Annoncé au Summer Game Fest 2022, initialement prévu pour 2023 avant d’être repoussé à 2024, The Plucky Squire – ou Le Vaillant Petit Page en français – est la preuve que l’on sait toujours quand les histoires commencent, mais jamais comment elles se terminent. Souvent comparé à un Zelda-like au concept original, le titre de All Possible Futures termine-t-il sur le happy end tant recherché par son héros ?
Nous avons testé Le Vaillant Petit Page sur PC via un code Steam envoyé par l'éditeur. Nous l'avons terminé en difficulté Standard.
Ce livre a mangé mon chien
Il n’est pas grand, mais il est vaillant ! L’intrépide Laïus, protagoniste principal d’un livre de contes, compte bien mettre une rouste au méchant de l’histoire. Détruire la présence maléfique, épouser la princesse, avoir beaucoup d’enfants… C’est bien de cette manière que se terminent les récits dédiés à nos biquets, n’est-ce pas ? Alors pourquoi celui-ci serait différent ? Peut-être parce que le vilain sorcier Ragecuite, ayant découvert qu’il est destiné à être inlassablement vaincu, refuse de continuer d’être l'éternel perdant dont tout le monde se gausse. Avec un peu de magie noire, verte en réalité, l’horrible mage expulse Laïus des pages du livre dont il était normalement le héros. S’il veut sauver le royaume Mojo et offrir aux jeunes lecteurs une fin heureuse, le page va devoir les explorer une à une à la recherche d’objets, de compétences et d’amis capables de l’aider dans sa quête.
Elle est là, la particularité qui séduit presque immédiatement le lecteur. En passant à l’intérieur de portails magiques, l’épéiste sort du bouquin pour rejoindre le bureau sur lequel il est posté ! En un claquement de doigts, Laïus quitte l’univers féerique du conte, coloré et dessiné à la main – en 2D – pour rejoindre le monde réel – en 3D – de la chambre d’un enfant, avec ses crayons, jouets, et trombones jetés çà et là. Jouant sur les différences, mais aussi sur les liens entre ces deux états (il est par exemple possible de s’incruster sur des surfaces planes dans le monde en 3D), The Plucky Squire nous met dans de bonnes dispositions. Pour ne rien gâcher, son concept est immédiatement emballant, ses animations sont bien faites, ses musiques sont entraînantes, sa VF est réussie et ses textures/effets sont convaincants.
S’amusant des situations nécessitant des allers-retours entre le récit illustré (2D) et la chambre (3D), le soft édité par Devolver Digital demande de tourner manuellement les pages de la BD afin de retourner dans un ancien niveau, voire de pencher le bouquin dans le but de bouger les gros éléments sur l’autre partie de l’ouvrage. Malin ! La chambre abrite des donjons faits de bric et de broc à l’intérieur desquels se trouvent des objets indispensables à la progression. Les lecteurs grands comme petits n’appréciant pas de tourner en rond sans savoir quoi faire, les auteurs ont ajouté un liseré coloré sur les pages où il y a encore des choses à récupérer. Ils ont aussi octroyé au mini-moi de Barbelune (un gentil magicien) la faculté de donner des conseils utiles.
Les puzzles, articulés autour de la physique et d'objets à mener aux bons endroits, sont bien pensés sans pour autant innover dans quoi que ce soit. Soyons clairs, le défi du titre est loin d’être corsé et renvoyer Ragecuite dans les passages les plus chauds de l’Enfer (de Dante) vous prendra une petite dizaine d’heures en Standard sans voir une seule fois l’écran de Game Over. Plucky, c’est vraiment l’ami des tout petits, sauf peut-être lors des ultimes énigmes.
La couleur des émotions
Notre aventurier porte sur ses vêtements les couleurs de ses inspirations. Le vert de son pantalon rappelle la tunique de Link, héros dont il reprend la caméra en vue de dessus des épisodes 2D de Zelda, mais aussi des mouvements semblables et des mécaniques générales proches. Il faut là aussi visiter divers lieux féeriques infestés d’ennemis, à détruire avec son épée, en n’hésitant pas à ramasser des cœurs pour se soigner. Devoir ouvrir quasiment tous les portails du jeu en tuant l’intégralité des ennemis des zones n’est pas ce qu’il y a de plus original, mais au moins, ça défoule. Quel dommage qu’en-dehors de l’affrontement contre le boss final, on ne compte pas de gros vilains impressionnants à combattre. Ces batailles, aimées des joueurs, ont été remplacées par des mini-jeux pas vraiment excitants s'inspirant d'anciennes gloires du jeu vidéo.
Bien que les séquences action-aventure répondent dans l’ensemble au cahier des charges, elles demeurent d’une facilité extrême au sein d’un univers balisé. Ne vous attendez pas à un level design aussi inspiré que celui de Zelda : A Link Between Worlds, qui jouait lui aussi avec le mariage 2D/3D ! Livre oblige, ici, tout est finalement linéaire et sans grande inspiration.
Le rouge de son pull et de son couvre-chef, quant à lui, fait penser à Mario, le plombier de Nintendo avec qui Laïus partage la passion des sauts millimétrés de plateforme en plateforme lors de séquences en vue de profil. Malheureusement, ces dernières sont guère enthousiasmantes. Il n’y a rien d’inventif, ni de fun… le sentiment de voir du remplissage dans le but de cocher quelques cases est bien là.
