L'air de rien, la série Test Drive est une véritable institution vidéoludique : depuis 1987 déjà, son moteur vrombit pour le plus grand plaisir de millions de joueurs, qui ont pu se rabattre sur pas moins de onze épisodes sortis du garage. Solar Crown est donc le douzième et sur sa carrosserie repousse une lourde responsabilité : celle d'assurer un héritage conséquent tout en renouant avec le succès, douze ans après Test Drive Unlimited 2. Un défi de taille, pas tout à fait relevé.
Ce test a été réalisé depuis la version PlayStation 5.
C'était en 2012 qu'Eden Games sortait Test Drive Unlimited 2 : le studio français, qui a depuis mis la clef sous la porte avant de renaître de ses cendres pour travailler sur la série Gear.Club, avait alors séduit les joueurs PC, PS3 et Xbox 360 en les emmenant à Ibiza. Et depuis, hormis l'épisode Test Drive : Ferrari Racing Legends (d'ailleurs conçu par le studio derrière les Project CARS), la série s'est tout simplement éteinte, au grand dam de toute une communauté.
Il aura donc fallu s'avérer patient, mais tout vient à point à qui sait attendre. S'il ne s'appelle pas Test Drive Unlimited 3, Test Drive Unlimited : Solar Crown n'en demeure pas moins le parfait représentant, tant désiré depuis plus d'une décennie. Cette fois-ci, c'est Kylotonn qui est en charge du projet, studio parisien derrière les récents WRC, avec un tout nouveau contexte : l'île de Hong Kong, reproduite à l'échelle 1:1. Un challenge ambitieux pour la firme et une proposition séduisante pour les joueurs, avides de replonger dans une expérience soucieuse du détail où l'amour de l'automobile se mêle presque au jeu de rôle, du moins sur le papier.
Des étoiles dans les yeux
Pas facile de se démarquer des autres concurrents, surtout face aux ténors en monde ouvert que sont les Forza Horizon ou les The Crew : pour le coup, Test Drive Unlimited Solar Crown reprend donc le concept de ses prédécesseurs, à savoir une immersion poussée dans la peau… du conducteur. On s'explique : après avoir créé son personnage et l'avoir habillé, le joueur se retrouve donc engagé dans le Solar Crown, une compétition automobile prestigieuse dont la nouvelle édition se tient à Hong Kong et ses environs. Il dispose ainsi d'une véritable suite ultra-luxueuse, avec un dressing cinq étoiles et la possibilité de se balader dans son hôtel via une caméra à la première personne, profitant de quelques services. De même, les concessionnaires sont à découvrir dans la map et à visiter soi-même : on s'approche de chaque voiture, on peut y rentrer et admirer l'intérieur, un peu comme on pourrait le faire dans la vraie vie. Il en est de même pour les ateliers d'améliorations : en fait, le parti pris du jeu est vraiment de vous impliquer, presque humainement, dans l'expérience du Solar Crown.
Notons toutefois que cet aspect est moins poussé que dans TDU 2 et si l'initiative est toujours plaisante et rafraîchissante, elle alourdit aussi toute la navigation et l'expérience. Là où on mettrait quelques secondes à accéder à une liste de bolides à acheter ou à améliorer, on doit ici prendre le temps d'y aller, de marcher, de sélectionner sa voiture, etc. Ce n'est pas, en soi, un élément purement négatif mais plus un parti pris qui permet la différentiation avec la concurrence… et c'est après tout l'âme de Test Drive Unlimited. Malgré tout, on peut se questionner légitimement sur l'intérêt pur et dur du système, qui relève vraiment de l'anecdotique quand on prend un peu de recul. Les suites d'hôtel sont tout simplement inutiles, la modélisation du personnage et son animation sont plus que sommaires et, oui, admettons-le, habiller son avatar d'une façon ou d'une autre - qui plus est de façon très limitée - n'est pas bien passionnant. À tel point que miser là-dessus comme un argument marketing relèverait plus de la poudre de perlimpimpin qu'autre chose.
Doucement, mais péniblement
Le problème justement, que c'est que Test Drive Unlimited Solar Crown fait un focus peut-être un peu trop important sur l'inutilité. Avant d'embrayer sur le gameplay, après tout facette primordiale (ici plutôt réussie) d'un jeu de course comme celui-là, tâchons de nous concentrer sur l'un des deux véritables problèmes du jeu : son système de progression. Au début du jeu, nous devons choisir entre deux clans : les Streets, dont le HUB se plante dans un club aux néons stylisés, ou les Sharps, qui se placent dans un domaine ultra-luxueux. Le hic, c'est qu'appartenir à l'un ou à l'autre ne change finalement rien à l'expérience : il n'y a quasiment aucune interaction avec les membres de notre groupe, dont on se fiche d'ailleurs éperdument, et il n'y a absolument rien à faire dans chacun de ces repères. La seule chose à y gagner repose sur du cosmétique - un sticker tribal à poser sur notre voiture, un bonnet, un marcel… - à débloquer à chaque nouveau level d'expérience franchi.
