Première excursion du studio italien Mad Orange dans le monde vidéoludique, Face Noir est un point'n click classique reprenant à son compte l'univers des polars noirs style années 50, un genre transcendé en son temps par le grand Hitchcock. Alors, au final, pari réussi ?
Une intrigue simpliste, mais transcendée par une superbe ambiance
S'il y a bien un point sur lequel le jeu ne brillera pas, c'est hélas au niveau de son scénario. Proposant un méli-mélo un peu confus d'ancien flic reconverti en détective, suivant tant bien que mal une affaire dans laquelle il est maladroitement imbriqué, le scénario est à la fois intrigant, mais aussi cousu de fil blanc. Si on suivra sans déplaisir cette intrigue, c'est avant tout pour l'écriture de ses personnages secondaires et l'angle adopté dans le traitement de certaines séquences. Le reste est malheureusement moins reluisant, avec certaines scènes manquant cruellement d’intérêt en plus d'être vraiment ennuyantes, scénaristiquement parlant. Restera alors un personnage principal charismatique - mais finalement assez cliché - dont l'écriture est, quant à elle, plutôt habile.
Mais bien sûr, l'atout principal de ce Face Noir est, sans conteste, son ambiance. Comme nous l'expliquions en introduction, les artistes de Mad Orange se sont approprié les codes du film noir, est le moins que l'on puisse dire, c'est qu'ils l'ont fait avec talent. Chaque décor, chaque musique participe à renforcer cet état de fait : Face Noir est un bon titre d'ambiance. En respectant les habitudes, les codes couleurs, les points de mise scène propres à ce style, Mad Orange nous livre une vision et un pastiche plaisants du polar, qu'il sublime avec une bande-son somptueuse, parfaitement en adéquation avec le reste. En résulte un titre au charme et au charisme vraiment particuliers, mais fort captivant.
Une technique très bancale
Et là, on arrive au point où le bât blesse : la technique. S'il arrive à produire des merveilles en termes d'arrière-plan, avec des décors sublimes, Face Noir est aussi capable du pire. Il suffit de regarder un seul visuel de personnage en jeu pour se rendre compte du drame : c'est laid, les textures sont d'une grossièreté angoissante, ça bave... en bref, c'est une catastrophe. Et tristement, le massacre ne s'arrête pas là. Les animations sont fades, elles rament, et l'attitude poussive des personnages dégage un aspect comique mal venu. On notera en plus une modélisation 3D de certains objets et décors vraiment désuète. Le problème c'est que cela tranche de façon vraiment radicale et abrupte avec le reste du jeu, plus peaufiné et travaillé.
Game system classique, mais efficace
Côté gameplay, le jeu table sur du classique, et il le fait clairement avec style. Inventaire, déplacements, résolution d'énigmes... tout reste clairement du déjà-vu, mais le fait est que ça marche très bien. On notera aussi durant la progression quelques passages plus "interactifs", dans le sens où vous pourrez manipuler, bidouiller des boutons, fils, manettes de certains objets ou de machines pour faire progresser la scène. Rien de bien extravagant en somme, mais il est plutôt sympathique de s'adonner à ces mini-jeux, qui ont en plus le mérite de varier et aérer la progression. Justement, en parlant de cette dernière, elle s'avère plutôt fluide dans l'ensemble, avec une difficulté certes corsée, mais pas vraiment insurmontable. Disons que le titre prend quelque peu le contre-pied de la tendance actuelle, en ne prenant pas le joueur par la main, le laissant se débrouiller tout seul. Seul un maigre tutoriel viendra en début de partie mettre en place les mécaniques, mais c'est à peu près tout.
Cet état de fait augmente de façon significative la durée de vie, qui pour un premier run sans soluce - on le précise - prendra selon les joueurs entre 15 et 20 heures, ce qui reste très bon. Mais ceci viendra aussi du fait que l'intrigue se déroule de façon assez lente, laissant quiconque s'y intéresse fouiner et farfouiller tous les décors pour creuser encore un peu plus le jeu, ou encore y découvrir les nombreuses références aux romans et films des années 50, ce qui reste un vrai plus pour les fans de cette époque. Le tout s'appréciant bien évidemment sur une musique jazz vraiment agréable. Maintenant, il ne reste plus qu'à attendre un Face Noir 2 d'ores et déjà annoncé, qui comblera, on l'espère, les quelques questions encore en suspens au final de ce premier épisode.
A noter qu'il faut aussi une bonne maîtrise de l'anglais, le jeu ne possédant pas de patch FR officiel.
Points forts
- Ambiance bien retranscrite
- Quelques arrière-plans vraiment sublimes...
- Une bande-son parfaite en adéquation avec le reste du titre
- Beaucoup de références, plus ou moins subtiles, sur l'époque traitée
- Une écriture parfois déroutante, mais globalement de qualité
- Durée de vie appréciable (15-20 heures)
- Quelques séquences rafraîchissantes...
Points faibles
- Un scénario cousu de fil blanc
- ... Contrebalancés par certaines cinématiques et plans franchement laids
- Un rythme globalement lent, qui pourra en rebuter certains
- ... contre quelques-unes vraiment dispensables
Pour un premier jeu, Face Noir est une réussite. S'il pèche sur pas mal de points, avec un scénario convenu ainsi qu'une technique qui est capable du pire comme du meilleur, il arrive pourtant à nous transporter sans mal dans son univers. Il se targue pour cela d'une bande-son impeccable, d'une écriture globalement maîtrisée et de tout un tas de références sur les divers livres et films de l'époque traitée. Face Noir reste ainsi une véritable mine d'or pour quiconque s'y penche sérieusement, avec en plus une solide durée de vie (15-20 heures).