Après nous avoir mis l’eau à la bouche à la fin du mois de juin, Game Science nous a conviés, un peu comme on se raconte des histoires au coin du feu, pour nous retracer la leur, celle de Black Myth Wukong. Si comme nous vous l’attendiez de pied ferme, il est désormais disponible depuis le 20 août dernier sur PC et PlayStation 5. Après quatre longues années de gestation, notre héros simiesque vient de terminer son voyage en direction des étals - non pas physiques mais numériques - et voici ce que l’on peut vous dire à propos de ce jeu vidéo narratif et solo qui est en train d’exploser les compteurs de joueurs sur Steam.

La claque des titans

Dès sa révélation, Black Myth Wukong a exercé un véritable pouvoir de fascination en raison de son esthétique. Visuellement bluffant, le jeu de Game Science a tapé dans l'œil des joueurs qui y ont rapidement vu l’un des plus beaux jeux narratifs qui soient. Déjà à cette époque, ils n’avaient pas spécialement tort et on l’a compris dès la scène d’ouverture du jeu. En termes de mise en scène, le « premier gros jeu » du studio de développement chinois n’a pas à rougir face aux cadors de l’industrie vidéoludique. On est tout de suite happé par le récit et l’on a qu’une seule envie : vivre cette histoire comme on écoute une fable fantastique d’antan. On l’a dit, la mythologie chinoise n’a que très peu été exploitée dans le milieu du jeu vidéo et c’est ce qui permet à Black Myth Wukong de tirer son épingle du jeu. Découpé sous la forme de plusieurs chapitres, le titre de Game Science nous fait parcourir de multiples biomes, certes classiques, mais qui prennent une tout autre dimension grâce au folklore que les équipes de développement y ont infusé. Architecture, créatures, vestiges religieux… Lorsqu’on lance Black Myth Wukong, on assiste à un dépaysement total !

Au-delà de construire son récit dans des décors qui laissent rêveur, c’est avant tout le soin accordé à ces « mini-mondes » (c'est-à-dire les chapitres) qui participe à cette immersion totale : une montagne mystérieuse et verdoyante, un désert aussi aride que rocailleux, des sommets enneigés entre lesquels on circule, une prison ensorcelante… Quel que soit le cadre des événements, Black Myth Wukong nous fait écarquiller les yeux devant la beauté de ses environnements. Selon les performances de votre machine, vous allez être bluffés, d’autant que le studio - en amont du lancement et peu après nos péripéties « bloquantes » - a déployé une mise à jour qui a débarrassé le titre des bugs frustrants et des soucis techniques qui ont, entre autres, retardé la sortie de ce test. Hormis des éléments qui ont encore tendance à s’afficher au dernier moment, des murs invisibles qui brisent un peu cette immersion ou encore des baisses de framerate dans certaines zones, on observe chaque tronçon de chapitres en étant subjugué parce que ce studio indépendant a su accomplir à travers Black Myth Wukong. Du point de vue de la direction artistique, Game Science nous démontre clairement qu’ils ont élaboré une formule qui fait ses preuves et les équipes de développement le savent, notamment lorsque le jeu nous propose de méditer par moments pour s’imprégner de l’atmosphère du jeu et constater la beauté de ces décors.

Pour ce qui est de la compréhension de l’univers, il est vrai que ce n’est pas spécialement évident de s’y retrouver au départ. Comme on le disait, c’est un folklore riche pour le moins méconnu dans nos contrées. Pour compenser cela, le studio Game Science met à disposition un onglet « Journal » dans lequel on retrouve un tas d’informations et du contexte sur les ennemis et les boss que l’on affronte tout au long du jeu. Plutôt que de nous noyer dans le mysticisme de cette mythologie, Black Myth Wukong nous donne des clefs de compréhension et c’est tout à son honneur. Pour sublimer le tout, le studio met également à disposition la bande-originale du jeu sur l’écran-titre. Point d’orgue de cette haute attention apportée à l’univers, les développeurs ont même pensé à soigner les transitions entre les chapitres à travers différents formats qu’on a rarement l’habitude de voir dans un jeu vidéo, à l’image d’une séquence entièrement en stop-motion du plus bel effet. Sur le papier, ce n’est pas grand-chose mais c’est une coquetterie qui s’apprécie fortement car, comme on va le voir, Black Myth Wukong se montre finalement très hésitant dans sa structure, ce qui lui vaut quelques défauts.

