Après Persona 3 Reload, Unicorn Overlord et Shin Megami Tensei V : Vengeance, Atlus nous gratifie d'un quatrième RPG massif en 2024. Huit ans après l'annonce de Project Re Fantasy, Metaphor ReFantazio marque le retour du trio Hashino-Soejima-Meguro qui a fait de Persona l'un des grands noms du jeu de rôle japonais. Alors est-ce que l'attente en valait la chandelle pour ce Persona à la sauce fantaisie ? Oh que oui.
Katsura Hashino, Shigenori Soejima et Shoji Meguro. Si ces noms ne vous disent rien, il s'agit des trois hommes qui sont (en partie) à l'origine du succès de Persona aujourd'hui. Avec Hashino en tant que director, Soejima en directeur artistique et Meguro en compositeur, c'est avec Persona 3 que le trio marque son arrivée sur la franchise.
Par son esthétique sombre et urbaine, sa musique au mélange des styles et surtout son gameplay entre jeu de rôle et gestion du quotidien et des relations sociales, cet épisode est un tournant majeur pour cette sous-série de Shin Megami Tensei. Si la formule se met en place avec Persona 3 et s'affine avec Persona 4, c'est bien avec Persona 5 que la franchise explose en popularité dans le monde entier, au point de devenir l'un des plus grands noms du JRPG aux côtés de Final Fantasy, Dragon Quest et autres Tales of.
Après une telle réussite, les fans de jeux de rôle étaient impatients de découvrir le nouveau projet de ce trio gagnant qui voulait tourner la page après Persona 5. Dès le mois de la sortie du jeu, ils annoncent Project Re Fantasy, un mystérieux titre qui s'éloigne de l'aspect urbain et contemporain de Persona pour tendre vers la fantaisie, comme son nom l'indique. Alors que ce projet avait pour ambition de révolutionner le genre, on n'en a plus du tout entendu parler... jusqu'en 2023.
À l'occasion d'un Xbox Game Showcase, Project Re Fantasy devient Metaphor : ReFantazio et s'annonce comme un Persona dans un univers de fantaisie dans une direction artistique originale. Au-delà d'une esthétique folle, ce tout nouveau projet réussit-il l'exploit d'être aussi bien, voire meilleur que Persona 5 ?
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Un voyage mémorable dans un univers de fantaisie unique
Loin du cadre contemporain et urbain des Persona, Metaphor Re Fantazio nous présente un monde de fantaisie composé de huit tribus différentes qui ne s'entendent pas entre elles. Après que le prince du royaume a disparu suite à une attaque manquée, le roi est assassiné par Louis, un ambitieux général issu du peuple qui s'est fait une popularité en combattant des monstres terrifiants appelés les Humains. Alors qu'il s'apprête à faire un coup d'État, le roi récemment décédé revient sous la forme d'un astre menaçant à la Majora's Mask et organise un tournoi pour décider de la personne qui lui succédera sur le trône. C'est le peuple lui-même qui décidera de son nouveau suzerain après une série d'épreuves à travers le pays.
Dans ce contexte, on incarne un soldat qui décide de participer au tournoi afin de tuer Louis et ainsi lever la malédiction lancée sur le prince dont il est le meilleur ami. Seul problème, la magie du roi protège les aspirants les plus populaires d'être assassiné, pour que la décision du peuple soit respectée quoiqu'il arrive. Il revient donc à notre héros et ses alliés de parcourir le royaume pour sauver le prince et faire en sorte de créer un monde meilleur.
Au-delà d'un cadre inédit, ce nouveau titre marque surtout un changement de thématiques pour le trio. Si Persona 5 traitait de questions sociales actuelles, Metaphor ReFantazio est plus universel et n'hésite pas à être politique en évoquant des thèmes concrets. La discrimination, la xénophobie ou encore les rapports de puissance au sein de la société : le jeu se focalise sur certains éléments pour faire ressortir des travers de notre monde à travers une intrigue remplie de rebondissements. Tout cela se traduit autant dans son univers intéressant caractérisé par des cultures différentes que dans son casting de personnages attachants et charismatiques.
En plus d'être pour la plupart adultes, nos compagnons ne peuvent pas faire l'objet de romance et leurs histoires personnelles sont souvent matures, qu'elles soient à propos des responsabilités, de la peur de l'abandon ou même du deuil. Au-delà de cette dimension politique assumée, là où le scénario de Metaphor ReFantazio excelle c'est surtout dans la sensation de voyage que procure son aventure qui nous emmène aux quatre coins du royaume. Par son intrigue, ses paysages et les cultures différentes qu'il propose, le jeu nous donne vraiment un sentiment de dépaysement.
