne demandait que 100.000 dollars, ce ne sont finalement pas moins de 1,2 millions de dollars qui ont été récoltés. Avec cette manne financière offerte par une communauté de fans dévoués, les développeurs ont pu travailler à offrir de très nombreux suppléments pour ce troisième opus qui se livre enfin à nous.
Un scénario assez cliché pour une écriture fraîche
Nous sommes en 2056, dans l’univers si particulier de Shadowrun ayant vu la magie s’éveiller à nouveau et donner naissance à diverses races habituellement réservées à l’Héroic Fantasy. À vous de choisir si vous voulez incarner un humain, un elfe, un nain, un orc ou un troll, afin de vivre l’aventure à votre façon. Une aventure qui commence avec un message quelque peu inquiétant de votre père adoptif qui vous demande de venir le rejoindre à Hong Kong de toute urgence. Vous débarquez donc dans le port de la cité chinoise où vous attend votre frère. Mais les retrouvailles seront vites interrompues par une attaque inattendue… Quelqu’un vous veut du mal !
Vos premiers combats commencent alors. Sur ce point, nous ne noterons finalement aucun changement par rapport aux précédents opus. Armes, magie et dispositifs technologiques sont toujours de la partie dans ce système de combat au tour par tour en 3D isométrique. Rapidement, vous et votre frère qui êtes pourtant droits dans vos baskets vous retrouvez recherchés par la police pour terrorisme. Qui vous en veut ? C’est bien la question. Vers qui se tourner ? Personne, votre papa adoptif est "étrangement" introuvable et les seules énergumènes que vous ayez rencontré sont deux voyous nommées Is0bel et Gobbet. Et tandis que la douce odeur du cliché chatouille vos narines, vous comprenez que vous serez obligés de faire équipe avec ce duo peu fréquentable. Il faudra se faire très discret afin d’éviter que les forces de l’ordre ne vous retrouvent et vos nouvelles amies savent justement comment faire…
Vous devenez un Shadowrunner, une de ces petites frappes issues des bas-fonds crasseux de ce Hong-Kong futuriste, mêlant drogues, technologie et pègre. En parallèle des tâches peu ragoutantes que vous pourrez sélectionner sur votre PC puis mener à votre guise, une énigme servira de fil rouge à votre aventure. Il vous faudra retrouver père qui semble avoir disparu dans des circonstances plutôt étranges. Vous rencontrerez ainsi divers personnages avec qui vous pourrez entamer des dialogues plutôt bien écrits pour peu que vous compreniez bien l’anglais. Notons tout de même qu’il faut être (très) patient pour réussir à avaler les heures de discussions souvent interminables. Que celui qui n’a pas bourriné une seule fois le bouton « suivant » me jette la pierre. Finalement, s’il faut reconnaitre que les conversations ont l’air d’avoir nécessité beaucoup de travail, on ne peut pas vraiment en dire autant de l’intrigue générale du jeu qui fleure bon le déjà-vu.
Un univers richement fourni
Bon point du côté des quêtes secondaires que l’on ne peut pas accuser du même mal, tant leur écriture est réussie et souvent prenante. Certaines d’entre elles vous feront presque regretter de revenir à l’aventure principale une fois que vous en serez venu à bout, de la façon qui vous convient le mieux. Les petits gars de Harebrained Schemes ont fournis un véritable effort, nous avons le choix des armes : discussion, hacking, ou coup de mitrailleuse dans la face… Bref, il y a un très grand nombre de possibilités pour terminer vos missions et c’est très appréciable.
La patte graphique des designers est aussi très agréable avec des décors arborant un style très artwork, très authentique. Malgré une palette de couleurs plutôt large étant donné son style sombre, la mégalopole chinoise nous emporte dans son ambiance glauque et annonciatrice de dangers. Il ne sera pas rare de tomber sur une bande de criminels cachée dans un coin et qui vous proposera du Kamikaze ou autre drogue obtenue de manière plutôt douteuse.
Terminons par les personnages qui se révèlent plutôt inégaux. Certains vous marquerons, tandis que d’autres sortiront de votre tête aussi vite que de l’écran. Encore une fois le studio a soigné les dialogues afin de laisser deviner l’origine et la condition sociale de chaque personne rencontrée en fonction de sa façon de s’exprimer. Le background de certains personnages est également très fouillé et certaines histoires vous feront réellement ressentir de l’empathie ou de la haine, un point important pour une adaptation de jeu de rôle.
