Depuis quelques années, le phénomène World of Tanks anime la passion des tankistes, ces amateurs de belles carrosseries blindées faisant le bonheur de Wargaming. Le studio biélorusse a d’ailleurs décliné sa formule à différentes sauces, aérienne déjà avec World of Waplanes et désormais navales avec World of Warships. Cuirassés, destroyers, croiseurs et portes-avions, font parler du gouvernail pour en découdre en pleine mer dans des affrontements à grande échelle. Toujours proposé suivant l’habituel format free-to-play du studio, le titre conserve sa philosophie de progression libre accompagnée d’achats en jeu optionnels au service du gain de temps. Après quelques mois de bêta test, World of Warships est désormais disponible sur PC. C’est donc tout naturellement l’heure de son test.
Ohé du bateau !
World of Warships propose au joueur de contrôler plus de 85 navires de guerre issus de la période de la Seconde Guerre mondiale et des flottes Américaines, Japonaises ainsi que deux vaisseaux Russes sur modèle premium. Le développeur prévoit - à terme - d’intégrer d’autres nations comme l'Allemagne, la France, la Grande-Bretagne ou encore l'Italie. Comme toujours dans les jeux Wargaming, il se dégage de l’ensemble une certaine rigueur historique dans la représentation des navires et leur background. Chaque vaisseau est en ce sens accompagné d’un descriptif détaillé de ses caractéristiques techniques et de son histoire réelle. Les amateurs de modélisme et autres férus d’Histoire militaire navale devraient donc prendre un réel plaisir à admirer la modélisation de navires de légende comme le Bismarck, le japonais Yamato ou encore l’Essex. Reconstitués à partir de plans d’époque, les engins de guerre maritime sont tous parés à se livrer des batailles épiques en pleine mer pour gagner de l’expérience, améliorer leur technologie et couler leurs opposants.
Les habitués des jeux Wargaming devraient se sentir ici en océan conquis. On crée un compte, on télécharge le jeu et on se connecte pour débarquer sur l’interface principale du titre, un port où l’on pourra choisir son navire, l’inspecter et le faire évoluer. Deux options s’offrent à nous pour se lancer dans la bataille, l’affrontement en équipe contre des bots ou en équipe contre d’autres joueurs, choisis selon le tiers de leur navire (du niveau un au dix). L’objectif de chaque bataille est plutôt simple, couler tous les vaisseaux adversaires ou jouer la capture de points sur 16 cartes aux paysages distinctifs.
À toute vapeur
World of Warships reprend le format classique des licences Wargaming, deux équipes de 12 joueurs entrent en affrontement direct sur une vaste carte au périmètre toutefois délimité par des balises. Première particularité du jeu lié à son cadre maritime, le théâtre des affrontements offre bien moins d’emplacements où se planquer pour tendre des embuscades que son homologue pour tankistes. Il s’agira ici avant tout de positionner correctement son navire pour s’offrir une bonne fenêtre de tir tout en s’assurant de ne pas trop s’exposer aux représailles ennemies. Plus que jamais le jeu en équipe est important car nos vaisseaux de guerre sont assez lents, vulnérables et difficiles à manoeuvrer.
On les contrôle grâce à une caméra en vue de dessus qui offre un aperçu de notre navire et de l’horizon. Il est toutefois possible de zoomer pour ajuster ses tirs et ainsi vivre l’action au plus près. À la manière des autres World of, le maniement compliqué des engins de guerre est ici largement facilité par les contrôles du jeu. On devra simplement gérer l'accélération, et les manoeuvres à bâbord ou à tribord. Le système de direction est simple à prendre en main même pour le joueur débutant. Déplacements via les touches ZQSD du clavier secondés par la possibilité de planifier automatiquement une route via un tracé sur la carte stratégique du jeu. Cette fonctionnalité permet de se concentrer sur ses tirs plutôt que sur son jeu au gouvernail. Vitesse et trajectoires latérales peuvent elle aussi être verrouillées et laissées au second plan de nos priorités pour nous laisser le champ libre à la visée aux canons.
