“Si tu veux vivre vieux marin, arrondis les caps et salue les grains” entend-on dans les ports renommés des caraïbes. Mais contrairement à ce que dit le dicton, l’équipage britannique de Rare n’a pas fait preuve de prudence avec Sea of Thieves. Doté d’un concept original et régulièrement alimenté par un contenu surprenant, le soft a su prendre des risques pendant ses six années de navigation sur les eaux tumultueuses du jeu-service. Aujourd’hui disponible sur PS5, Xbox Series, PC et Xbox One, SoT est un trésor qui ne coule pas.
Grog millésimé, 6 ans d’âge
Si vous avez passé les six dernières années de votre vie sur une île déserte sans périphérique vous permettant de surfer sur la Toile, laissez-nous vous conter la légende de Sea of Thieves. Sorti initialement en mars 2018 sur Xbox One et PC, le jeu de Rare s’est donné pour objectif de faire vivre aux joueurs la vie trépidante d’un pirate. Accomplir des quêtes dangereuses, trouver des marchandises rares, résoudre des énigmes tordues à l’intérieur de temples mystérieux, détruire des capitaines squelettes, ou tout simplement attendre que d’autres fassent le sale boulot afin d’aller les déposséder de leurs biens en pleine mer… Toutes les stratégies sont permises pour devenir riche et grimper dans l’échelle sociale des forbans !
Une fois un butin collecté, il faut le rapporter dans un des avant-postes pour le revendre, ce qui fait gagner de l’argent ainsi que des points d’XP à l’escouade. Mieux vaut avoir le pied marin, puisque chaque déplacement se fait à bord d’un bateau : un sloop si vous êtes seul ou deux, un brigantin si vous êtes deux ou trois ou un galion si vous êtes quatre. Hisséo, Santiano !
Vous n’avez pas envie de laisser trop de plumes pendant les combats à cause de joueurs plus vifs que l’éclair utilisant le duo clavier/souris ? Pensez à désactiver le crossplay. Il est possible de ne jouer qu’avec des utilisateurs possédant une manette. Les possesseurs de PS5, eux, ont le choix de ne jouer qu'avec d'autres joueurs du PlayStation Network.
Dans sa philosophie, SoT n’a pas drastiquement évolué depuis toutes ces années. Il s’agit toujours d’un titre orienté multijoueur où jusqu’à 16 joueurs se déplacent dans une carte du monde propice aux trésors à collecter et aux abordages à planifier. Jusqu’à quatre flibustiers d’une même équipe sont invités à explorer, ensemble, les 74 îles de la carte dans le but de s’en mettre plein les poches.
Là où le soft a frappé très fort malgré un lancement compliqué, c’est dans son game design immédiatement fun à plusieurs. C’est d’ailleurs ce qui lui a permis de survivre lors de ses premiers mois d’existence, les streamers ne s‘étant pas trompés quant à l'énorme potentiel du jeu. La bonne idée, c’est que tout son gameplay repose sur la coordination et la communication entre les membres de l’équipage. L’ancre se lève, les canons se chargent, les voiles se hissent et s’orientent par rapport au vent, à la mano. Alors que le capitaine prend la barre, aveuglé par la voilure dressée dans son champ de vision, les matelots l’aident à s’orienter en visionnant la carte dans la soute et en observant l’horizon dans la vigie. En cas de casse causée par une erreur de navigation ou de boulets adverses, l’escouade doit impérativement se munir de planches en bois pour reboucher les trous de la coque avant que le bateau ne sombre sous les eaux. Bien sûr, il y a aussi une tonne de choses amusantes à faire, comme boire de la bière jusqu’à s’en rendre malade, faire péter des feux d’artifice, exécuter des emotes débiles ou encore jouer de la musique grâce à tout un tas d’instruments.
Afin d’apprendre les bases du jeu en s’amusant dans un tutoriel scénarisé, nous vous conseillons de lancer le “Voyage inaugural” dans le menu d’accueil. Cette courte mission, qui enseigne ce qu’il faut absolument savoir dans SoT, apprend comment gérer l’inventaire, se battre et naviguer. Il est donc indispensable de la terminer avant de se lancer dans le monde partagé.
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Le chant des sirènes
Vous l’aurez compris, l'œuvre de Rare se présente comme le jeu de pirate en coopération ultime. Une expérience résolument fun, où chaque partie peut potentiellement vriller vers des horizons improbables à cause de l’arrivée impromptue d’un Kraken, à cause d’une alliance avec d’autres pirates qui tourne au pugilat au moment où il faut partager les biens, ou tout simplement à cause d’un moussaillon qui a oublié son poisson sur le feu, déclenchant un incendie dans les cales du galion. Ceux qui jouent à Sea of Thieves depuis plusieurs années ont tous des aventures incroyables à raconter, qu’elles se terminent par une délicieuse victoire ou par une amère défaite. Car ici, le plus important n’est pas la destination mais le voyage. À l’image des réussites qui ne mènent qu’à des points de réputation supplémentaires et à des éléments uniquement cosmétiques à débloquer, l’intérêt ne réside pas dans le reward, mais dans toute l’aventure entreprise pour y accéder.