D’autres références se dénichent entre les lignes de l'œuvre plutôt que sur le page, à l’image des énigmes utilisant des mots à prendre puis à placer dans des phrases à trous afin de changer le sens de cette dernière, ce qui mène à la résolution du puzzle. Ainsi, les livres “éparpillés” terminent “empilés” pour créer une plateforme, tandis que l’insecte “énorme” qui bouche le passage devient aussi “minuscule” qu’une grenouille avec un peu d’astuce. Les fans de Baba is You ou encore de Lost Words : Beyond the Page seront ravis, d’autant plus qu’il faut parfois chercher des mots d’une autre page pour contourner des difficultés. De rares moments d’infiltration sont au programme, que nous n’osons comparer à ceux de Gylt. Sommaires, ils reposent exclusivement sur le fait de marcher doucement dans le dos des adversaires.
Un peu perdu
Récapitulons : The Plucky Squire est un jeu d’action-aventure à la fois en 2D et en 3D proche dans l’idée des anciens Zelda, avec des éléments de platformer en vue de profil, des énigmes basées sur des mots à placer ainsi que des séquences d’infiltration. En outre, quelques mini-jeux ponctuent l'aventure et rappellent nos heures passées sur des concepts Flash au début des années 2000. Rigolos deux minutes, ils sont tellement dispensables que les développeurs donnent l'opportunité de les zapper, purement et simplement. Vous l’aurez peut-être compris, ce dont souffre Le Vaillant Petit Page, c’est de cette envie de vouloir tout faire sans parvenir à être impeccable dans chacun des domaines qu’il met sous le feu des projecteurs.
L’aspect action-aventure, tout d’abord, est réduit à son plus simple appareil. Certes, il y a bien des caractéristiques à débloquer/améliorer, mais elles se révèlent trop peu nombreuses pour faire évoluer significativement le gameplay tout au long de l’épopée. Il n’y a d’ailleurs aucune compétence qui vient changer quelque chose lors des affrontements ou pendant l’exploration. Le fait de pouvoir lancer son épée et la récupérer tel un boomerang ne sert quasiment qu’en combat, alors qu’il y aurait eu des dizaines de manières de construire des parties de niveaux utilisant intelligemment cette mécanique. De plus, quand Laïus avance de quelques centimètres lorsqu'il donne un coup d'épée, ce qui mène à des collisions avec les créatures hostiles, les imprécisions ne peuvent que sauter aux yeux.
Les phases de plateforme, d’infiltration, de rythme ou d’action arcade sont quant à elles anecdotiques, quand bien même la mise en scène sortirait les grands moyens pour nous assurer que l’on fait un truc cool. En matière de mission design, si l'on met de côté les passages où il faut rendre des petits services superflus alors qu’une menace cataclysmique plane, nous sommes dans les standards du genre. Le rythme est entaché par de nombreux dialogues dont on aurait pu se passer, mais quelques bonnes idées d’écriture (dans la seconde partie du jeu) rehaussent le niveau. Peu importe ce qu'entreprend le joueur, il n'y a qu'une solution possible à un problème donné, quitte à ce que le jeu "triche" histoire de s'assurer que tout sera fait comme il l'entend.
Au cours des dernières heures du périple, après avoir goûté aux différentes compétences, on attend le moment où toutes les mécaniques devront être utilisées en même temps dans un tout cohérent, mais ce moment n’arrive malheureusement jamais. Le soft édité par Devolver se contente finalement d’enchaîner des idées sympathiques tout au long de ses chapitres, apportant de légères variations, sans jamais que ces dernières ne soient approfondies comme nous l’aurions voulu. Le périple du petit héros est malgré tout entraînant et saura apporter de bonnes choses à celles et ceux qui ne voudront pas refermer le livre trop tôt. Les plus jeunes le trouveront parfaitement adapté, là où les vieux briscards ne verront que les limites une fois le charme de la direction artistique passée.
Conclusion
Points forts
- Graphiquement charmant, que ce soit dans les phases en 2D ou en 3D
- De bonnes idées dans tout ce qui touche à la gestion du livre et des mots
- Accessible aux plus jeunes (thèmes, challenge, options)
- Super VF
Points faibles
- Manque de profondeur dans le gameplay
- Level Design qui montre vite ses limites
- Séquences de plateforme/infiltration pauvres et mini-jeux à peine corrects
- Absence regrettable de véritables boss (sauf à la fin) et de temps forts
Note de la rédaction
Il était une fois un petit héros qui, voulant se faire apprécier de tous, s’arrangea à la manière des seigneurs de son époque. Charmant comme un prince, il s’inventa des spécialités avec éloquence, “l’esprit aussi vif que le poing” promettait-il. Mais derrière ses traits avenants, notre aventurier eut bien du mal à cacher ses limites. “Cessez de vouloir enfler, sinon vous crèverez” lui lança une dame ayant vu clair dans son jeu. Ce jour-là, il comprit : à défaut de devenir un nouvel ambassadeur vénéré, il restera ce vaillant petit page estimé.