La classe américaine
Les batailles font s’affronter quatre classes de navires : les cuirassés, les destroyers, les croiseurs et les porte-avions. Si les trois premières partagent la même philosophie de contrôle avec des rôles cependant bien différents, les porte-avions disposent quant à eux d’un gameplay tout à fait différent. Il s’agira ici de gérer les attaques de sa flotte aérienne sur la carte tactique du titre, une manière de changer assez radicalement la façon d’aborder le jeu. Chaque classe de navire répond à des spécificités de maniement mais surtout d’utilité en haute mer. Contrairement à World of Tanks où les véhicules légers restent souvent à l’arrière pour abattre leur cible à bout portant, les destroyers de World of Warships partent ici à l’avant grâce à leur vitesse et leur maniabilité. Ils sont certes peu blindés mais disposent d’une grande puissance de feu et de torpilles dévastatrices si bien placées. Les cuirassés sont de leur côté les gros attaquants du jeu, leur inertie élevée rend leur changement de cap difficiles, mais leurs multiples canons sont capables d’infliger de lourds dégâts aux blindages ennemis. Les croiseurs représentent la classe équilibrée, ils sont maniables, disposent d’une bonne défense antiaérienne couplée à une cadence de tir élevée, c’est le navire de soutien par excellence.
Le porte-avions s’adresse quant à lui à des joueurs privilégiant le soutien aérien aux belles manoeuvres de gouvernail. Assez indépendant, il est un outil extrêmement puissant pour quiconque sait s’en servir. Lors de son contrôle, la vue par défaut du jeu se fixe sur la carte tactique à la façon d’un RTS simplifié. On y choisi alors quel type d’avion envoyer au combat entre des bombardiers, des chasseurs ou des bombardiers-torpilleurs. Nos unités volantes remplissent plusieurs rôles sur la carte, défendre nos alliés contre les avions ennemis, faire du repérage, escorter les troupes et bien sûr bombarder ou lâcher quelques torpilles sur les navires adverses. On aura tendance à jouer les porte-avions depuis le bord des cartes afin de se mettre à l’abri des autres vaisseaux. Assez rapides une fois lancés, ils sont pas contre peu maniables ce qui forcera le joueur à toujours scruter les alentours pour éviter les affrontements directs.
À l’usage, la vue tactique offerte par cette classe de navire offre une variation agréable de gameplay. Le système manque toutefois un peu de profondeur, les escadrons antiaérien ne peuvent pas briser leur formation et les contrôles d’attaques des avions sont assez rudimentaires. Il est de plus dommage de se retrouver plongé tout le long d’une partie dans une vue tactique alors qu’une bonne partie du plaisir de World of Warships réside dans l’intensité visuelle des batailles. Ce style de jeu est donc réservé à une certaine catégorie de joueurs.
À la bataille mille milliards de mille sabords !
Comme précisé un peu plus haut, diriger son vaisseau demande réactivité et prévision des trajectoires. On ne pilote pas un navire de guerre de plus de 50 tonnes comme on conduit une Twingo sur un parking, les manoeuvres sont lentes et les changements de cap amples. La planification des actions est donc primordiale. D’autant plus qu’on ne mesure plus la distance des affrontements en mètres, mais en kilomètres. Pour toucher sa cible, il faut donc à la fois anticiper sa trajectoire, prendre en compte l’orientation de nos canons embarqués et jauger la courbe de nos tirs, non rectiligne pour la plupart.
Car manquer son tir signifie ici perdre de nombreuses secondes à recharger son armement embarqué. Si le jeu ne verse pas totalement dans l’arcade, il trouve un bon compromis entre prise en main intuitive et exigence réaliste des joutes navales avec un système avancé de destruction basé sur l'angle de tir, la distance, le type de munitions utilisé ainsi que les statistiques des navires. Ce n'est pas un, mais parfois plus de huit canons qu'il faudra gérer en même temps, tous répondant à des vitesses de rotation et des angles morts spécifiques. Notez aussi qu'un gros travail a été apporté à la gestion des dégâts sur les vaisseaux. En plus de leur représentation visuelle, les incendies ou autres avaries à bord ont des conséquences directes sur les performances des navires.
