Artistes dans l'âme et amateurs d'ombres chinoises, il semble qu'une petite voix vous ait entendus, celle des créateurs de A Walk in the Dark. A l'heure de ce test, cet humble jeu de plates-formes indépendant au charme indiscutable a sans nul doute déjà trouvé son public. Cependant, il est toujours bon de le (re)découvrir car il a encore de belles heures devant lui et pourrait certainement en envoûter plus d'un. Mais, coincée entre l'esthétique d'un Element4l et le gameplay d'un VVVVVV, cette petite perle arrive-t-elle à suffisamment se distinguer ? Réponse.
Bien que datant de décembre 2012, A Walk in the Dark est toujours aussi actuel dans son approche du jeu indépendant où l'originalité paye souvent. La beauté de l'univers est un fait, mais le postulat est somme toute assez classique : vous incarnez tantôt Bast, un chat, tantôt Arielle, sa jeune maîtresse aux faux airs d'Alice, qui doivent tous deux surmonter les épreuves d'un jeu de plates-formes parfois cruel. Malgré un scénario extrêmement pauvre et qui aurait pourtant mérité un peu plus d'attention, A Walk in the Dark a tout de même de sacrés arguments à faire valoir. On signale au passage que le jeu est uniquement disponible en anglais, ce qui n'est pas pénalisant dans le sens où la lecture est tout simplement inexistante.
Quiétude et élégance
Sans même avoir touché au jeu, le titre en soi, A Walk in the Dark, est déjà une invitation à une balade vidéoludique ; l'esthétique du soft et sa bande sonore ne font que le confirmer. Contrairement à ce qu'il pourrait laisser penser de prime abord, A Walk in the Dark a fermé la porte au glauque et à l'angoisse. Les ombres en premier plan et le fond coloré, bercé de lumière, donnent au jeu un côté littéralement enchanteur. A cela vient s'ajouter la féerie de l'univers, qui prend place dans différents lieux (forêt, maison, etc.) au sein desquels on peut croiser hérissons et chauves-souris. Quiétude et élégance sont certainement les deux qualificatifs qui collent le mieux à mon ressenti lorsque j'y ai fait mes premiers pas. D'ailleurs, la mort exprimée par l'évaporation de votre personnage en un nuage de fumée ne fait que certifier que le malsain est exclu. Soyez donc rassuré, on est assez loin d'un Limbo et de son ambiance réellement pesante.
La bande-son n'est pas en reste. Bruissements des feuilles, rouages en marche, clapotement de l'eau, portes qui grincent, c'est tout de suite ce qui attire l'oreille avant même qu'on ait le temps de comprendre le pourquoi du comment. Les bruits d'ambiance suffisent à rendre l'atmosphère vivante et enveloppante, mais le tout est surtout accompagné de morceaux de piano absolument magnifiques. Ces derniers sont particulièrement réussis et je m'incline devant Cody Cook, le compositeur, qui a d'ailleurs reçu un prix dans la catégorie Best Audio aux indiePub’s 2012 Independent Propeller Awards pour l'OST de A Walk in the Dark. Je ne taris pas d'éloge depuis le début de ce paragraphe, mais il est assez rare qu'un jeu me happe à ce point. Je ne peux m'empêcher de le comparer au très récent et fort plaisant Never Alone, surtout à travers ce côté aguicheur qui cache néanmoins quelques travers.
Vous ne passerez pas !
Tout orinique qu'il soit, A Walk in the Dark reste impitoyable. Le jeu comprend 100 niveaux répartis en 5 mondes qui s'entrelacent et qui ont chacun un style de gameplay bien spécifique. Vous enchaînez les niveaux, très rapides, par tranches, où chacune d'elles est vraiment liée à un monde bien précis. Afin de ne pas vous gâcher le plaisir de la découverte, on peut citer entre autres The Strange World, qui s'inspire clairement de VVVVVV avec ses sauts qui défient la gravité, ou The House, très proche d'un Super Meat Boy. Au fil de l'aventure, on peut également récupérer des boules de lumière, les Shiny, qui font office d'objectifs secondaires. Souvent très difficiles à atteindre, ils vous permettent de débloquer les Challenges, qui s'apparentent à des niveaux bonus. Conséquemment, si le gameplay n'a rien d'original, il n'en reste pas moins addictif et votre collectionnite aiguë refera certainement surface.
La physique très différente des deux personnages jouables n'est pas évidente à appréhender ; certes déroutante au départ, elle apporte néanmoins une variété et une difficulté intéressantes. Egalemment à noter, mais c'est là chercher la petite bête, la délimitation des hitbox est assez déconcertante car elle n'est pas clairement définie, on meurt parfois sur certains éléments qu'on croyait pourtant éloignés ou sûrs. A fortiori, certains passages passent au millimétre près. Mais heureusement pour nos nerfs, une mort est immédiatement suivie par une résurrection ce qui ne casse pas le rythme et vous invite d'autant plus à perfectionner vos sauts afin d'arriver à la fin du niveau. Il faut au passage saluer la fluidité de l'ensemble et la quasi-absence de temps de chargement qui rendent l'expérience de jeu très agréable. Vous l'aurez compris, bien qu'amplement satisfaisant, le gameplay n'est pas la force première de A Walk in the Dark.
Points forts
- Un univers poétique
- Une bande-son sublime qui vous transporte (mention spéciale au thème de The Forest)
- La synthèse réussie de plusieurs types de gameplay (VVVVVV, Super Meat Boy)
- Une durée de vie courte mais honorable
- Addictif
- La difficulté, assez relevée
Points faibles
- Les hitbox parfois incompréhensibles
- Peu d'originalité dans les mécaniques de jeu
- Le scénario trop expéditif et qui aurait pourtant pu appuyer la patte graphique
A Walk in the Dark n'est clairement pas le type de jeu qu'on retiendra pour l'originalité de son gameplay. Mais son ambiance à elle seule suffit pour nous transporter dans un autre monde : casque sur les oreilles et manette en mains, vous oubliez ce qui vous entoure. On ne peut d'ailleurs que saluer le parti pris esthétique tout en ombres ciselées, ainsi que la bande sonore qui suit en filigrane et avec brio cet univers envoûtant. Malheureusement, Flying Turtle Software, le studio à l'origine du projet, a trop misé sur cette atmosphère charmante oubliant au passage d'ajouter des mécaniques de jeu un tant soit peu inédites. L'ensemble est cohérent et exigeant, entre un VVVVVV et un Super Meat Boy, mais l'impression de déjà-vu, trop forte, est à peine masquée par la direction artistique. Néanmoins, pour 5 euros et malgré ces quelques travers, vous passerez un délicieux moment.