Artistiquement magnifique pour camoufler une technique datée
Dès son annonce, Metaphor ReFantazio a scotché tout le monde par ses visuels. Comme pour Persona 5, l'esthétique du titre a fait l'objet d'un soin tout particulier. Il en résulte une direction artistique unique à la fois bariolée, baroque, et surtout très inspirée de la Renaissance. C'est surtout le cas pour les Humains, ces monstres informes et cauchemarques qui rappellent les tableaux de Pieter Brueghel l'Ancien et surtout de Jérôme Bosch dont certains ennemis sont une référence directe à peine déguisée.
En plus de ces monstres et de ceux qui reprennent les grands clichés de la fantaisie, les personnages principaux profitent aussi de designs originaux qui les démarquent, variant entre la fantaisie revisitée et le style hippie, étonnamment. Pour ce qui est décors, on a le droit à de magnifiques panoramas dignes de véritables estampes lors de notre aventure qui renforce encore plus ce sentiment de voyage.
Bien plus que par ses personnages, ses monstres et ses environnements, c'est bien par son enrobage visuel que Metaphor Re Fantazio envoûte le plus. À l'image de Persona 5, le moindre élément a fait l'objet d'un soin particulier, que soit les menus et leurs magnifiques artworks, les transitions, la carte du monde et même l'interface de combats. Ce souci du détail rend l'expérience visuellement sublime et le démarque des autres JRPG du genre. Ce charme unique est d'autant plus renforcé par les compositions de Shoji Meguro qui s'éloignent de l'acid jazz de Persona 5. À la place, on a des musiques qui collent à cet univers de fantaisie, avec à la fois des thèmes épiques et baroques pour le combat, des mélodies envoûtantes pour les voyages et même des morceaux chantés qui ne sont pas rappelés la bande-son de NieR Automata.
Évidemment, tout cet enrobage artistique ultra-léché permet de camoufler la technique du titre qui est loin d'être impressionnante, voire parfois carrément datée sur certains environnements et autres animations de personnages. On a même eu droit à quelques ralentissements sur la version Xbox Series X qu'on a testée. Mais bon, la méthode de compenser une technique pas toujours au top par une direction artistique impressionnante avait bien marché par le passé et elle fonctionne une fois de plus ici.
Entre temps réel et tour par tour, un gameplay d'une richesse folle
En apparence, le gameplay de Metaphor ReFantazio n'a pas l'air d'être une grande révolution par rapport à Persona. On retrouve des combats au tour par tour avec des mécaniques d'exploitation de faiblesse élémentaire pour infliger plus de dégâts et gagner un tour. Même si de ce point de vue là ce n'est pas très original, ce système a fait ses preuves au fil du temps. La petite nouveauté, c'est que les compétences de nos combattants peuvent être combinés dans une attaque de symbiose souvent puissante qui consomme deux tours d'au lieu d'un. En plus de ça, la bonne idée de Metaphor c'est d'introduire une dimension en temps réel avant ses combats.
En explorant un donjon, vous pouvez frapper directement un ennemi afin de l'étourdir et commencer l'affrontement qui passe alors au tour par tour avec un net avantage. Mieux, si votre adversaire est plus faible, vous pouvez le vaincre d'un simple coup, sans passer par un combat classique, et quand même récupéré de l'expérience. Si le titre d'Atlus n'a rien inventé et reprend cette idée de The Legend of Heroes : Trails Through Daybreak, cela facilite grandement l'exploration des donjons et même le farm en général.
Cet ajout est particulièrement pratique pour améliorer ses Archétypes, l'équivalent des Persona. Dans Metaphor, il existe des Archétypes qui représentent des classes classiques du jeu de rôle : guerrier, chevalier, voleur, mage, guérisseur etc... Comme dans Final Fantasy V, ces jobs débloquent de nouvelles compétences grâce à de l'expérience qui leur sont propres. Au départ, on ne peut transférer qu'une capacité d'un Archétype à l'autre, mais au fil du temps, cette limite augmente drastiquement. Résultat, on peut transférer (quasiment) n'importe quelle compétence active comme passive d'une classe à l'autre ce qui permet de créer une immense variété de combinaisons. De quoi mettre au point des builds complètement cassés avec un peu d'imagination.
