Il est petit, il est mignon, il est Bō. Le renard céleste imaginé par Squid Shock Studios et Christopher Stair tente sa chance sur un terrain rempli de concurrents : le Metroidvania. Path of the Lotus s’appuie sur de multiples références, allant d’Hollow Knight à Ori and the Blind Forest, afin de bondir au-dessus de la mêlée. À force de regarder les étoiles le museau en l’air, l’animal finit-il par trébucher ?
Saut de la mort
C’est sous les pétales lumineux d’une fleur céleste revêtant l'apparence d‘un jeune renard que le joueur s’aventure dans un royaume maudit. Sa mission ? Repousser une gigantesque menace, de celle capable d’écraser un village avec son pied titanesque. Ce pitch – somme toute commun – sert à plonger les explorateurs que nous sommes dans un univers aux ramifications multiples où les menaces sont légion. Délicieusement inspiré du folklore japonais, Bō : Path of the Teal Lotus est un Metroidvania 2D misant plus sur la plateforme que sur les combats. Que ce soit dans les boyaux de grottes poussiéreuses ou sur les cimes bosselées de montagnes enneigées, il exige une précision de tous les instants.
Le gameplay du titre conçu par Squid Shock Studios repose avant tout sur la bonne gestion des sauts. Il n’y a pas de double-saut de base ici, contrairement à d’autres titres du genre. Cependant, Bō dispose d’une pelletée de moyens pour bondir une deuxième fois en frappant ennemis comme objets spéciaux au vol. Maîtriser la technique permettant de virevolter en l’air en donnant un coup de bâton à un monstre ou à un item est vital. Sous son verni mignon et accessible, le jeu requiert du doigté. Il oblige le joueur à jauger systématiquement les adversaires qu’il faut parfois esquiver, parfois frapper pour regagner un saut/dash, dans une valse tumultueuse loin d’être facile à apprivoiser.
Bien sûr, au fil du périple, Bō gagne des caractéristiques, ce qui lui permet à la fois de gagner en efficacité et d’accéder à des endroits auparavant inaccessibles. Le renard est capable d’envoyer les adversaires/items en l’air puis de les envoyer valdinguer à l’aide d’une batte, il charge, s’agrippe, plane, court sur les murs… rien n’est de trop dans l'optique de faire face aux dangers venant de la faune comme de la flore. Du côté des petits plus appréciables, le stick droit sert à déplacer la caméra autour du héros. Pratique pour vérifier si le trou en dessous de nous est bien un trou, et pas une entrée vers un niveau inférieur.
Le bonheur, c’est de le chercher ?
En matière de level design, Bō : Path of the Teal Lotus est composé de grandes zones labyrinthiques. Les allers-retours sont réguliers et la carte devient rapidement notre meilleure alliée... mais aussi notre pire ennemie. Cette dernière se contente du minimum syndical avec un brouillard de guerre qui disparaît par blocs entiers, ce qui est gênant pour savoir si oui ou non la zone est explorée à 100 %, du zoom, quelques légendes et puis c’est tout. À l'opposé de ce que fait Prince of Persia : The Lost Crown, il n’est pas possible de griffonner la map. Cela ne serait pas trop enquiquinant s’il ne fallait pas régulièrement dénicher des items cachés aux quatre coins du monde. Roses lapines, fragments de bouilloire, cristal vermillon… les PNJ se font un malin plaisir de quémander des babioles disséminées un peu partout. Les noms des personnages importants ne sont même pas mentionnés sur la map, ce qui a de quoi rendre fou quand il faut ramener un objet à un PNJ et que l’on ne sait plus où il nous attend. Qu’on se le dise, si vous voulez boucler Bō, vous devrez le faire sans pause de plusieurs jours.
Autre point discutable au sujet des quêtes, ces dernières ne sont pas différenciées entre “principales” et “secondaires”. La progression devient donc frustrante, car on ne sait jamais s’il ne faut pas faire quelque chose qui nous semble totalement annexe pour finalement récupérer un élément obligatoire à l’avancée, comme ce moment où il faut ramasser des roses magiques demandées par un protagoniste (une quête), mais que pour mettre la main sur la dernière, il est nécessaire de participer à un tournoi qui semble totalement dispensable (une autre quête). Ajoutez à cela un level design pas toujours parfait pouvant mener à du soft lock ou à de faux appels, et vous comprendrez pourquoi nous avons quelquefois grogné durant les 15 heures de la campagne.
Affûté comme un renard
Bien que Bō : Path of the Teal Lotus soit plus orienté exploration/plateforme que combat, cela ne veut pas dire que l’action est inexistante. Sur son chemin, le joueur rencontre des yokais sympathiques mais aussi des créatures autrement moins amicales. Les adversaires sont nombreux, et il est primordial d’invoquer des darumas – alliés puissants équipés de sorts – afin de bénéficier d'un soutien salvateur. Dommage que les pouvoirs de ces derniers ne servent qu’en combat : les sorts de feu n’enflamment pas les torches durant les phases d’exploration, pas plus que les bombes n’explosent les roches fissurées. Quant aux boss, ils sont gigantesques et demandent de maîtriser les mouvements/pouvoirs débloqués pour être vaincus. La bonne nouvelle, c’est que leurs patterns d’attaque sont clairs.
