Imaginé par l'acteur Abubakar Salim, connu pour son interprétation de Bayek dans Assassin's Creed Origins, Tales of Kenzera ZAU se donne pour mission de transporter les joueurs dans un voyage émouvant où les mythes des cultures bantoues jalonnent un parcours semé d'embûches. Mais il est difficile d’attirer les faveurs des Dieux quand ces derniers s’appellent Ori, Samus ou encore Sargon.
Le test de Tales of Kenzera a été fait sur Xbox Series X. Nous avons terminé l'aventure après 8h22 de jeu.
J’suis pas ton pote, mon Kalunga
Ce n’est pas souvent que cela arrive, mais dès ses premières secondes de gameplay, Tales of Kenzera demande d’aller de la droite vers la gauche. Dans la tête des joueurs habitués aux softs en side-scrolling, une petite voix retentit immédiatement : “Diable, mais pourquoi ce jeu me demande déjà de revenir sur mes pas ?”. La réponse est simple comme le ciel et la mer. Cette production EA Originals parle de courir après les fantômes du passé. Pour simplifier les choses, nous dirons que Zau, un jeune chaman, passe un marché avec Kalunga, le Dieu de la mort. S’il réussit à envoyer trois grands esprits dans le sillage de la mort, alors la divinité lui permettra de retrouver l’âme de son père décédé. Le problème, c’est que si Zau échoue, alors il provoquera le courroux de Kalunga.
C’est qu’il peut sembler intimidant au début, Kalunga. C’est quand même le Dios de la muerte ! Mais dans les faits, il est un guide plutôt agréable qui pense même à nous prévenir lorsque l’on n’a pas encore le bon pouvoir pour franchir un obstacle, ce qui est pratique quand on se retrouve dans un labyrinthe géant. Car oui, Tales of Kenzera est à ranger dans la catégorie des Metroidvania, avec tout ce que cela sous-entend. Zau progresse dans des niveaux découpés en grandes zones remplies de pièges, d’adversaires, et de portes à ouvrir avec la bonne clé ou le bon pouvoir à glaner. Le chaman a bien sûr l’opportunité de faire évoluer ses caractéristiques en échange de points d’XP tout en s’équipant de bonus passifs. Cependant, ToK a une petite originalité : le brouillard de guerre de la map se retire par zone entière, et non par niveau véritablement visité. Il n’est donc pas aisé de savoir ce que l’on a véritablement parcouru. Dommage.
Solaire mais scolaire
Dans sa balance exploration/plate-forme/combats/histoire et puzzles, Tales of Kenzera préfère miser sur l’action/exploration plutôt que sur les énigmes. Ces dernières se contentent en effet du minimum syndical, avec des cubes à pousser sur des interrupteurs dans le but d’activer des mécanismes. Qu’on se le dise, Zau a le cerveau pris par le besoin dévorant de retrouver son père. Il n’aurait sûrement pas apprécié devoir utiliser sa matière grise pour résoudre des puzzles ardus !
Pad entre les mains, nous retrouvons la plupart des mouvements disponibles dans les Metroidvania d’aujourd’hui avec du double-saut, du rebond contre les murs, du dash (aérien, au sol), des attaques au corps-à-corps et à distance. Contrairement à d’autres softs du même type, ToK est généreux dans les actions offertes dès ses premiers instants puisque tous les mouvements que nous venons d’énumérer sont disponibles au lancement de l’aventure. Les râleurs du fond diront que cela nuit quelque peu au sentiment de gain de puissance.
Ces mouvements ne sont pas de trop pour éviter les pièges habituels que sont les plateformes qui se détruisent, les rochers qui chutent des plafonds, les pics qui sortent du sol, les épines posées sur les murs et autres projectiles qui sortent du décor. En résumé, tous les éléments du “kit de démarrage du Metroidvania moderne” sont présents dans la production de Surgent Studios, même la caméra capricieuse qui ne sait pas forcément comment bien cadrer ce qu'il faut montrer.
Le point sur lequel le soft se distingue est l’univers. S’inspirant des mythes bantous, il expose des légendes, des divinités, des lieux et des croyances peu vues dans nos jeux vidéo. Tant est si bien que l’on prend plaisir à éplucher le codex afin d’en apprendre plus sur les personnages – amicaux ou non – rencontrés. Certes, les graphismes ne sont pas aussi jolis que ceux des ténors du genre, et les musiques très discrètes se font vite oublier, mais Tales of Kenzera réussit à nous emmener dans son monde avec un certain brio, surtout quand la VO en Kiswahili est activée.
Nous aurions aimé retrouver cette personnalité marquée dans le level design de cet EA Originals, mais nous avons dû nous contenter d’une construction correcte plutôt que remarquable. Il manque des boss, le parkour n’est pas assez diversifié, et les dénivelés ne sont finalement pas si nombreux que cela. Ce manque de chemins annexes fait de ToK un Metroidvania étrangement linéaire. Les arènes pensées pour les moments de baston, régulières et peu inspirées, ternissent un peu plus le tableau. En outre, si vous êtes un habitué des Metroidvania, aucune séquence de jeu ne vous semblera vraiment inédite ou inventive.
