Dévoilé lors de l'E3 2014, pendant la conférence de Microsoft, Ori and the Blind Forest n'avait laissé personne indifférent. Etait-ce dû à sa musique, à son style graphique, ou ce qu'il laissait entrevoir de son gameplay ? Difficile à dire, mais une chose est sûre, le petit jeu de Moon Studio était particulièrement attendu par les joueurs qui depuis comptaient les jours. Chères lectrices, chers lecteurs, soyez heureux puisque « Ori » est enfin là, pour notre plus grande joie... et surtout la mienne, qui aie pu finir le jeu et le décortiquer pour vos beaux yeux bientôt pleins de larmes.
Lorsque Ori and the Blind Forest a été présenté lors de cette fameuse conférence, il a su très rapidement attirer l'attention de tous les membres de la rédaction, ceux qui étaient restés dans les locaux pour couvrir à distance l'événement. Une fois le salon terminé, "Ori" revenait dans toutes les conversations, et figurait ainsi en bonne place sur la liste des jeux les plus attendus, et ce par la plupart des journalistes du site. Et ce n'est pas rien puisque dans le métier, on compte tout de même un sacré paquet de vieux blasés qui ont déjà tout vu ou presque, des personnes qu'il est plutôt difficile de surprendre, donc !
Nous sommes aujourd'hui le 11 mars 2015 et Ori and the Blind Forest est enfin disponible, pour tous les joueurs. De notre côté, il était arrivé avec un peu d'avance, ce qui m'a permis de passer de nombreuses heures sur le titre, de le terminer mais aussi de le retourner dans tous les sens, ce qui n'a franchement pas été un problème, autant vous le dire tout de suite. Parce que mes bons amis, ce titre est sans doute l'un des meilleurs jeux auxquels il m'a été donné de jouer depuis des années, ou en tout cas celui qui a su le plus me séduire. Et je pense ne pas prendre de risque, si j'en crois les critiques déjà publiées, en disant que vous devriez bientôt tous être sous le charme d'Ori et de sa forêt enchanteresse.
Une œuvre d'art
Voilà une question qui revient souvent, qui n'a sans doute pas fini de créer des débats, mais à laquelle la plupart des joueurs ont déjà donné une réponse : le jeu vidéo est-il un art ? A ceux qui doutent, je leur demanderai donc simplement de jouer quelques heures à Ori and the Blind Forest ; la conversation qui en découlerait serait très, très intéressante.
Par où commencer ? Beaucoup de joueurs ont vite remarqué le style graphique bien particulier d'Ori, autant en parler tout de suite. Oui, le jeu est sublime. Les captures d'écran, dans leur ennuyante immobilité, ne suffisent pas à rendre hommage à un jeu qui pourrait presque se réclamer des travaux à l'aquarelle d’Édouard Manet. Les couleurs semblent peintes à même l'écran, tout en délicatesse et en légèreté, pour un rendu visuel sublime et en parfaite adéquation avec ce qu'est le soft. Gracieux, Ori l'est assurément, d'autant que contrairement à certains jeux comme Rayman Legends, ou encore Dust : An Elysian Tail (à qui il a souvent été comparé) les couleurs paraissent ici vivantes, une impression amplifiée par les nombreuses animations posées ici et là par Moon Studio, et qui donne au jeu une âme. Certains tableaux (un terme particulièrement adapté au contexte) sont tout simplement magnifiques, et je pense pouvoir dire qu'il s'agit du plus beau jeu en 2D qu'il m'ait été donné de voir à ce jour. C'est complètement subjectif, mais certains partagent ce point de vue, comme Dean Dodrill, qui n'est autre que le créateur de... Dust : An Elysian Tail ! A vous de vous faire votre point de vue.
Et si vous pensez que le jeu n'avait que ses graphismes à faire valoir, vous feriez alors une cruelle erreur. La bande-son du jeu, et plus particulièrement les compositions musicales, magnifient le jeu, créant chez le joueur un doux mélange de tristesse et d'émerveillement. Ici, point de gros orchestre, de percussions tribales et de cuivres lancinants, mais de la douceur, de la beauté... encore et encore. Si la musique peut se montrer inquiétante voire même curieusement dérangeante par moments, elle n'hésite pas parfois à se montrer plus optimiste, avec quelques envolées lyriques d'une grande poésie, liant et impliquant toujours plus le joueur dans sa mission : sauver la forêt.
