Ah, la série des Yakuza et moi, déjà des années que l'on s'entend bien. En plus d'avoir influencé le pseudo que j'utilise sur internet, ces jeux m'ont donné envie d'aller plus loin dans la découverte de la région nippone avec laquelle je n'étais pourtant pas si familiarisé. Depuis 2012, il n'est pas encore question de retrouver nos gangsters bad-ass dans la suite du 5e volet éponyme. Cette année, c'est l'occasion de les retrouver dans un préquel. Pour le meilleur ou pour le pire ? Je me propose de répondre la question car, SEGA ne s'est visiblement pas décidé à faire découvrir le jeu au public occidental de sitôt !
Ne parlant pas la langue japonaise et le jeu n'étant pas sorti ailleurs qu'en Asie, Yakuza Zero a été apprécié grâce à certaines traductions anglaises des membres du site Gamefaqs et du collectif Khhsubs.
Autant que je me souvienne, j'ai toujours rêvé d'être gangster
Tâche difficile qui échoue régulièrement dans les jeux-vidéo, Yakuza Zero s'offre donc le challenge osé de raconter l'histoire originale de deux de ses personnages principaux au passé de mafioso : Kazuma Kiryu, un charismatique et intelligent dur à cuire qu'on retrouvera dans tous les épisodes canoniques et Majima Goro, un anti-héros borgne au passé macabre que l'on retrouve principalement en tant qu'ennemi dans les premiers volets de la série. Et autant dire que les développeurs de la série s'en sont pris à cœur joie pour remporter ce pari risqué.
Comme dans la majorité des derniers volets de la série, Yakuza Zero permet de contrôler plusieurs personnages. Ainsi, à tour de rôle et tous les 2 chapitres, vous passerez d'un personnage à l'autre.L'histoire est toujours résumée grâce à son système de flashback inspirée des séries TV et permet de ne pas être perdu dans tout cette histoire de gangster.
En effet, Yakuza Zero se savoure comme un film de gangster japonais digne des œuvres filmographiques de Takeshi Kitano (parmi quelques-unes de ses créations les plus populaires comptez sur Sonatine, Mélodie Mortelle ou encore Aniki, mon frère). La mise en scène généralement lente et froide des cinématiques, composée sur les longs dialogues agressifs des mafieux japonais se fait toujours sans fausse note et permet ainsi de délivrer un scénario parmi les plus mémorables de la saga. Car, à bien des égards, le jeu parvient à se renouveler dans une recette qui avait déjà bien marché dans la majorité des volets de la série. Yakuza a toujours été une histoire de vengeance et de trahison procurant des émotions tant les personnages impliqués dans le conflit des yakuzas sont importants.
Dans ce volet, c'est une jeune femme aveugle qui vient s'imposer comme un des éléments centraux de ce conflit de mafiosos car elle se retrouve menacée et recherchée par différents clans. Entre kidnapping, tentatives de meurtres et autres complots sur mesure, nos deux amis interviennent dans l'histoire à chacun leur façon. Mais ce qu'on retiendra le plus de cette histoire, c'est qu'elle permet de donner une identité attachante à ces deux personnages, en plus d'être cohérente. On a d'abord la découverte d'un Kazuma impulsif et accablé par ses supérieurs, et d'un autre côté on assiste à la naissance d'un Majima au caractère borné et parfois incompris, qui n'oubliera jamais son âme de yakuza. S'il faut avoir un minimum d'intérêt pour le sujet, ces mafieux sont non moins fascinants et parviennent à transpirer d'originalité grâce à des situations et des twists narratifs assez bien trouvés mais qui tombent parfois dans la redite de la culture japonaise.
Pas de bras, pas de yakuza
D'épisode en épisode, SEGA ne s'est pas souvent montré très généreux en terme d'améliorations techniques ou graphiques. Alors que Yakuza Ishin était déjà un titre aux jolis graphismes fonctionnant à 60 FPS sur PlayStation 4, Yakuza Zero vient réitérer la chose toute en proposant une meilleure immersion. Ainsi, les villes (au nombre de deux) ont largement gagné en vie tant les PNJ ont été travaillés sur leurs dialogues, leurs mouvements, ou encore sur leur variété physique. C'est un point bon à signaler car il permet d'apprécier le décor à sa juste valeur ! Certes, les textures ne sont pas toujours folles, les characters models autres que les personnages principaux semblent un peu limités, et d'autres détails comme la végétation passent à la trappe... mais le jeu reste quand même très beau et surtout très fluide. Toutes les animations et effets dynamiques propres au design japonais marchent vraiment bien, tout particulièrement dans les mini-jeux ou les scènes de combat survitaminées et remplies d'effets sanglants.