Chaque bâtiment dispose de quelques capacités associées à des raccourcis clavier. Sélection du type de munition (explosives ou perçantes), torpilles, fumigènes etc. Tous les bâteaux sont aussi dotés d’un équipage - malheureusement invisible à l’écran - qui pourra se charger d’éteindre les incendies et de rafistoler quelques dégâts avec toutefois un temps de rechargement afin d’éviter les abus de réparation. Quoi qu’il en soit, un mauvais placement, un angle mort avec ses canons et la punition surviendra très vite. Car tous blindés qu’ils soient, nos navires disposent de faiblesses spécifiques, ce sera parfois sur leur pont, leur barbette ou leur ceinture. La tactique de groupe est donc essentielle pour décrocher la victoire et éviter de couler en quelques minutes seulement. Pour cela, les cartes marines sont toutes dotées d’îlots faisant office de couverture pour préparer quelques embuscades bien senties.
À plus haut tiers, les navires sont capables d’atteindre des cibles éloignées de plus de 20 kilomètres de distance ; à ce niveau un bateau ennemi n’est souvent pas plus grand qu’une simple forme à l’horizon. Si le danger est déjà palpable à longue portée, il devient critique dans les batailles plus rapprochées. Dans les configurations à moyenne portée, montrer ses flancs à une flottille adverse est toujours synonyme de gros dégâts potentiels. Une volée de torpilles bien placée ou un tir de cuirassé et les dégâts pleuvent. Une fois coulé, nul autre choix que de passer en mode spectateur pour le reste de la partie ou de revenir au port. Votre navire, lui, restera sur le champ de bataille, il faudra donc en sélectionner un autre pour se lancer dans un nouveau match. Si les serveurs ne souffrent pas de lag, le matchmaking nous fera parfois affronter des joueurs avec des navires de tiers parfois supérieur à ceux de notre équipe, frustrant lorsque l'on connait le gouffre qui sépare un niveau 3 d'un niveau 6 par exemple.
Découvrez nos extraits de gameplay en pleine bataille navale
Sailor d'améliorer sa flotte moussaillon
Comme dans les autres titres estampillés World of de Wargaming, la progression du joueur est gérée par toute une gamme d’améliorations à débloquer à la fois en déboursant la monnaie intégrée au jeu (que l’on gagne après chaque partie), mais aussi de l’argent bien réel. Entre les commandants à entraîner pour les doter d’améliorations passives pour leur navire, les recherches technologiques à lancer et les upgrade militaires de l’interface (technique et pointue comme un navire de guerre) le débutant aura de quoi se sentir un peu paumé tandis que l’amateur de beaux navires sera comblé. Surtout que rien n’est vraiment expliqué ici, pas du tuto moussaillon, la guerre ça s’apprend à la dure ! Heureusement, la progression free-to-play est tout de même graduelle et tout se débloque au fil des niveaux, ce qui nous laisse un peu de temps pour découvrir et comprendre chaque système en douceur. Jusqu’au rang 6, rien de particulier à signaler, un joueur assidu parviendra à se constituer un port équipé de quelques navires agréables à jouer et suffisamment améliorés pour briller dans les batailles de son niveau. C’est une fois ce niveau acquis que le système montre ses limites gratuites...
