Games Workshop n’en finit plus d’inonder les marchés PC, consoles et mobiles avec des titres marqués du marteau de guerre chauffé à blanc. Warhammer 40.000 Deathwatch : Tyranid Invasion a su mi-juillet 2015 réjouir les fans d’univers futuristes avec un jeu de stratégie au tour par tour en escouade en aucun cas parfait mais offrant une expérience tout en réflexion, saupoudrée de fan service. Une semaine plus tard, c’est au tour du pendant médiéval de la licence de ressortir les armes blanches, les armures scintillantes et les parchemins envoûtés dans un Warhammer : Arcane Magic exclusif pour le moment à la plate-forme frappée de la pomme.
Les affres de la guerre érodent encore et toujours l’univers de Warhammer. Un vent de magie envahit les forêts et les plaines, faisant danser les brins d’herbe, emportant dans leur élan branches et feuilles par de violentes bourrasques. Dans ces terres où le Mal règne à nouveau, 3 sorciers, affublés de leurs robes aux couleurs criardes pour une discrétion assurée en milieu forestier, tiennent fermement leurs sceptres. Sort après sort, invoquant les éléments, ils traversent les contrées reculées de l’Empire dans leur quête de pouvoir
L'éternelle quête du pouvoir
Un Empire éternellement en guerre. Des armées acculées par des hordes de gobelins, de trolls et autres créatures nées du Malin. Dans cette tourmente guerrière, un vent de magie s’élève, source du pouvoir des sorciers, protecteurs du royaume des hommes, puisant leur force dans les éléments… Leur soif de pouvoir, sans commune mesure, les pousse à s’aventurer aux confins de l’Empire à la recherche de ces puits de magie. Une quête incessante de l’ultime pouvoir qui mènera nos amateurs de toges à se remonter les manches. La mise en scène, bien que sommaire, donne allègrement le ton. Une voix-off rauque fait vibrer la flamme de tout fan d’heroic fantasy, un texte reprenant les archétypes d’une littérature faite de dragons et de légendes.
L’Empire s’étend à perte de vue. Citadelles, montagnes et forêts s’enchevêtrent. Les environnements alternent plaines boisées et mondes désertiques brûlés par le froid. A la différence de sa version futuriste développée par Rodeo Games, le jeu de Turbo Tape Games marie les couleurs, étale un panel de teintes donnant de la grâce aux écrans Retina des iPad et iPhone. L’herbe respire d’un vert vif, les textures sont fines au point de percevoir le brin se détacher et les roches se désolidariser les unes des autres. A contrario, cet aspect réaliste est contrebalancé par une direction artistique des sorciers jurant avec les décors. Des aplats de couleurs ultra vives, un manque flagrant de détails : nos sorciers pleurent ce manque d’attention… et le joueur également.
Les affrontements sont bien entendu au coeur du gameplay tout comme l’exploration, partie intégrante de l’aventure. Arpenter les bois et les ruines de chaque chapitre afin de dénicher les butins dissimulés deviendra primordial afin de dégoter divers items et des sorts essentiels dans votre progression. Cependant, l’agencement des environnements ne permet pas aux joueurs de donner libre cours à leurs capacités cognitives. Au gré de leur balade guerrière, nos sorciers ne pourront utiliser les éléments du décor pour se protéger, contourner l’ennemi… et se retrouveront bien trop souvent à portée d’un coup de massue de trolls.
Les missions quant à elles ne se renouvellent pas. L’objectif est primaire et sans surprise : prendre le contrôle de plusieurs runes sur la carte en prenant soin d’éliminer toutes les forces du Mal faisant l’affront de s’interposer. Votre marche en avant se résumera donc à localiser la rune la plus proche, vous y rendre, occire les viles créatures sur votre chemin et passer à l’objectif suivant : un classicisme à toute épreuve, une redondance de chaque instant.
L'art de la guerre
Jeu de plateau transposé en version digitale, Warhammer : Arcane Magic est un jeu de stratégie au tour par tour assumant à 100% ses origines. L’environnement se découpe selon une grille formée de tuiles rappelant des titres tels que XCOM : Enemy Unknown ou encore le récent Legions of Steel. Lors de phases d’exploration, nos sorciers peuvent se déplacer sans compter, aucun point d’action n'est consommé, une manière habile de dynamiser un genre manquant par essence de rythme. Cependant, une fois en combat, une arène se limitant à un nombre de tuiles précis se dessine. Aucun moyen d’en sortir avant d’avoir vaincu toutes les créatures. Les déplacements et les sorts consomment des points de magie. Cette jauge d’action est partagée par nos sorciers, ces derniers puisant dans une source commune pour alimenter leurs sorts. Anticiper les mouvements des ennemis et répondre avec le bon sort, le bon déplacement garantira la victoire de votre trio d’inséparables.
Prendre le dessus sur un adversaire supérieur en nombre ne se fera pas par la force mais par l’esprit. Combiner les sorts afin d’augmenter les dégâts, contraindre un ennemi à se retourner contre ses alliés avec le parchemin de contrainte, compter tel un apothicaire le coût en mana de chaque carte afin d’optimiser chaque tour, mais surtout prendre le contrôle des runes en temps voulu : cela vous apportera un regain de mana, vous offrant donc la possibilité de doubler la mise sur ce tour. Le sacrifice sera parfois de mise, un sorcier se trouvant sur la zone de frappe d’une attaque se fera ainsi roussir le poil.