Pourquoi changer une équipe qui gagne ? – Le gameplay
Si vous avez aimé Shadowrun : Returns, alors vous serez comblés ! Ce nouvel opus n’est clairement pas généreux en termes de nouveautés et ce n’est pas le gameplay qui vous fera dire le contraire. À peu de choses près, il s’agit d’un simple réchauffage. Reste que cela fait mouche une nouvelle fois avec des combats intenses et stratégiques qui ne devraient pas effrayer les amateurs de XCOM. Au contraire même, la relative facilité du titre reste plutôt décevante pour un jeu possédant un système de combat qui permet autant de combinaisons stratégiques. La méthode bourrine se révèle bien souvent parfaitement efficace, alors pour quoi se s’embêter à réfléchir ? Ajoutez à cela des ennemis qui font la plupart du temps des choix étranges et vous n’avez plus à calculer grand-chose pour écraser vos adversaires.
Lorsque c’est votre tour, vous devez assigner des actions à votre troupe de personnages qui peuvent se déplacer sur une grille pour atteindre ou attaquer un adversaire, se protéger derrière un élément du décor… C’est donc ici qu’intervient le côté stratégique, puisqu’à la manière d’un jeu d’échec, il vous faudra déplacer vos personnages intelligemment en exploitant au mieux le nombre de points d’action disponibles. Un petit bémol concernant l’accessibilité de ce système, le titre ne pense pas vraiment aux néophytes du genre qui pourraient bien se retrouver un peu perdus, même si nous pouvons toujours compter sur un manuel accessible en permanence.
Lors de la création de votre personnage, vous pourrez choisir parmi six classes et de nombreuses compétences améliorables au fur et à mesure de votre progression. Notons au passage que les aptitudes ne sont plus dépendantes des classes, ce qui laisse une grande liberté d’évolution à votre avatar. Pour cet opus, les spécialisations se montrent moins intéressantes qu’auparavant puisqu’il ne sera, par exemple, pas nécessaire de posséder un personnage passé maître dans l’art du hacking pour réussir à pirater un terminal informatique. Comprenez par-là que les exigences ont été revues à la baisse lorsqu’il s’agit de passer des défis liés aux compétences. Ce changement plaira certainement aux débutants, mais risque de rebuter un peu les joueurs plus expérimentés. Combinez tous ces points et vous avez l’impression que Shadowrun Hong Kong essaye, un peu maladroitement, de s’ouvrir aux néophytes. La difficulté n’étant pas forcément le point le plus complexe de la série.
Finissons par la Matrix, sorte de mini jeu d’infiltration qui vous permet de pirater des ordinateurs. Le studio Harebrained Schemes semble avoir bien entendu les retours plutôt mitigés des joueurs et propose donc une version revue et corrigée de ce système. Si l’action y est plus dynamique et la patte graphique bien plus agréable à l’œil, je me serais personnellement passé de cette activité quelque peu laborieuse, même s’il faut reconnaître qu’il s’agit d’une représentation assez maline d’un hack.
Gaming Live de Shadowrun Hong Kong
Points forts
- Un univers d'une grande richesse
- Des environnements très agréables à l'oeil
- Le système de combat est toujours aussi efficace
- Des quêtes secondaires prenantes et bien écrites
Points faibles
- Un scénario assez cliché
- Très pauvre en nouveautés
- Pourquoi avoir baissé la difficulté ?
- Entièrement en anglais
Le contrat est rempli, ce nouveau Shadowrun saura satisfaire ses fans au nombre grandissant. On comprend d’ailleurs rapidement que Harebrained Schemes a souhaité satisfaire sa communauté en gardant les mêmes mécaniques qui plaisent tant aux amateurs de cRPG. C’est donc tout logiquement que cet opus se concentre surtout à proposer une nouvelle aventure et même si elle se révèle assez cliché, les quêtes secondaires passionnantes qui l’accompagnent viennent relever un peu le niveau. Aussi agréables à admirer qu’à parcourir, les rues malfamées de Hong-Kong seront le terrain de nombreux combats sont toujours aussi intenses et dynamiques. Mais "Toujours" est justement le mot dont on pourrait déplorer le plus l’apparition ici. Shadowrun Hong Kong ne prend pas de risques et même s’il s’agit sûrement de l’épisode le plus abouti de la série, il ne faudrait pas que les développeurs se reposent trop sur leurs acquis.