De Battle of Olympus à God of War, en passant par Rise of the Argonauts, les jeux vidéo nous ont appris à ne pas défier impunément les dieux issus de la mythologie grecque. Nikandreos, le héros du jeu Apotheon, s'est pourtant lui aussi attiré les foudres des divinités de l'Olympe, toujours aussi peu enclines à se soucier du sort de l'humanité. Envoyé par la déesse Héra pour défier Zeus en personne, il lui faudra déjouer une à une les ruses des dieux du panthéon gréco-romain dans cet action-RPG en 2D aussi inspiré sur le plan visuel qu'intransigeant dans ses choix de gameplay.
Imaginé par le studio indépendant Alientrap, qui s'était fait remarquer en 2011 avec Capsized, un titre dans lequel on se glissait dans la combinaison d'un voyageur intersidéral explorant de lointaines planètes, Apotheon nous projette lui dans le passé, au cœur de la mythologie grecque. Un thème régulièrement abordé dans le domaine du jeu vidéo mais traité ici de manière très audacieuse, pour ne pas dire carrément inhabituelle. Car Apotheon adopte une direction artistique qui tente de reproduire avec une fidélité étonnante le style propre aux céramiques de la Grèce antique, nous donnant l'impression d'évoluer sur la surface des amphores de l'époque. Les décors tout comme les personnages semblent peints à l'image de ces figures noires et rouges très stylisés et nous donnent un aperçu de ce qui se passerait si elles s'animaient subitement pour vivre les scènes qu'elles décrivent. L'idée est originale et amusante, et le rendu suffisamment convaincant pour se laisser prendre au jeu, pour peu qu'on soit sensible à cette forme d'art antique qu'on ne s'attendait pas vraiment à voir transposée un jour dans un jeu vidéo.
Apotheon s'intéresse d'ailleurs autant à l'art de la Grèce antique qu'à ses croyances puisque le titre regorge de références mythologiques et d'extraits d'oeuvres d'Homère, mais aussi d'autres auteurs et poètes bien connus des passionnés de cette période à qui le soft s'adresse tout particulièrement. Des textes malheureusement en anglais, tout comme les voix qu'on aurait plutôt aimé entendre résonner en grec ancien pour renforcer l'immersion dans cette épopée, même si le doublage reste de qualité. L'ascension du Mont Olympe réserve à Nikandreos bien des surprises, les adversaires majoritairement humains laissant régulièrement la place à des créatures féroces issues du bestiaire mythologique grec, tandis que les héros et les dieux se réservent généralement le rôle de boss de fin de niveaux. Le titre affiche d'ailleurs une structure assez ouverte, les endroits sécurisés, propices aux opérations de restockage, donnant toujours accès à trois nouvelles zones distinctes que l'on peut explorer en parallèle ou dans l'ordre de notre choix
Depuis l'agora, on ouvre ainsi les portes donnant sur les domaines d'Artémis, d'Apollon et d'Hadès. Mais à l'instar des autres dieux, la déesse de la chasse nous réserve un accueil fort peu chaleureux et mettra notre bravoure à l'épreuve dans une traque pour le moins inattendue. Encore plus fourbe, Apollon tentera de nous piéger avant même que l'on n'ait pu dégainer notre arme tandis qu'Hadès fera tout pour nous empêcher de faire sortir son épouse Perséphone des enfers. Depuis l'acropole, ce sont Poséidon, Athéna et Arès qui nous attendent de pied ferme, moyennant une visite du royaume des mers à dos d'hippocampe, un test d'habileté à l'intérieur d'un labyrinthe en rotation perpétuelle et une épreuve de force beaucoup plus classique. Bien sûr, le point d'orgue reste la confrontation ultime avec Zeus au sommet de l'Olympe, ce qui devrait survenir, si tout se passe bien, au bout de 7 à 8 heures de jeu environ pour un premier run en ligne droite.
Sachez tout de même que vous ne serez réellement en sécurité nulle part puisque l'agora et l'acropole abritent toutes deux des cachettes secrètes et des coffres précieux auxquels vous ne pourrez accéder qu'en sortant votre arme, signe de violence indiscutable qui vous attirera immédiatement les foudres des gardes olympiens. Vous aurez alors deux solutions : payer une somme d'argent pour vous faire pardonner votre affront en renonçant à ces trésors inestimables ou bien aller jusqu'au bout et éliminer vos opposants, seul moyen de fouiller chaque zone du jeu à 100%. Les coffres renferment d'ailleurs bien souvent des upgrades non négligeables pour votre équipement, vous permettant d'économiser de l'argent tout en renforçant un héros bien faiblard en début de partie. Les armes, dont la durabilité est excessivement faible, coûtent cher elles aussi, et on ne peut optimiser leur rapidité et leur puissance qu'en déboursant encore une somme d'argent non négligeable auprès de l'entraîneur.