Oui, chaque excursion peut réserver des moments mémorables, pour peu que l’on trouve les bonnes personnes avec qui partir en mer. À contrario, il est aussi possible de vivre des sessions agaçantes, voire ennuyeuses, quand il ne se passe rien d’explosif au cours d’une épopée. Derrière l’aspect cartoon de sa direction artistique et ses graphismes enchanteurs, Sea of Thieves ne fait pas de cadeaux aux joueurs désorganisés/solitaires et aux pirates impatients avides d’action qui n’auraient pas compris son concept original et jusqu'au boutiste. Certes, il y a des flingues et des canons, mais SoT ne doit absolument pas être perçu comme un FPS. C'est un véritable jeu de chasse au trésor comportant des mécaniques de combat (PvE et/ou PvP), où il faut souvent réfléchir, observer, décoder, avant de tirer dans le tas. La pelle déterre les coffres plus qu’elle enterre les corps.
Depuis l’arrêt du mode Arène, les joueurs qui aiment le full PvP doivent se contenter du Sablier du Destin, un objet à retourner sur la table du capitaine donnant l’opportunité de participer à des batailles navales dans une zone prévue à cet effet.
Cap sur les nouveautés
Un héros ne porte pas forcément de masque, mais il a toujours un cap. À sa sortie en mars 2018, Sea of Thieves fut très critiqué, à tel point que certains observateurs imaginaient déjà un avenir sombre pour le soft de Rare, surtout face à un Skull and Bones qui s’annonçait menaçant en 2017. Avec la résilience d’un capitaine légendaire, le studio britannique a su améliorer sa production point par point tout en ajoutant du contenu parfois réclamé à cor et à cri, parfois totalement inattendu.
Les squelettes étaient trop rébarbatifs à tuer ? Les îles abritent désormais des créatures de toutes sortes, allant des spectres de pirates aux crabes mutants. En mer, les petits requins sont accompagnés de mégalodons hargneux, de sirènes maléfiques et d’autres embarcations maudites qui sortent soudainement des eaux. Le Kraken, de son côté, rôde toujours. Si ses tentacules ne vous effraient plus, sachez que sa tête cauchemardesque vous attend dans une des quêtes scénarisées. Ces dernières, intitulées “Fables”, sont au nombre de 17 et disposent de guests légendaires allant de Jack Sparrow (Pirates des Caraïbes) à Guybrush Threepwood (Monkey Island). Elles sont généralement entraînantes, mais on regrette tout de même des missions un peu trop longues par rapport à ce qu'elles ont à apporter véritablement.
Les Fables comportent des missions plus narratives que ce que nous trouvons dans les quêtes habituelles de Sea of Thieves. Celles des Shores of Gold demandent beaucoup de patience, de sens de l’observation et de logique. Les Fables A Pirate's Life et The Legend of Monkey Island, quant à elles, misent plus sur l’action. Au fil des mises à jour, Rare a ajouté des checkpoints permettant de reprendre plus tard une Fable déjà commencée. Mais attention, il y a encore quelques bugs, et il n’est pas toujours assuré de retrouver sa progression.
Rare a retravaillé ses batailles navales en améliorant la précision des dégâts subis par les navires : le mât, le cabestan et la barre sont destructibles, tandis que le feu peut se propager rapidement s’il n’est pas éteint à temps. Des boulets de canons maudits ont également fait leur apparition, forçant l’équipage touché à subir des malus non négligeables. L’arrivée des canons-harpons sur les bateaux octroie la faculté de voler des coffres, mais aussi de s’accrocher à des éléments de certaines structures (voire à d'autres joueurs). Depuis la saison 12, les pirates sont même invités à jouer aux funambules sur les cordes tendues ! Afin d'égayer les nombreux voyages entre deux batailles, pourquoi ne pas s’adonner aux joies de la pêche ? L’exercice demande du doigté mais donne accès à des espèces rares très recherchées par les gourmets de l’Appel du Chasseur.
Même si les combats sur la terre ferme n’ont pas autant évolué que ceux sur mer, ils ont eux aussi connu des ajouts notables avec l’arrivée d’armes supplémentaires telles que le trident des sombres marées, le cor des vents favorables, les grenades, les couteaux de lancer et le pistolet à double canon. C’est mieux que rien, mais il faut reconnaître que les luttes au corps-à-corps sont peu intéressantes, surtout si l’on compare à d’autres éléments du titre.