Une expérience linéaire un petit peu à l’Ouest

Lors de notre découverte de Black Myth Wukong, on ne s’attendait pas forcément à ce que le studio Game Science fasse le choix de découper sa narration sous la forme de chapitres assez distincts les uns des autres. Dans les faits, ce n’est pas totalement éloigné du fait d’offrir une relecture assez libre du roman La Pérégrination vers l’Ouest mais on doit dire qu’on a été un peu décontenancé de constater que l’enchaînement se fait de façon un peu abrupte, légèremement de but en blanc, sans qu’on ait parfois de contexte entre le passage d’une région à une autre. Ceci étant dit, l’objectif du jeu a toujours été très clair : offrir une aventure qui met l’accent sur la narration et qui soit une immense porte d’entrée au folklore chinois. En l’état, Black Myth Wukong y parvient aisément mais on s’attendait à ce que cette volonté scénaristique soit plus assumée, c’est-à-dire qu’on soit véritablement face à un jeu couloir qui nous raconte une histoire de A à Z sans trop nous perdre. Le souci, c’est que le jeu nous donne le sentiment que Game Science ne savait finalement pas sur quel pied danser car la linéarité que l’on nous a très souvent vantée n’est pas aussi nette en raison des décisions prises par les équipes en matière d’exploration.

La toute première fois où nous avons eu l’occasion de prendre en main Black Myth Wukong, on avait clairement eu la sensation que l’aventure globale allait nous proposer une sorte de périple où l’on enchaîne des combats plus ou moins titanesques. Il faut dire que la traversée du Chapitre 1 participe grandement au développement de cette impression mais c’est une fois qu’on a repoussé les limites de notre progression qu’on a constaté que le jeu nous laisse plus de liberté qu’il n’y paraît. Attention, on ne parle pas d’un monde ouvert, mais d’une structure qui fait que chaque région, chaque biome est construit à l’échelle d’un niveau à part entière qui peut paraître un brin labyrinthique. En fin de compte, chaque chapitre nous fait aller d’un point A à un point B en empruntant des sentiers remplis d’excroissances ou de portions beaucoup trop larges pour ce qu’elles apportent. Certes, on y trouve des choses à récupérer tels que des coffres à ouvrir, des ressources pour alimenter le système de craft, des « petits » combats de boss ou quelques personnages qui ponctuent le récit de chaque chapitre d’une sorte de quêtes. Le problème, c’est qu’on a souvent la sensation d’être perdue parce que le jeu veut en faire trop du point de vue du level design.

En fait, nous n’aurions pas craché sur un système de carte pour mieux s’y retrouver car on se retrouve souvent à dévier de la fameuse trajectoire qui nous mène vers le combat final de chaque chapitre, celui qui nous permet de récupérer l’une des fameuses reliques que cherche à collecter le Prédestiné. Alors, la majorité du temps, on essaie de cartographier et de mémoriser les endroits où notre curiosité nous porte. C’est lors de ce genre d’instants que l’on se dit que Game Science a peut-être fait une erreur car, écrasé par la grandiloquence des environnements qui manque de densité, on a l’impression de passer davantage de temps à ratisser des lieux assez vides et qui, si on décide de jouer la carte de l’exploration, installent une lassitude qui nous fait décrocher du fil de l’aventure. En faisant cela, on a le sentiment que la durée de vie du jeu est artificiellement gonflée, là où Black Myth Wukong aurait été plus savoureux en proposant une expérience plus ramassée et très tranchée en faveur de la narration et d'un challenge subtilement relevé.