Jeu World of oblige, la progression se heurte à deux freins. Le premier est sa lenteur frustrante passé un certain cap accompagné - il en va de soi - par de nombreuses incitations à mettre la main au portefeuille pour accélérer les choses. C’est indéniable, jouer avec un beau navire de tiers supérieur est une expérience très agréable, la puissance de feu est là, le blindage meilleur et le nom souvent plus légendaire pour les aficionados de flottes militaires. Le problème, c’est que la plupart des joueurs ne mettront jamais la main sur ces navires grâce à leur simple progression en jeu. L’argent gagné en jeu a beau s’entasser assez rapidement grâce aux victoires et autres missions quotidiennes, il se dépense tout aussi vite. Acheter un navire, faire progresser ses recherches, réparer ses navires, entraîner ses capitaines, faire le plein de consommables, tout cela revient cher. Pour atteindre les sommets de façon gratuite, il faudra donc enchaîner les parties (plus de 1500 pour certains arbres technologiques), ce qui devrait en décourager plus d’un. C’est là qu’intervient le sauveur version Wargaming, l’abonnement Premium à 10 euros environ par mois (ou 80 euros à l’année). Il augmente de 50% vos gains d’expérience et de crédit lors des batailles, améliore plus vite vos capitaines, bref, il agit comme un booster à toute la progression du jeu. Ajoutez à cela quelques achats directs de navires premium via argent réel et vous obtenez un mécanisme que certains critiqueront pour sa trop grande orientation vers le payant.
Dire par contre que le système ruine l’équilibrage du jeu est moins évident. En effet, la progression par tiers vient réguler le matchmaking. Un joueur aura beau avoir dépensé des centaines d’euros dans une progression accélérée de son navire, il jouera la plupart du temps contre des joueurs expérimentés, aux navires presque équivalents et à l’expérience en haute mer sans doute plus affûtée. Quoi qu’il en soit, les bonus débloqués n’influent pas sur les matchs de façon aberrante, seuls certains bonus premium comme l’équipage de réparation disposant d’un cooldown réduit avantagera les joueurs payants. De parle le coût exponentiels des améliorations, les hauts tiers de World of Warships seront donc le domaine de l’abonné premium ou du passionné fortuné, dommage.
Beau comme un camion bateau
Les amateurs du genre seront particulièrement exigeants sur la modélisation des navires, car la fidélité historique est la pierre angulaire des licences Wargaming. World of et Warships ne déroge pas à la règle avec une bien jolie modélisation des navires. Les développeurs ont utilisé tout le matériel possible pour coller à la réalité : plans, photos, archives, visites de vaisseaux encore en état, la modélisation des quelques 85 navires démontre un degré d'exigence remarquable. Du plus petit rivet aux immenses plaques de rouilles habillant parfois certaines coques, le niveau de détail des bâtiments est à saluer. Les décors disposent de leur côté d’un rendu plutôt convaincant avec des effets d’éclairages réussis, des eaux réussies et des conditions météo variées.
Néanmoins, pas de tempêtes affectant la manoeuvrabilité des navires ou de brume réduisant notre distance de vue, le climat n’a pour le moment pas d’impact direct sur le gameplay. World of Warships dispose aussi de tout un tas d’options graphiques autorisant des configurations sous celles recommandées à faire tourner le jeu, avec un rendu moins beau et fluide toute de même. Quelques soucis sont tout de même à pointer du doigt : étranges blocs noirs apparaissant parfois sur la carte stratégique du jeu, chargement de textures tardif sur les navires, aliasing prononcé sur les cordages et, plus dérangeant, une tendance pour les bateaux éloignés à clignoter à l’écran.
Points forts
- Une flotte de plus de 85 navires à débloquer
- Des batailles navales réussies
- La stratégie d'équipe est bien mise en avant avec une vraie profondeur tactique
- Techniquement réussi
- La modélisation des navires, le souci du détail historique
Points faibles
- Progression du joueur fortement ralentie par le modèle économique du jeu
- Pas d'impact du climat sur les batailles
- Matchmaking parfois mal équilibré
- Quelques bugs (pop-in, chargement des textures)
Commander d'énormes navires de guerre aux noms légendaires aura de quoi griser les amateurs du genre. Avec World of Warships, Wargaming décline sa formule dans des batailles en haute mer avec d’un côté son savoir faire indéniable en matière de gameplay et de fidélité historique, et de l’autre son modèle économique free-to-play volontairement restrictif à plus hauts tiers. En eaux calmes depuis de nombreuses années, les amoureux de simulation de batailles navales devraient trouver ici de quoi assouvir leur passion avec un titre abouti, techniquement réussi et fun à plusieurs... À condition de ne pas être refroidis par son système de progression incitant à la dépense.