Sortir un spin-off de Danganronpa orienté TPS, il fallait oser ! La série étant plutôt connue pour son caractère de visual novel déjanté, on ne l'attendait pas forcément sur ce créneau-là, et le compromis adopté risque d'ailleurs de diviser les puristes. Mais voyons tout de suite quels délires improbables sont encore allés imaginer les concepteurs diaboliques de Danganronpa : Another Episode – Ultra Despair Girls.
Vidéo-test de Danganronpa : Another Episode – Ultra Despair Girls
Bien qu'extrêmement bavard, le prologue de Danganronpa : Another Episode - Ultra Despair Girls a le mérite de nous interpeller d'entrée de jeu. On y découvre une certaine Komaru Naegi, présentée d'emblée comme la frangine d'un personnage bien connu des fans de la série, enfermée depuis un an et demi dans un appartement de Towa City et très logiquement au bord du désespoir. Mais soudain, la porte s'ouvre vers ce qu'elle espère être la délivrance... sauf que c'est un ours psychopathe qui en sort dans le seul et unique but de la tuer ! En proie à la panique la plus totale, la jeune fille court désespérément pour tenter d'échapper aux griffes de ce Monokuma, avant d'être sauvée in extremis par Byakuya Togami et son équipe, informés de la situation par la Future Fondation.
Là encore, mieux vaut avoir au moins terminé le premier Danganronpa pour apprécier les rebondissements de l'intrigue, celle-ci faisant régulièrement intervenir des protagonistes clefs dans la série, sans parler des références au contexte narratif global de celle-ci. Mais revenons à nos péripéties. Byakuya Togami cède à Komaru Naegi le précieux Hacking Gun, une arme spéciale capable de venir à bout de ces ours tueurs qui se sont multipliés à travers toute la ville afin de massacrer ses habitants. Dans un style psychédélique cher à la franchise, les dépouilles des victimes sont mises en valeur par des couleurs fluos qui masquent très largement la dimension gore omniprésente dans le soft. Malgré tout, le jeu reste réservé à un public averti, le propos général étant parfois étonnamment dur en dépit du douzième degré qui caractérise plus que jamais ce nouveau Danganronpa.
Bien qu'aussi trouillarde que les héroïnes de la série Project Zero, cette chochotte de Komaru décide finalement de prendre son courage à deux mains et de faire front en utilisant le pouvoir du Hacking Gun pour vaincre les oursons. Elle débarque ainsi dans ce qui apparaît comme le chaos le plus total, l'humanité n'étant visiblement pas du tout préparée à faire face à un tel fléau. Mais en réalité, ce sont surtout les adultes qui sont visés par les Monokumas et par le groupe terroriste des "Warriors of Hope", des sales gosses qui tirent les ficelles dans l'ombre sous la promesse d'offrir un paradis pour les enfants. Heureusement pour elle, Komaru ne mènera pas sa croisade seule puisqu'elle sera épaulée par différents alliés dont on vous réserve la surprise, même s'il nous faudra forcément dire quelques mots à propos de l'inénarrable Toko Fukawa.
Un rythme bancal
Si, dans cet opus, l'univers de la série n'a rien perdu de sa dimension délicieusement aliénée, le caractère atrocement nunuche de l'héroïne et la présence des sales gosses formant les Warriors of Hope qui surjouent et infantilisent l'ambiance générale du jeu, rendent le tout parfois lourdement indigeste. Il faut de toute façon accepter de surmonter les interminables dialogues qui sabotent constamment le rythme de l'aventure pour commencer à apprécier le jeu, et encore seulement à partir du chapitre 3, lorsque le scénario daigne enfin prendre un petit peu d'envergure. Qui plus est, mieux vaut également connaître les ficelles des premiers Dangaronpa pour apprécier les nombreuses références et comprendre l'importance du rôle joué par certains anciens élèves de la Hope's Peak Academy. Mais si la formule prend moins bien ici, ne serait-ce que parce que le compromis bancal entre les dialogues et l'action dessert réellement le rythme du jeu, on a toujours droit à des séquences réellement tordues lorsqu'il s'agit d'assister à la fin de certains adversaires ayant, ma foi, bien mérité leur sort. Mais les nombreuses cinématiques doublées en anglais ne sont pas sous-titrées et les voix anglaises n'aident pas franchement à profiter de l'ambiance... ce qui vous obligera à aller faire un tour sur le PSN pour télécharger le doublage japonais nettement plus à propos.
Sachant qu'on ne peut réellement pas faire un pas devant l'autre sans qu'une cut-scene se lance, interrompant aussitôt le rythme de la progression, force est de constater que le temps de jeu est dérisoire en comparaison. Un problème qui n'en sera pas forcément un aux yeux de tout le monde, ne serait-ce que parce que cela permet de préserver l'héritage "visual novel" des précédents volets, mais qu'il faut néanmoins souligner dans la mesure où ces baisses de rythme sabotent complètement le plaisir de jeu. Qui plus est, le Hacking Gun perd très vite tous ses pouvoirs et nous revient sous une forme bridée qui ne regagnera toute sa puissance qu'au compte-gouttes.