Malheureusement, une mécanique antédiluvienne vient ruiner les efforts consentis par les développeur du studio Turbo Tape Games. Un système ayant sa place sur un jeu de plateau mais en aucun cas dans un jeu vidéo, tout du moins sous cette forme. J’exècre l’aléatoire dans un jeu de stratégie. Un aléatoire sans aucune cohérence excepté celle d’un lancer de dés décidant à votre place du sort de vos unités. Une tête de mort et votre sort part à la chasse aux champignons ! Un critique et vous boutez votre ennemi sur 10 générations ! Ce système apporte un grain de folie lors des affrontements mais s’avère bien trop prépondérant en étant à l’origine de défaites injustes par simple fait de malchance, la réflexion du joueur étant annihilée par un système aléatoire bien trop punitif pour une difficulté à l’équilibre précaire vous forçant à recommencer 10 fois le même chapitre du fait d’une difficulté se targuant d’un grand écart appelé “random”.
Tout affrontement mérite des ennemis sachant répondre à l'appel du sang afin d’insuffler l’épique dans une expérience au tour par tour par essence lente et déstructurée. Trolls de pierre, Harpies, Duc du Changement, Géants… du classique pour l’univers Warhammer. Un bestiaire fidèle pouvant paraître pauvre. Une faible diversité d’ennemis et leurs 2 attaques respectives revenant en boucle. Et que dire de l’intelligence artificielle ? Simple ? Simpliste ? Les ennemis se contentent de cibler le plus faible, de se mettre à portée et d’attaquer encore et encore… Les Tyranids, par leur diversité, avaient la décence d’apporter ce petit plus comblant une IA lambda. Les ennemis de Arcane Magic nous plongent dans un conventionnel trop précaire.
Une customisation à la carte
Les sorciers, êtres inséparables toujours en quête de pouvoir, aiment à se savoir sous la protection de leurs pères. L'équipe se compose donc de 3 mages, tous associés à un élément spécifique. Le sorcier flamboyant et son feu inquisiteur, le sorcier céleste, le sorcier du chaos, la sorcière Elfe noire : 4 personnages aux aptitudes propres (Points de vie, Déplacement…) et aux sorts, représentés par des cartes, définis en partie par leurs conditions. Les aptitudes des sorciers sont figées. Le sorcier flamboyant possède 10 points de vie. Le sorcier du chaos 8. Jongler entre ces aptitudes sera votre pain quotidien. Leurs sorts par contre sont à la fois déterminés par leur classe mais peuvent également être customisés par le joueur. Tout sorcier fourre dans sa besace un lot de 7 sorts au maximum. 5 dépendent de la classe du sorcier. A l’exception du premier sort, les 4 autres libèreront le potentiel caché de chaque mage durant l’aventure par l’obtention de la carte attitrée. Les 2 derniers sorts octroient au joueur un semblant de latitude, bien trop restreinte pour faire fléchir le destin de ce monde, mais lui permettant d’embarquer divers enchantements.
Les butins dégotés durant les missions offriront aux explorateurs des deniers, des sorts... parfois en double. Atteindre le point d’extraction d’une mission, si possible avec tous vos mages en vie, sera également synonyme de gain de pièces d’or. Un pécule à dépenser dans l’achat de cartes relâchant sur ce monde toute la puissance de nos sorciers. Malheureusement, cette construction de deck se limite au strict minimum. Aucun choix ou presque n’est laissé au joueur. L’impression de composer son “équipe de rêve” s’évanouit dans la brume. Et le pire reste à venir. Bien que Warhammer : Arcane Magic soit vendu 9,99 €, le titre se permet de brider l’accès aux nouveaux sorciers par un acte d’achat. 4 sorciers sont donc jouables sans payer. Les 3 autres vous coûteront la somme de 3,99 € sans aucun moyen de les obtenir en jouant… Passion mercantile, quand tu nous tiens !
Warhammer : Arcane Magic, les 10 premières minutes de gameplay
- Test effectué sur un iPad Air 2.
Points forts
- Une adaptation fidèle et respectueuse de l’univers Warhammer et de ses règles de jeu
- Une direction artistique oscillant entre réalisme et cartoon
- Des effets spéciaux rendant justice à la puissance des sorts invoqués
Points faibles
- Des missions redondantes sans folie ni surprise
- Une difficulté assujettie à un système aléatoire omniprésent gâchant l’expérience de jeu, lancer de dés après lancer de dés
- Une customisation des sorciers réduite à son strict minimum, la construction de deck de cartes se résumant grandement à dépenser pour un sort prédéfini
- Une intelligence artificielle sans âme alliée à un level design sans impact sur le gameplay
- Des sorciers en vente à 3,99 € pour un jeu à 9,99 €
Le constat est sans appel. Malgré une licence riche et un genre convenant parfaitement aux plates-formes mobiles, Warhammer : Arcane Magic s’enlise chapitre après chapitre dans une sous-exploitation de son univers et de ses mécaniques de gameplay. Le système aléatoire annihile toute réflexion telle une destinée karmique déboulant sans crier gare tandis que la customisation limite le joueur à un simple acte d’achat. Games Workshop avait su redorer le blason de Warhammer 40.000 avec Tyranid Invasion. L’univers médiéval attendra un jeu de plus…