Un univers enchanteur
Vous le saviez probablement mais en jouant à Ori and the Blind Forest, vous incarnerez... Ori, cette petite créature blanche, mi-chaton mi-lapin (et re mi-chaton derrière), sorte d'esprit sylvestre et manifestement dernier représentant de son espèce ; à la demande d'un autre esprit, Seyn, qui vous rejoindra très tôt dans la partie, vous devrez donc réunir trois éléments afin de sauver l'Arbre des Esprits, entité quasi divine qui règne sur la forêt. Face à vous, un ennemi, Kuro, sorte de chouette géante, qui s'est emparée de la lumière de l'Arbre des Esprits. Sur le papier, tout ceci est extrêmement convenu, mais le joueur s'attachera très vite à Ori et n'aura finalement plus qu'une seule idée : terminer l'aventure afin de savoir ce qu'il adviendra de cette frêle créature, pour qui on développera vite de l'affection. Préparez les mouchoirs, dès le lancement du jeu.
Comme je le disais plus haut, la forêt paraît vivante, possède une histoire, un univers qui vous est vaguement présenté, à petite dose, ici et là. Et lorsque je dis "vaguement", ce n'est pas une critique, il s'agit ici d'un manque de précision tout à fait volontaire qui donne en fin de compte à Ori and the Blind Forest des allures de conte de fées, comme si les frères Grimm avaient rencontré Hayao Miyazaki... pour créer ensemble un dernier conte, une dernière fable fantastique, empreinte de tristesse et de nostalgie. Autant vous le dire, on rigole peu en jouant à Ori, puisque le ton du soft est continuellement mélancolique sinon désenchanté ; ce qui le rend d'autant plus attirant, bizarrement.
Metroidvania
S'il y a un endroit où Ori and the Blind Forest ne brille pas particulièrement, c'est lorsqu'il s'agit de son gameplay, ou, en tout cas, de l'originalité de celui-ci. Il s'agit ni plus ni moins d'un Metroidvania, dans lequel vous aurez donc à explorer un vaste monde, qui s'élargira au fur et à mesure que vous trouverez de nouvelles capacités. Là encore c'est du classique, entre la possibilité d'effectuer des doubles sauts, de détruire certains types de structures, de grimper aux murs... Certaines sont plus intéressantes, comme la possibilité de vous servir des projectiles envoyés par les ennemis comme tremplin, vous permettant à terme de traverser certains écrans sans jamais poser un pied à terre.
Si ce n'est pas original pour un sou, c'est en tout cas maîtrisé à merveille. Contrôler Ori et le faire progresser au plus profond de la forêt est une énorme source de plaisir ; tout réagit au doigt et à l’œil et l'on ne saurait accuser le jeu ou la manette en cas de mort, tant la disposition des commandes est bien pensée. Un vague doute néanmoins concernant le smash vers le bas, qui a parfois tendance à se déclencher sans qu'on ne l'ait demandé, mais la fatigue n'y était probablement pas étrangère...
En définitive, on se retrouve avec un gameplay certes peu inspiré mais servant parfaitement le jeu, et forcément, le joueur. Impossible de ne pas s'amuser comme un fou en virevoltant dans les airs, à enchaîner les mouvements spéciaux pour traverser l'écran sans utiliser une seule fois le sol ; et surtout, surtout, à triompher des obstacles et des puzzles inventés par les esprits malades de Moon Studio.
Au fil de vos pérégrinations, Ori emmagasinera des points de compétences, qu'il faudra utiliser dans un arbre divisé en trois zones : attaque, défense, et disons, "mana" (l'énergie qui vous servira notamment à générer des points de sauvegarde, ou à ouvrir certaines portes). Ces compétences, passives pour la plupart, ne sont finalement même pas vitales, et certains, pour corser l'aventure, seront probablement tentés de ne pas toucher à cet arbre. Un bon point pour la replay value.