Côté gameplay, le système de combat n'a pas beaucoup bougé tout en étant maîtrisé. En l'occurrence il est à noter qu'il y a eu des efforts sur les affrontements pour les rendre toujours plus variés. En parfaite corrélation avec leur situation, chaque personnage dispose désormais de 4 styles de combat différents, dont le dernier est à débloquer plus tard après avoir fini l'histoire. Tout d'abord, on a Kazuma avec son style traditionnel, son autre "street" permettant de boxer et de faire de vives esquives ainsi que son style "sumo" permettant d'interagir et de se battre avec toutes sortes d'objets lourds situés dans la zone de combat. De son côté Majima peut se battre avec un style de danse capoeira japonaise, mais aussi avec son style inspiré de la "boxe de l'homme ivre", et encore de son style brutasse avec une batte de baseball à la main. Tout cela permet ainsi un nombre impressionnant d'éxecutions et d'attaques spéciales, puisque au cas où vous ne le sauriez pas, les Yakuzas proposent à leurs protagonistes une barre de "Heat" permettant d'exécuter des grosses attaques mises en scène de manière brutale. Il est également possible d'acheter de dizaines d'armes à feu ou d'armes blanches pour bien s'équiper dans les combats les plus durs.
Les Eighties nippones
Autre caractéristique majeure de ce volet qui en construit sa direction artistique et son ambiance unique, c'est le contexte historique. Véritable voyage dans le Japon de la fin des années 80', le jeu permet de vivre une époque qui avait du charme et qui n'avait, à ma connaissance, jamais été proposé dans un AAA japonais. Ce choix n'est pas anodin dans l'histoire des personnages puisque c'est à cette époque que la plupart des plus grandes organisations criminelles sont à leur apogée. On va donc pouvoir compter sur une chouette ambiance de nightclub et de jolies japonaises aux robes courtes, avec l'argent qui coule à flot à tout les coins de rue et les méchants yakuzas qui viennent faire régner la loi. Ce qu'on peut constater aussi, c'est qu'à cette époque les japonais sont quand même déjà de sacrés pervers...
En intéragissant avec les magasins et les jeux vous pouvez ainsi participer à des mini-jeux qui regorgent d'humour douteux typiquement japonais : entre les masturbations dans les clubs vidéos, les danses extravagantes aux nightclubs et les appels au téléphone rose, autant vous dire que vous n'êtes pas au bout de vos surprises et que vous risquez de passer d'étranges mais sympathiques moments qui ont pris la peine d'être complètement imaginés à l'effigie de cet épisode de la série. Mais les mini-jeux ne s'arrêtent pas juste à ça, puisque de manière on ne peut plus fidèle à Shenmue, il est possible de rejouer à des classiques de SEGA comme OutRun (1986) ou Space Harrier (1985). C'est d'ailleurs une aubaine de voir que l'émulation de ces jeux est encore meilleure que les adaptations habituellement vues sur les plate-formes dématérialisées.
On pourra enfin compter sur d'autres activités nécessitant d'être plus approfondies pour le joueur. Il y a le "Money Island" permettant à Kazuma de gérer l'immobillier de la ville, ce qui est une première dans la série de voir un système d'investissemment financière pour les Yakuzas. Ce mode représente typiquement le fonctionnement d'une des grandes sources de financement des yakuzas à cette époque. Majima s'occupe de bars à hôtesses et doit gérer les hôtesses face aux clients. Tout cela sans compter le traditionnel mode tournoi permettant d'affronter de nombreux et variés ennemis dans une arène. Mais également un nouveau venu qui est le catch féminin, un mode — malheureusement — plus agréable pour les mirettes qu'à jouer au pad.
Points forts
- Scénario bien rôdé...
- Des tonnes de choses annexes
- Histoire et narration qui revient aux sources
- Cinématiques toujours aussi jolies
- Système de combat jouissif et très complet
- Durée de vie de 20 heures pour la quête principale
- Ambiance originale et très bien retranscrie
Points faibles
- ...mais aux twists parfois trop classiques
- Enchaînement des niveaux un brin répétitif et trop vieille école
Véritable hommage et préquel à la franchise, Yakuza Zero : The Place of Oath est un volet toujours plus jouissif, à la narration bien rythmée et au contenu dantesque. Si l'on peut reprocher aux développeurs un manque d'audace notamment sur le game-design trop old-school pour dynamiser les niveaux principaux du jeu, le plaisir se fait ressentir en parcourant un Japon enseveli d'éléments des années 1980. De plus, avec son histoire forte et fidèle à la génèse de la série, le jeu devient inévitablement un pas obligatoire pour pouvoir profiter pleinement de cette franchise. Un titre idéal à découvrir sans plus attendre pour les fans de la saga tout comme pour les non connaisseurs ! Le jeu confirme que SEGA détient probablement une de ses meilleures licences.