À l’inverse de Prince of Persia : The Lost Crown ou d’Ori and the Will of the Wisps, les mouvements liés aux combats reposent sur un seul et unique bouton. Bien qu’un compteur de hits soit présent (plus il est élevé, plus le daruma est destructeur), il n’y a pas de combinaisons dévastatrices ni d’enchaînements impressionnants à reproduire. Bō tape droit devant lui avec son bâton, ni plus, ni moins. La vie se regagne en buvant du thé, thé qui infuse en frappant les ennemis. Dans les situations désespérées, la meilleure solution est donc l’attaque ! Que celles et ceux qui n’aiment pas les énigmes se rassurent : il n’y a aucun puzzle dans le soft de Christopher Stair. Et ce n'est pas plus mal.
Fleur céleste sur fleur de sel
Avec son système de saut qui demande un temps d’adaptation, sa carte peu accommodante n’affichant pas clairement où se situent les objectifs, le sort de soin qui immobilise le héros (s’il n’est pas équipé d’une amélioration spéciale) et ses quêtes à tiroirs confuses dans ce à quoi elles donnent accès, Bō : Path of the Teal Lotus peut s’avérer irritant. Il sait néanmoins tendre la main aux aventuriers du dimanche. Les checkpoints sont conséquents, les points de sauvegarde soignent, et il existe tout un tas d’amulettes à équiper apportant du soutien (défensif comme offensif). Vous mourrez au quatrième mécanisme sur les cinq à actionner ? Alors vous apparaissez à un point de sauvegarde ne vous obligeant pas à tout refaire. Les boss, par contre, sont à battre d’une traite : mourir à la fin de la dernière transformation nécessite de refaire le combat dans son intégralité (à l’exception du boss final). Sous son aspect mignon tout plein, Bō : Path of the Teal Lotus cache un challenge très musclé, aux frontières du frustrant lorsque les combinaisons à sortir avec un timing parfait sont exigées et que la moindre erreur est fatale.
Si malgré tout, vous continuez de buter sur une séquence plus ardue que la moyenne, les options donnent accès à un paramètre ralentissant la vitesse de défilement, ce qui est particulièrement utile lors des scènes où la dextérité est mise à rude épreuve. Vous butez depuis de longues minutes sur un combat complexe ? Mourez 20 fois et le jeu vous offrira l’invulnérabilité dans ses options. À vrai dire, nous pensons que les développeurs n’ont pas hésité à se lâcher sur la difficulté de certains boss grâce à la présence de ces options d’accessibilité. Ils ont dû se dire : "après tout, si le joueur meurt en boucle, il peut toujours activer l’invincibilité pour contourner les défis trop ardus et il ne nous en voudra pas". Par contre, si vous ne savez pas où trouver un item indispensable à la progression, il n’y a pas d’indice à acheter auprès d’un marchand ni de légende spéciale à activer : il va falloir tout fouiller par vos propres moyens. Ceci étant dit, les adeptes du 100 % seront ravis d’apprendre qu’il existe un item à équiper localisant tous les collectibles à trouver.
Bō comme un cœur (qui saigne)
Comme vous le constatez en regardant les quelques images qui habillent cet avis, le Metroidvania de Squid Shock Studios ressemble beaucoup à Hollow Knight. La direction artistique épurée, faite de formes simples, de couleurs pastel et de traits noirs dessinant les contours des assets, s’autorise des effets spéciaux stylisés. Dessinés à la main et animés en image par image "selon les techniques de 2D traditionnelles" nous promet-on, le titre de Squid Shock Studios est agréable à regarder sans pour autant tirer son épingle du jeu. La lisibilité de l’action n’est gâchée que par quelques rares éléments disposés au premier plan. En ce qui concerne la bande-son, elle mêle instruments japonais traditionnels et musique orchestrale pour un résultat charmant.
Conclusion
Points forts
- L’aspect plateforme de qualité
- Un challenge qui se renouvelle régulièrement
- Boss réussis, disposant de patterns clairs
- Direction artistique charmante
- Des options d'accessibilité pouvant être d'une grande aide
Points faibles
- Des quêtes redondantes, abusant d’items cachés à trouver dans le monde
- Une carte peu pratique (brouillard de guerre qui se retire par zones entières, pas d'annotation, etc.)
- Quelques soucis de finition dans un level design classique
- L’absence de distinction entre les objectifs principaux et secondaires est frustrante
- Des passages à s’arracher les cheveux, heureusement rares
Note de la rédaction
C’est au sein d’un bouquet de références cueillies dans le terreau des meilleurs Metroidvania que la fleur céleste de Squid Shock Studios attire notre attention. Certes, ses senteurs rappellent celles des créations de Team Cherry et de Moon Studios, mais elles n'atteignent ni leur puissance, ni leur finesse. Attention, sous sa corolle avenante se cachent des épines aiguisées qui irriteront à coup sûr les jeunes pousses. Classique mais bien fait, Bō : Path of the Teal Lotus perd quelques pétales à cause de choix discutables dans son design sans que cela n’effeuille notre plaisir.