Et le mieux dans tout ça, c'est que contrairement à Persona, ce système s'applique à tous les combattants et pas uniquement au héros. Il en résulte une mécanique classique, mais riche en possibilités qui s'avère bien pratique pour faire face à toutes les situations proposées par le jeu. D'ailleurs, sachez que le challenge est au rendez-vous dans Metaphor ReFantazio, du moins en mode normal. Pour autant, pas de panique, le titre donne toujours des informations sur ses combats au préalable et on dispose d'objets pour monter rapidement certains Archétypes mis de côté en cas de besoin.
L'aboutissement de la formule Persona ?
En plus d'être un jeu de rôle aux combats au tour par tour, Metaphor ReFantazio est surtout très similaire à Persona dans sa structure. L'aventure est découpée en jours durant lesquels le joueur est libre de ses actions en attendant la prochaine échéance de l'histoire principale. Au-delà de renforcer ses personnages en allant farmer, on améliore ses relations avec ses alliés afin d'acquérir de nouvelles compétences et obtenir des Archétypes inédits, ou alors on fait progresser ses vertus royales, sorte de points de statistiques sociales, pour débloquer certaines situations. On retrouve donc cette formule où la gestion du temps est centrale, sauf qu'à la différence de Persona, l'aspect voyage donne ici une autre saveur à l'aventure.
Pour se rendre dans un donjon par exemple, cela peut prendre plusieurs jours ce qui offre l'occasion de voir du pays et donne plus de consistances à cet univers riche. Comme quoi, cette formule si liée au quotidien et à la routine fonctionne parfaitement bien dans le cadre d'une épopée. Et puis surtout, cette formule hybride entre gestion du temps et RPG semble plus maîtrisée que jamais ici. On a le sentiment que tout a été optimisé par rapport à Persona 5, avec à la fois toujours quelque chose à faire, quelqu'un à qui parler, tout en trouvant le temps de tout faire sans avoir à suivre une route sans fautes. Vraiment, on a la sensation que les développeurs ont trouvé l'équilibre parfait de la structure mise au point depuis Persona 3.
Si on vous loue les qualités de Metaphor ReFantazio, l'expérience n'est pas pour autant sans lacunes. On pourrait vous parler de ses menus qui, au-delà d'en mettre plein les yeux, ne sont pas toujours clairs, voire pratiques, ce qui demande un petit temps d'adaptation. Heureusement que l'aventure dure des dizaines d'heures ! On aurait aussi pu évoquer la structure des donjons qui sont assez simples à base de longs couloirs remplis de monstres. Si cela est vrai pour ceux de la quête principale, ceux des quêtes secondaires sont répétitifs et on voit plusieurs fois la même structure durant l'aventure. De ce point de vue là, on a un peu l'impression d'un retour en arrière face aux palais de Persona 5 d'ailleurs qui tentaient de dynamiser l'exploration. Mais bon, tout cela n'a pas de quoi éclipser le plaisir que procure ce voyage baroque qui marque le grand retour de Katsura Hashino, Shigenori Soejima et Shoji Meguro.
Conclusion
Points forts
- Une magnifique direction artistique inspirée de la Renaissance
- Une expérience visuellement soignée dans les moindres détails
- Une formule addictive où il y a toujours quelque chose à faire
- Des combats aux mécaniques classiques, mais bien huilées
- Les combinaisons offertes par le système d'Archétype
- De l'action en temps réel pour dynamiser et faciliter l'exploration
- Une vraie sensation de voyage dans un univers intéressant
- Des personnages charismatiques aux designs originaux
- Des compositions particulièrement inspirées de Shoji Meguro
Points faibles
- Graphiquement et techniquement daté sur certains éléments
- Des donjons répétitifs à la structure trop classique
- Une interface et des menus pas toujours pratiques
Note de la rédaction
Plutôt que de révolutionner la formule de Persona 5, Metaphor ReFantazio l'affine pour offrir un voyage mémorable et addictif tant on a du mal à lâcher la manette. Dans cet univers de fantaisie baroque, Metaphor se démarque tout de même de son prédécesseur par la richesse de son gameplay, sa direction artistique originale et son message plus politique que jamais. Mais surtout, le nouveau titre du trio Hashino-Soejima-Meguro a des allures d'aboutissement de la formule Persona par sa maîtrise du rythme et ses ajouts de confort de vie comme ses combats en temps réel. Il en résulte l'un des meilleurs jeux de rôle de 2024 qui a tout pour être le Persona 6 qui ne dit pas son nom que l'on attendait depuis huit ans.