Le problème, c'est que monter en niveau prend un temps absolument fou : les nouvelles épreuves et quêtes secondaires rajoutées tous les cinq niveaux d'XP s'enchaînent finalement trop rapidement et l'on se retrouve presque systématiquement à devoir refaire la même course en boucle et en boucle afin d'arriver au niveau suivant. En d'autres termes, cette progression frustrante pousse énormément à un farming incensé et plus vous avancez dans le jeu, plus les niveaux d'XP seront longs à passer. De notre côté, nous avons passé des heures et des heures à devoir refaire les mêmes épreuves, essouflés par la lassitude, tout simplement car nous avions déjà terminé toutes les nouvelles quêtes et accompli tous les nouveaux objectifs secondaires. Si vous rajoutez à cela un véritable problème d'ergonomie, des sommes d'argents et d'XP assez ridicules à gagner systématiquement et des types d'épreuves répétitifs sans aucune excentricité - contre-la-montre, sprint, course sur circuit, etc. sans mise en scène spéciale - on se retrouve sur alors un jeu rapidement monotone, où l'achat même d'un véhicule devient exceptionnel vu les sommes d'argent rapportées. Et surtout, passer deux heures à faire la même chose en boucle pour remporter une casquette rose sur un personnage mal modélisé, c'est presque insultant.
Entre victoires et grandes défaites
Bien sûr, Test Drive Unlimited Solar Crown a aussi ses réussites. Son gameplay est un point positif : on se place ici à mi-chemin entre l'arcade et la simulation, avec des véhicules aux comportements très différents, qui exigent parfois d'être domptés avec précision et que l'on doit aussi préparer en fonction des conditions météorologiques. Les bruits de véhicules sont de qualité, tout comme les sensations de vitesse qui répondent présentes, même pour les véhicules de début du jeu. L'inertie des bolides est agréable manette en main - la DualSense est très bien exploitée, bravo ! - tandis qu'il est possible de désactiver certaines aides pour accroître le réalisme, ce qui permet d'ailleurs d'augmenter (faiblement) le gain d'argent à la fin de chaque épreuve.
Mais il y a toujours une mauvaise surprise et hélas, Test Drive Unlimited Solar Crown en est chargé : on peut donc commencer par la physique des véhicules, parfois totalement ubuesque et, in fine, extrêmement punitive. Le moindre faux pas ou contact d'un petit bout de carrosserie avec un rochet et l'on se retrouve avec une voiture qui enchaîne les tonneaux, ou des vrilles en s'envolant droit vers le ciel. On vous assure qu'on aurait préféré être de mauvaise foi, mais les situations que nous avons rencontrées ont été plus d'une fois surnaturelles, nous plaçant dans un constat à la fois d'amusement et de frustration extrême. À cela s'ajoute une intelligence artificielle franchement déséquilibrée, voire abusives à certains moments. Généralement, sur l'asphalte, la difficulté des adversaires est très élevée : c'en est même illogique par moment, avec des véhicules de bien plus basse catégorie qui semblent réaliser des accélérations dignes d'une Formule 1… sans parler de leur agressivité tout sauf fair-play. On ne compte plus les fois où l'IA nous est tout simplement rentrée dans le flan en plein virage, nous poussant injustement vers la sortie et incitant finalement à faire de même, puisqu'aucun système de punition n'est instauré. D'ailleurs, on notera que tous les concurrents sont au niveau 60, soit le plus élevé, sans aucune possibilité d'en changer la difficulté : à la limite, nous aurions simplement aimé que le challenge soit progressif, au fur et à mesure de notre avancée dans la carrière. Pourquoi brider ce système et quel est l'intérêt, si ce n'est gonfler artificiellement la durée de vie ? Précisons au passage que bien souvent, les adversaires démarrent la course en faisant des angles droits (?), nous bloquant le passage, ou bien se retrouvent inexplicablement à la traîne dès lors qu'ils sont sur la terre et non plus sur l'asphalte. Preuve que le jeu soufre de véritables problèmes d'IA, ce qui mène également à la consternation.
Et parce qu'il est vraiment nécessaire d'en parler, la moindre des choses, quand on se retrouve hors-jeu à cause d'une intelligence artificielle ultra-punitive ou agressive, aurait été de donner la possibilité de recommencer l'épreuve directement… ou ne serait-ce que de pouvoir faire pause. L'un comme l'autre n'est pas possible à cause de la connexion internet obligatoire, même s'il n'y aucun autre joueur réel dans votre course, et vous oblige donc de revenir dans le monde ouvert, de relancer la course, puis le matchmaking de l'épreuve pour la recommencer. Un système qui vient alourdir énormément l'ensemble, là où on aurait simplement aimé de la fluidité et un peu de bon sens.