Du plaisir de jouer a un jeu exigeant
Oui parce que figurez-vous que Ori and the Blind Forest, sous ses allures de contes pour enfants, n'a rien, mais alors absolument rien, du jeu que vous pourrez faire pour vous détendre entre deux parties de {insérer un nom de jeu long et chiant sorti récemment, je vous laisse remplir ce blanc par vous-mêmes}. Non content de happer l'attention du joueur par sa direction artistique, son univers, et sa musique, Ori va également vous demander une bonne dose de concentration, de doigté, et parfois même un peu de réflexion. Ce n'est pas l'ami Puyo de nos confrères de GameKult qui me contredira, mais le jeu peut parfois se montrer assez imaginatif lorsqu'il s'agit de vous perdre et de vous faire mourir un maximum de fois. On se rend assez vite compte d'ailleurs que le jeu inclut une composante « die-and-retry » assez prononcée ; puisque s'il est possible de trouver des zones de sauvegarde, à la manière d'un Metroid, il est également possible de générer ses propres points de sauvegarde, en puisant dans une des réserves d'énergie dont dispose Ori. De fait, on en vient rapidement à sauvegarder souvent, et ce à chaque obstacle passé (ou presque, puisque la manipulation n'est pas possible à certains endroits). Le respawn est rapide et on peut ainsi vite tenter à nouveau sa chance ; ou, à l'inverse, faire grimper son compteur de décès. Le titre embarque d'ailleurs un classement simple mais efficace qui vous permettra de comparer votre progression à celle des autres gamers. Plutôt joueur et amateur d'expériences débiles, je suis mort pas moins de 643 fois, sur mes 11h30 de jeu !
Ceci étant, le jeu est difficile parce que les développeurs l'ont voulu, et parce que les niveaux ont tous été conçus avec un soin et une attention effarants, contrairement à un Donkey Kong Country : Tropical Freeze (par exemple), parfois mal pensé. Ici tout est minutie et ingéniosité, donnant au joueur un profond sentiment de satisfaction à chaque succès... avant qu'il ne tombe à nouveau dans un piège vicelard. Un régal.
Un jeu parfait ?
Au moment de faire le point, il m'a fallu creuser un moment pour trouver des défauts au jeu, et il n'y en a finalement que deux, qui me sont venus. Le premier, sans doute le plus évident : j'ai constaté quelques micro-ralentissements en jouant (sur Xbox One ; mais après vérification, le problème existe également sur PC), notamment lorsque les couleurs changent subitement. Pas bien méchant, mais quand même... Et ensuite, il y a ces tirs ennemis que vous vous prendrez dans le pif, sans même trop savoir d'où ils viennent. Parce qu'Ori n'est pas avare d'effets de lumière, notamment à cause de Seyn, qui attaque dans tous les sens en laissant de grandes traînées brillantes derrière elle... masquant ainsi certains projectiles qui déjà, à l'origine, n'étaient pas très visibles. Il vous faudra être très attentif !
Notre vidéo-test de Ori and the Blind Forest
Points forts
- Une œuvre d'art à part entière
- La bande-son, parfaite
- Les décors, variés, sublimes
- L'univers créé, féerique mais désenchanté, qui laisse rêveur
- Un tout unique dont il sera difficile de se séparer
- Un Metroidvania maîtrisé de bout en bout
- Une difficulté bien dosée
- Le level design, très ingénieux
Points faibles
- Pour chipoter : les tirs ennemis pas toujours visibles
- Les légères baisses de framerate, heureusement rares mais présentes dans toutes les versions du jeu
Chapeau bas, Moon Studio. Ori and the Blind Forest est une petite merveille, un titre qui fera date dans le genre et auquel devraient jouer tous les gamers... et non-gamers, d'ailleurs. Mélancolique, amer et ampli d'un doux désespoir, le jeu séduit non seulement par son gameplay parfaitement maîtrisé mais également par sa dimension artistique, son univers touchant et mystérieux. Ce conte pour enfants se révèle pourtant être un titre complexe et exigeant, qui devrait satisfaire de nombreux hardcore gamers et autres amateurs de speed-running, touchant ainsi une très large cible... D'autant plus que, par chance, le jeu n'est pas exclusif à la console de Microsoft et est donc à la portée de tous, pourvu que vous disposiez d'un PC ou d'une Xbox 360 (lorsqu'il sera disponible sur la deuxième console de Microsoft, courant 2015). Une création pleine d'intelligence, maligne et tout simplement belle, que l'on quittera l'âme en peine une fois l'aventure terminée. Après un tel voyage, vos jeux habituels vous paraîtront bien fades.