En 2005, le studio Oddworld Inhabitants invitait de nouveau les joueurs à explorer les étranges contrées d'Oddworld, un monde que l'on avait pu découvrir à deux reprises en compagnie d'Abe, puis une troisième fois avec Munch. Pour Oddworld : La Fureur de l'Etranger, on change encore de personnage. Place donc à… l'Etranger. Ce chasseur de primes atypique et peu bavard nous sert de guide pour découvrir toute une frange de l'univers restée encore inédite. Finis les abattoirs de RuptureFarms ; terminés les laboratoires pharmaceutiques des Vykkers ; cette fois, nous foulons des plaines poussiéreuses et des hauts plateaux semblant tout droit sortir d'un western spaghetti. Près de dix ans ont passé depuis la sortie initiale sur Xbox première du nom, et si le titre a depuis eu droit à une version HD en 2011, jamais ô grand jamais nous ne pensions retrouver l'Etranger au creux de la main. C'est pourtant le cas puisqu'il a décidé de s'installer sur mobiles fin 2014.
Oddworld : La Fureur de l'Etranger semble être né de la volonté de produire un jeu aussi différent que possible des précédents opus. L'univers, le héros, et même le gameplay diffèrent du tout au tout. Nous voilà cette fois sous le chapeau d'un chasseur de primes, décrochant contrat sur contrat au cœur d'une petite ville perdue au milieu d'un réseau de zones imbriquées les unes dans les autres. Chaque contrat représente ainsi un niveau, ou une mission si vous préférez, se terminant généralement par le retour en ville où nous attend un nouveau contrat. Au risque de gâcher la surprise, sachez que le titre parvient tout de même à briser cette structure binaire en poussant l'Etranger à voyager vers d'autres horizons, et vers d'autres têtes mises à prix. Sachez également que l'aventure est longue, et qu'elle vous demandera un bel investissement en temps pour finalement en voir le bout.
S'il y a une chose que l'on a pu apprendre à travers les jeux Oddworld, c'est que l'univers dépeint n'est jamais avare en surprises qui, sorties de leur contexte, paraîtraient tout à fait ridicules. Mais pas ici. Pas dans Oddworld. Dans cet univers, même la plus loufoque des idées semble tout à fait crédible. Ainsi, le fait que notre chasseur de primes utilise des munitions vivantes pour alimenter les tirs de son arbalète n'a finalement absolument rien de surprenant. Cela devient même tout à fait logique et naturel de décocher une araignée sur un ennemi pour le ligoter d'un filin de soie, ou une salve d'abeilles pour le bombarder de tirs bien piquants. Dans cette armurerie atypique, on trouve aussi l'écureuil qui sert à faire diversion ou encore la mouche électrique capable de sonner les adversaires quelques secondes. L'Etranger ramasse ainsi ses munitions directement dans les niveaux, en les chassant autour de lui, mais il peut également refaire son stock au magasin de la ville contre un peu d'argent — ou de moulah, pour reprendre l'expression chère au héros.
Contrairement aux précédents jeux Oddworld, La Fureur de l'Etranger propose deux systèmes de caméra entre lesquels il est possible d'alterner à tout moment. Il y a d'abord la vue classique à la troisième personne proposant une meilleure visibilité pour les phases de plates-formes. Mais il y a surtout une vue à la première personne, transformant logiquement le jeu en véritable FPS lors des affrontements contre les nombreux bandits à appréhender. Notez d'ailleurs qu'il est possible de ramener ces derniers morts ou vifs, pour récolter plus ou moins d'argent. L'argent, c'est évidemment la principale motivation de l'Etranger pour enfiler contrat sur contrat. La raison de cet appât du gain reste assez mystérieuse au départ, mais elle finit bien entendu par être révélée. Attendez-vous à une petite surprise à ce niveau, une de plus dans l'univers farfelu, mais pas si idiot, d'Oddworld.
Concernant cette adaptation, le travail effectué est très propre. Bien sûr, on perd un peu de précision et de confort avec la maniabilité tactile, mais ce n'est pas non plus dramatique puisque le titre reste jouable. Attention toutefois, quelques pics de difficulté sont à noter, et s'occuperont de faire le tri entre les joueurs patients et les autres. Dans un sens, ces passages délicats nous rappellent que le jeu a dix ans. Et qu'en une décennie, les habitudes des joueurs ont bien changé. A l'époque, les développeurs ne prémâchaient pas le gameplay pour des joueurs trop pressés d'avancer. Il faudra donc parfois prendre le temps de trouver sa route ou encore s'attarder sur le comportement d'un boss pour finalement trouver son point faible.
Techniquement, le titre accuse aussi son âge avec des modélisations par moments un peu sommaires mais l'ambiance, tout de même très présente, donne une véritable âme à l'aventure. A chacun de ses jeux, Oddworld Inhabitants parvient à installer le joueur au centre d'un monde excentrique, mais cohérent avec lui-même. La thématique western est ici exploitée avec brio et même s'il ne s'agit pas du plus beau jeu du monde, on se délecte constamment des nouveaux décors qui s'ouvrent à nous. Il faudra simplement passer les quelques premières heures, un poil longuettes, pour voir le titre passer à la vitesse supérieure, dévoiler de nouveaux environnements, mettre en place de nouveaux enjeux et finalement obtenir son statut de grand jeu.
Points forts
- Un héros et un univers atypiques
- L'ambiance ciselée qui rend hommage au western
- Les doublages (anglais uniquement)
- Le scénario qui prend du poids au fil du jeu
Points faibles
- Quelques premières heures un peu longues
- Maniabilité logiquement moins souple que l'original
C'est une évidence, la version mobile Oddworld : La Fureur de l'Etranger n'est peut-être pas la meilleure pour découvrir cet univers. Elle reste toutefois un vecteur tout à fait correct pour qui n'a pas d'autre choix et souhaite se plonger dans un monde fascinant qui gagne en profondeur à mesure que le scénario avance. Rempli d'idées originales (telles que les munitions vivantes), le jeu est surtout une preuve supplémentaire du talent d'Oddworld Inhabitants, un studio que l'on a hâte de revoir un jour sur le devant de la scène.