L'arsenal de Nikandreos se montre étonnamment fourni, ce qui constitue autant un atout qu'un handicap dans le sens où le rôle joué par chaque arme implique de jongler entre elles très souvent. Sauf que l'inventaire affiche un manque d'ergonomie évident qui le rend quasiment inutilisable au cœur de l'action, nous obligeant à mettre le jeu en pause à chaque fois qu'on veut changer d'arme pour éviter de se prendre un coup durant l'opération. Autant dire que cela casse considérablement le rythme des batailles qui exigent par ailleurs une très grande anticipation dans la mesure où la lenteur des frappes oblige à calculer chacun de ses assauts avec soin. Car Apotheon n'a rien d'un beat'em all et il n'est pas question d'enchaîner des combos ni d'infliger des attaques furies à la face de ses ennemis. Le système de combat relève en cela presque plus de la philosophie d'un Bushido Blade dans le sens où chaque frappe peut s'avérer mortelle, surtout si les attaques sont portées en pleine tête. D'autant que chaque type d'arme (lance sarisse, doru d'hoplite, lame xiphos, etc.) diffère par sa portée, sa vitesse et sa capacité à percer les défenses adverses, le héros pouvant également recourir à tout un panel d'armes de jet (arcs, javelines, etc.), d'explosifs et autres objets plus inhabituels, comme les poudres d'invocation de familiers, pour varier ses assauts.
Pour se défendre, Nikandreos dispose d'un bouclier dont la résistance est encore une fois limitée, et surtout d'une armure qui protège ses points de vie et qu'il faut donc régulièrement réparer pour éviter de mourir en deux ou trois coups. Dommage que cette opération nous laisse totalement vulnérable en plein combat, les potions de soin représentant alors le dernier recours pour survivre lorsque les points d'armure sont à zéro. Autant de raisons qui rendent le craft essentiel dans le jeu, même s'il faut d'abord mettre la main sur des recettes avant de pouvoir créer soi-même les kits de réparation et autres boots salvateurs dans les moments les plus critiques. Intransigeant, corsé même dans son niveau de difficulté minimum et parfois décourageant, Apotheon mérite pourtant qu'on prenne le temps d'apprivoiser ses mécanismes de gameplay pour se rendre compte que les difficultés sont finalement loin d'être insurmontables, d'autant qu'il est possible de sauvegarder à tout moment pour éviter les catastrophes, et contourner ainsi les nombreux plantages rencontrés sur la version PS4, que l'on espère voir rapidement corrigés. Jouable uniquement en local pour le moment, le mode Versus à deux joueurs se déroule dans des arènes fermées inspirées des environnements du jeu, le dernier étant à déverrouiller une fois le combat final remporté. Dommage qu'aucun mode coopératif n'ait été implémenté car le jeu aurait pourtant pu s'y prêter aisément.
Notre vidéo-test de Apotheon sur PS4
Points forts
- Direction artistique unique en son genre
- Les nombreuses références mythologiques
- Bande-son vraiment efficace
- Gameplay intransigeant qui oblige à jouer de manière fine
- Système de craft bien intégré
- Possibilité de choisir l'ordre des niveaux et d'explorer plusieurs zones en parallèle
- Durée de vie solide (environ 8 heures pour un premier run) et nombreux bonus cachés
- Trois degrés de difficulté accessibles (dont un à débloquer)
Points faibles
- Premier contact rebutant, le temps d'apprivoiser le gameplay et la lenteur des frappes
- Accès à l'inventaire vraiment peu ergonomique
- Aurait mérité une traduction
- Pas de coop en local (versus uniquement)
- Bugs et plantages très fréquents sur la version PS4
Remarquable dans son traitement du thème choisi, avec une direction artistique nous donnant l'impression d'évoluer sur des fresques reprenant l'imagerie des céramiques de la Grèce antique, Apotheon est un jeu qui sort de l'ordinaire. Sur le plan artistique mais aussi dans ses choix de gameplay qui, malgré des lacunes évidentes qui rebuteront immanquablement ceux qui s'attendaient à des combats nerveux et intuitifs, rendent l'expérience de jeu unique en son genre. Dommage que le manque d'ergonomie de l'inventaire et l'intransigeance du gameplay ne permettent pas d'en profiter autant qu'on le souhaiterait, surtout sur la version PS4 où les plantages fréquents nous obligent à sauvegarder très souvent.