Le masque de la guerre
Comme vous vous en doutez, explorer les terres de Kenzera à la recherche des esprits vagabonds ne se fait pas sans créatures démoniaques à anéantir. Ce serait trop simple, sinon. Les ennemis sont nombreux et sont à renvoyer dans les limbes grâce aux multiples combinaisons de coups. Bien que le titre de Surgent Studios n’offre pas la profondeur d’un Prince of Persia : The Lost Crown dans ses mécaniques de combat, il propose suffisamment d’éléments pour que les rencontres soient animées et assez amusantes.
Le petit plus du gameplay repose sur l’utilisation de deux masques spirituels, qui s’échangent à la volée en appuyant sur une des gâchettes de la manette. Celui de la Lune (couleur bleue) octroie des attaques à distance puissantes et peut glacer l’eau, quant à celui du Soleil (couleur orange), il fait exceller le chaman dans les attaques au corps-à-corps et permet d’activer des mécanismes à distance. Il est primordial de bien observer la couleur de la barre de vie des adversaires avant de frapper puisque ces derniers perdent plus de points de vie si le bon masque est équipé. Les combats obligent donc à switcher régulièrement de forme pour punir les ennemis bleus et oranges qui apparaissent par vagues.
Remporter une bataille face à plusieurs assaillants demande du doigté, car il faut choisir la bonne forme (Lune/Soleil) qui donne accès aux bons coups (corps-à-corps, distance). Envoyer un ennemi dans les airs et le terminer avec des lances ressemble à ceci : coup violent avec masque du Soleil, envoi en l’air de l’ennemi, gâchette pour switcher sur le masque de la Lune, autre gâchette pour viser en hauteur, et enfin touche d’action pour faire feu. Le résultat est satisfaisant au début, mais l’on se met vite à déchanter à cause de la répétition d’arènes fermées, faiblardes dans leur architecture, qui ne font qu’insister sur le côté brouillon de ces joutes violentes. Dans la seconde moitié de l’aventure, on se met à croiser les doigts pour qu'une nouvelle vague de créatures n’apparaisse pas pendant une rixe.
Le manque de réactivité du héros après certains coups infligés/reçus peut engendrer de gros dégâts, voire carrément un game over. Les rebonds mortels causés par un coup qui nous envoie dans le décor sont également très frustrants. Une chose est cependant certaine : il faut maîtriser le dash pour espérer s’en sortir sans trop d’égratignures, et abuser du brise-armure dès que le mouvement devient disponible.
Le sort de soin s’acquiert en chargeant en jauge qui se remplit lorsque l’on parvient à toucher les créatures belliqueuses, ce qui oblige le joueur à prendre des risques même quand sa survie ne tient qu’à un fil. N’allez cependant pas vous imaginer que ToK est un jeu difficile. En cas de mort, le héros réapparaît à un checkpoint situé quelques secondes avant son trépas. Son challenge assez doux, les différentes aides et les dénivelés finalement rares nous font dire que le soft de Surgent Studios est conseillé à celles et ceux qui, habituellement, ont peur de se perdre ou de ne pas surmonter les défis dans un Metroidvania. Cela ne veut pas dire que le soft est totalement dénué de challenge : certaines séquences de la dernière heure de jeu savent malmener nos nerfs.
Zau VS les autres
Avec des représentants de choc et de charme tels que Hollow Knight, Ori and the Will of the Wisps ou encore Metroid Dread, il est impossible de ne pas comparer Tales of Kenzera à d’autres grands noms du genre. Le Metroidvania est un genre à la mode, et certains studios sont devenus des maîtres en la matière. Sans faire de name dropping, nous dirons juste que le titre de Surgent Studios rappelle les meilleurs sans réussir à atteindre leur niveau.
Les combats de boss sont peu nombreux, tandis que les ennemis manquent de variété dans leurs patterns, ce qui ne pousse pas à essayer tous les coups proposés. Les pouvoirs passifs n’ajoutent pas une strate de gameplay supplémentaire, tandis que l’arbre de compétence manque de branches pour encourager différents playstyles.
ToK possède lui aussi ses séquences 100 % platformer et de courses-poursuites où le try hard est de mise, mais là encore, il n’arrive pas au niveau d’inventivité (ni d'exécution) de ses concurrents. Il reste à Tales of Kenzera une histoire agréable à suivre réservant des moments émouvants, un lore peu commun, et surtout une épopée qui coche presque toutes les cases du Metroidvania solide sur ses appuis, mais dont il manque pas mal de choses – principalement de la précision – pour être à la hauteur de ses aînés.
Conclusion
Points forts
- Un univers basé sur des mythes africains bien fait
- Amusant, dynamique et rythmé
- Des thèmes abordés forts et intéressants
- Le Kiswahili disponible en VO est un plus pour l'immersion
Points faibles
- Des imprécisions dans le gameplay (plate-forme, combat)
- L’aspect exploration décevant, surtout comparé aux ténors du genre
- Manque général d’éléments permettant de vraiment personnaliser son expérience
- Peu de boss, et des ennemis aux patterns redondants
Note de la rédaction
Nous aurions tellement aimé que tout le charme des légendes africaines de Tales of Kenzera ZAU se retrouve aussi dans un level design à la fois inspiré et inventif ! Devancé par une pléthore de concurrents, le premier soft de Surgent Studios manque de profondeur et de précision pour s’installer dans le domaine des Dieux. Néanmoins, il ne manque pas d’atouts : avec son petit prix (20 euros), son dynamisme et son univers enchanteur, ce Metroidvania moins labyrinthique que les autres a des arguments intéressants pour vous faire passer 8 heures divertissantes.