Le Haking Gun et ses "bullets"
Cette arme électromagnétique capable de pirater des systèmes en projetant des programmes codés fonctionne avec des munitions baptisées Truth Bullets dont on peut sélectionner la nature. Le "Break", tir de base, peut par exemple éliminer un Monokuma d'un seul coup à condition de viser l'oeil gauche d'un ours tueur, symbolisé par sa cicatrice écarlate. Les autres munitions acquises au fil de la partie ont donc chacune une fonction bien particulière. Le "move" permet d'interagir avec certains mécanismes pour les activer, le "dance" oblige la cible à gesticuler, le "knockback" repousse les ennemis en arrière, et ainsi de suite. La bonne idée est que chacune de ces bullets peut être utilisée de manière détournée, par exemple pour attirer les Monokumas autour d'une cible, pour retirer les boucliers de ceux qui se protègent, ou pour électrocuter tous les ennemis qui ont un pied dans l'eau. Certains défis s'apparentent d'ailleurs à des petits puzzles qui nous incitent à combiner intelligemment ces munitions pour nettoyer une zone en un minimum de tirs, via des petites bornes d'arcade à activer. A d'autres moments, on devra résoudre des énigmes à l'aide de la fonction "detect" du Hacking Gun dans le but de trouver des codes d'accès, ce qui permet de souffler entre deux phases d'action ou entre deux cut-scenes interminables.
Le retour de Genocide Jack
Mais le meilleur moyen de décompresser dans Danganronpa : Another Episode - Ultra Despair Girls est de passer le relais à Toko Fukawa, la schizophrène de la série. Armée de ses cisailles et de sa soif de carnage, Toko laissera libre cours à sa personnalité meurtrière "Genocide Jack" pour décimer les Monokumas façon beat'em all en mode Fever. Une sorte de joker utilisable seulement de façon temporaire, mais qui permet de se sortir des situations les plus compliquées, le gameplay n'étant pas suffisamment au top pour nous donner une chance de tout résoudre à l'aide du simple Hacking Gun. Dans le pire des cas, Komaru pourra toujours tenter de se soustraire à une frappe mortelle via un petit QTE, mais le game over est vite arrivé et on se félicite que les checkpoints soient finalement aussi nombreux. Chaque chapitre se solde d'ailleurs par la confrontation avec un boss impliquant un peu de jugeotte et faisant généralement intervenir les dernières bullets acquises durant la partie.
Danganronpa forever ?
Même si la durée de vie de Danganronpa : Another Episode - Ultra Despair Girls est boostée de manière un peu factice par la fréquence et la longueur excessives des phases de dialogues, le titre n'est pas de ceux qu'on boucle en quelques petites heures. D'autant que les niveaux comportent leur lot de bonus cachés, cinq par chapitre, et surtout des livres qu'il vaut mieux ne pas louper puisqu'ils sont le seul moyen d'apprendre des skills boostant les capacités de Komaru. A cela s'ajoute la possibilité de dépenser ses pièces dans l'achat d'upgrades pour les munitions et pour le mode Genocide Jack, des stands étant justement prévus à cet effet. Reste que la progression accuse un manque de renouvellement qui peut lasser, d'autant que les phases d'action sont loin d'être maîtrisées et que le scénario n'est pas aussi prenant que dans les autres Danganronpa. Autant de raisons qui risquent de limiter l'impact de ce titre auprès des seuls inconditionnels de la franchise.
Points forts
- L'ambiance Danganronpa et son douzième degré
- Les références à la série, y compris certains thèmes musicaux
- Un scénario qui gagne en épaisseur à partir du chapitre 3
- Le recours à Genocide Jack pour relâcher la pression
- Les défis qui incitent à combiner les munitions
Points faibles
- Une connaissance de l'intrigue des deux Danganronpa est préférable
- Ces sales gosses qui infantilisent le scénario
- Des discussions qui s'éternisent et cassent le rythme
- Doublage et textes en anglais par défaut (voix jap à télécharger sur le PSN)
- Décors vides et soucis de caméra récurrents
- Un gameplay qui trahit assez vite ses limites
Destiné aux seuls inconditionnels de la série Danganronpa, ce spin-off orienté TPS se montre plus bavard que réellement efficace et s'appuie sur un compromis assez bancal entre l'action et la narration. Les coupures de rythme et les faiblesses des phases de TPS n'aident pas vraiment à profiter de l'intrigue, celle-ci se montrant d'ailleurs un cran en dessous de ce à quoi nous avait habitué la série jusqu'à présent.