Un gameplay qui met au défi et esquive le retour de bâton

Outre l’aspect visuel, c’est aussi la souplesse et la frénésie de son héros lors des combats qui ont marqué les joueurs. À la fois fluide, nerveux et particulièrement jouissif, le gameplay de Black Myth Wukong faisait partie de ses arguments de ventes majeurs. Il est vrai que la perspective de vivre une aventure linéaire et solo tout en profitant d’un système de combat aux petits oignons, ça a largement donné envie à certains de mettre le titre de Game Science en tête de leur liste de souhaits. Manette en main, on avait déjà été très convaincu par la proposition de Black Myth Wukong et la révélation des mécaniques dont on ignorait encore l’existence ainsi que la maîtrise progressive du gameplay n’ont fait que confirmer les bonnes impressions qu’on avait à son égard. Dans ce domaine, les équipes ont multiplié les efforts pour accoucher d’un système de jeu certes classique mais généreux et surtout grisant. Un arbre de compétences pour les fondamentaux du combat, un autre pour les différents types de poses, un troisième pour les sorts et enfin un dernier pour les transformations. Partant d’une base simple, Game Science a insufflé de l’originalité en misant sur la souplesse et l’agilité de son héros, sur son arme de prédilection et sur l’aspect fantastique et occulte du folklore. Compte tenu de cette générosité, il y a plein de manières d’appréhender le gameplay et de multiplier les approches en misant sur une posture plutôt qu’une autre ou sur une association de sortilèges, d'autant que l'on peut aisément revenir sur celles-ci pour expérimenter d’autres voies grâce à une redistribution des points.

La comparaison n’est pas galvaudée mais on pourrait trivialement comparer Black Myth Wukong a une formule originale élaborée sur la base d’une poignée d’influences, à l’image de God of War, Stellar Blade ou encore Nioh. Plutôt que de singer bêtement ses modèles, Black Myth Wukong essaie de relier chacune de ses mécaniques à son univers. On s’appuie sur un choix d’équipement et de set restreint plutôt que de céder aux sirènes du loot, les reliques apportent un confort supplémentaire aux combats et décuple la customisation du Prédestiné, la capture des Esprits permet d’étendre l’éventail des capacités à disposition, les transformations insufflent des variations dans la manière de combattre, le système de gourdes et d’additifs nous laisse gérer la façon dont notre personnage regagne de la santé et se protège. En plus de ça, il existe tout un tas de moyens de gonfler certaines statistiques, en privilégiant certains items ou en échangeant des ressources précises contre un peu de boost (également redistribuable). Vous le verrez, la plupart du temps, les face à face contre les ennemis de base ne posent pas de problème mais il ne faut pas prendre ce menu fretin mythologique à la légère, ni lésiner sur l'amélioration du Prédestiné. Si l’on se sert de ces moments pour parfaire sa technique, c’est surtout lors des combats de boss que l’on prend son pied, d’autant que, dans ce domaine, les développeurs n’ont pas fait les choses à moitié et s'appuiennt sur un bestiaire d’une grande richesse, même si quelques boss sont réemployés.

Ce que l’on retient surtout, c’est qu’ils ont chacun leur propre style et qu’il est essentiel de bien identifier leurs patterns et de maîtriser le timing des esquives pour s’en sortir sans avoir pris trop de coups ! Étant donné l’absence de mode de difficulté, c’est sur ce principe que Game Science a construit tout le challenge de Black Myth Wukong. Dans la globalité, on doit dire que la difficulté est bien dosée, même si l’on a parfois été confronté à des pics quelque peu aberrants et à des enchaînements de boss où on se retrouvait à expérimenter un sacré grand écart en termes de défi. Ceci étant dit, il est rare quand les tentatives s’éternisent et que l’on bute face à l’un d’entre eux, même quand il s’agit des boss majeurs. La plupart du temps, la victoire est souvent à portée de main, ce qui fait que l’on avance malgré les nombreuses embûches qui jalonnent notre parcours et celui du Prédestiné. À la fin, on en ressort en ayant vécu des moments forts, sublimés par une mise en scène qui rend le tout encore plus épique. Pour le reste, notamment les mordus de challenge, il faut bien souvent sortir des sentiers battus pour découvrir ceux qui sont cachés dans les moindres décors de chaque chapitre. Et pour clôre le tout, cette fois pour les adeptes de défis ultimes, il existe de nombreuses zones secrètes qui renferment des boss spéciaux. Une fois vaincus, ils offrent des artefacts, soit des pièces d’équipement très utiles qui viennent parfaire un gameplay qui tient la route de bout en bout et auquel on ne peut pas vraiment adresser d’énormes reproches.

Conclusion