C'est d'ailleurs cette même connexion obligatoire qui a mis une balle dans le pied de Solar Crown dès ses premiers instants : rares ont été les sessions de test aussi chaotiques. Pendant des jours et des jours, nous n'avons tout simplement pas pu accéder au jeu à cause de problème de serveurs ; quand nous y arrivions, il était impossible de finir une épreuve sans que les statistiques de course soient réinitialisées. Depuis, la stabilité du jeu a été grandement améliorée - on peut effectivement lancer le jeu sans écueil, hourra - mais les bugs persistent. Déconnexion instantanée, annulation d'une épreuve en plein milieu, sauvegarde automatique qui ne fonctionne plus, crash menant à la fermeture du titre : tout ceci était récurrent et quotidien, et Dieu sait que nous avons passé des dizaines d'heures sur le jeu. Vous en voulez encore ? Une première vitesse qui ne s'enclenche pas pour une raison inconnue, l'impossibilité de regarder dans le rétroviseur à cause d'un écran noir, l'absence de son pendant toute une course, notre personnage qui rentre dans la voiture lors de l'animation de victoire…
Quand Hong Kong fait rêver à moitié
On aurait donc aimé que Test Drive Unlimited Solar Crown soit beau à en pleurer, que le spectacle visuel et artistique rattrapent ces gros points noirs, mais force est de constater que le jeu n'est pas vraiment beau. Sur PS5, le clipping est présent, les détails de l'environnement sont flous, la modélisation des véhicules a un cran de retard : pire que tout, le framerate nous a tout simplement mis des bâtons dans les roues avec des chutes ultra-douloureuses et régulières. On notera aussi la vue cockpit, tout simplement injouable à cause du nombre d'images par seconde qui s'écroule immédiatement.
Pour le coup, difficile d'apprécier à sa juste valeur la ville de Hong Kong et toute son île : il faut bien avouer que la map est grande, très grande même avec quelques jolis environnements. On retrouve de la ville, mais aussi des dénivelés en montagne assez plaisants, de la plage exotique, des villages : on renoue aussi avec certains systèmes efficaces et repris de la concurrence, comme une jauge de risque qui permet de gagner un peu d'argent au fil des drifts et des esquives, ou des radars qu'il faut passer à la plus grande vitesse possible. Malheureusement, et si la map dispose d'un potentiel monstrueux, il parait bien ardu d'en profiter tant le reste du soft manque de polish. On ne peut que croiser les doigts pour que l'aspect technique continue de s'améliorer après moult mises à jour, mais après avoir passé nos journées, soirées et nuits sur le jeu, nous en sommes finalement ressortis lessivés. Lessivés par une finition aux fraises et une progression frustrante, trahissant un manque de temps, ou de budget, ou quoi que ce soit d'autres. Si vous avez récemment fait The Crew Motorfest ou un Forza Horizon, ou même Need for Speed Unbound, vous risquez malheureusement de déchanter avec Test Drive Unlimited Solar Crown. Et ça nous fait mal de le dire, car on l'attendait de pied ferme et avec espoir.
Points forts
- Le cadre de l'Île de Hong Kong, au potentiel certain
- Un gameplay plutôt réussi avec de bonnes sensations de vitesses
- L'utilisation de la DualSense sur PS5
Points faibles
- La connexion obligatoire, couplée à des serveurs catastrophiques, qui pourrit l'expérience de jeu
- Une progression lente, frustrante et presque pas récompensatoire
- Une intelligence artificielle déséquilibrée et inutilement agressive
- Des bugs gênants en pagaille
- En retard graphiquement
- Un framerate totalement instable, même en mode performance
Il y avait de quoi se réjouir du retour de Test Drive Unlimited : proposant une gigantesque map basée sur la reproduction fidèle de l'île de Hong Kong et toujours avec cet aspect immersif propre à la série, Solar Crown avait de bons arguments pour séduire. La finalité, c'est que le titre s'appuie sur une progression répétitive et frustrante qui ne récompense presque jamais le joueur assez courageux pour y investir des heures acharnées ; pire encore, son aspect technique alarmant nous empêche tout simplement de profiter d'un gameplay et d'une direction artistique pourtant réussis. À la place, il faudra faire avec une connexion internet obligatoire qui dégrade l'expérience au point de la rendre parfois injouable et indigeste ; il faudra aussi supporter des graphismes inégaux et un framerate cassé, des bugs en pagaille et une IA déséquilibrée qui pousse aux crises de nerf récurrentes. Heureusement, les sensations et effets de vitesse sont bons, le nombre de voitures est correct et l'environnement plaisant, mais difficile de les apprécier à leur juste valeur pour tous les écueils en question.