Les autres points critiqués de Sea of Thieves depuis son lancement touchent des choix de design que Rare a su faire évoluer intelligemment. Pour faire bref, nous dirons que le jeu a trouvé le moyen de récompenser le joueur plus régulièrement, empêchant ainsi d’énormes frustrations en cas de trésors perdus suite à une mauvaise rencontre. Ces derniers mois, il y a surtout eu deux nouveautés majeures pensées pour accueillir les joueurs qui trouveraient SoT trop punitif. Avant de lancer une partie, il est maintenant autorisé d’activer les “Mers calmes”, un mode pensé pour des aventures sans PvP puisque vous et votre équipe serez les seuls dans le monde. Pratique pour réussir des quêtes sans mauvaise surprise, bien que les récompenses soient limitées. Rappelez-vous : une mer calme n’a jamais fait un bon marin !
L’autre nouveauté de taille vient du fast travel, et plus généralement du système de quêtes. Maintenant, les missions se lancent sans dépenser une seule pièce d’or directement à l’intérieur du bateau. Plus besoin de courir après les nombreux PNJ cachés dans les avant-postes ! La cerise sur le gâteau, c’est que les voyages rapides sont désormais de la partie : l’équipage a le pouvoir de voter pour que le bateau se téléporte directement devant la bonne île pour débuter la mission, plutôt que de devoir naviguer manuellement jusqu’à elle. C’est beaucoup de temps de gagné, et ça plaira aux petits nouveaux.
Business is business
Lancé au prix fort sans aucun élément payant annexe, première production first-party de Microsoft à être arrivée en day one dans le Game Pass, le soft de Rare a vu son business model s’enrichir avec l’ouverture de l’Emporium en 2019, puis l’arrivée des saisons/du battle pass en 2021. Malgré une tonne de choses à se procurer avec de la monnaie virtuelle mais aussi avec de l’argent bien réel, la philosophie originelle est toujours là : ce qui s’achète se limite uniquement à des éléments cosmétiques ou à des familiers. Vêtements, chapeaux, pièces de bateau, chiens, chats, singes, chouettes… tout est là pour afficher votre style plutôt que votre skill.
Sur PS5, il est obligatoire de posséder un compte Microsoft pour jouer. Un abonnement PS Plus est également nécessaire pour s’amuser en ligne, bien que le mode “Mers calmes” soit accessible en solo sans abonnement. Les fonctionnalités haptiques de la Dualsense sont convenablement utilisées pour des sensations discrètes mais agréables.
Il n’y a ni arbre de compétences, ni attributs à améliorer : un pirate légendaire affublé des dernières malédictions a les mêmes chances en combat qu’un jeune moussaillon brandissant son coutelas pour la toute première fois. Les éléments à acheter n’envahissent jamais l’espace de jeu et se cantonnent à l’Emporium, ce qui devrait être la base dans tous les jeux-service premium. Autrement dit, grâce à ses nombreuses nouveautés (en particulier les “Mers calmes” et le fast travel), Sea of Thieves est enfin devenu un endroit pouvant convenir à un maximum de joueurs. Il n’y a pas meilleur moment pour plonger dans ses eaux chaudes et pétillantes.
Conclusion
Points forts
- Une diversité folle dans les choses à voir et à faire
- Direction artistique (graphismes, musiques) au top
- Beaucoup de modes et de fonctionnalités pour s’adapter à toutes les envies
- Les batailles navales sont intenses que jamais (dégâts localisés, boulets maudits, etc.)
- Épique et fun à plusieurs, quand le hasard des rencontres fait bien les choses
Points faibles
- Les combats au corps-à-corps manquent toujours de profondeur
- La qualité des Fables (missions scénarisées) très variable
- Des parties parfois ennuyeuses et/ou frustrantes en fonction du hasard des rencontres
- Encore des bugs de checkpoint enquiquinants lors des Fables
Note de la rédaction
Sorti brut puis poli par des vagues de mises à jour riches en nouveautés, Sea of Thieves est un des jeux multijoueur les plus funs de ces dernières années. S’appuyant intelligemment sur les retours de sa communauté pour ne jamais connaître le creux de la vague, il possède désormais les modes, les fonctionnalités, les quêtes pour que tout le monde y trouve son compte. Si le soft de Rare encourage la fourberie, le studio britannique ne s’est pas moqué de nous durant ces six dernières années ! Bourré de choses à faire, disposant d’une superbe ambiance, SoT est aussi exigeant, voire légèrement injuste quand les alliances précaires s’évaporent comme du grog sur le sable. Mais c’est aussi pour cela qu’on l’aime.