Création d’un seul homme, Greg Styczeń, Manor Lords est actuellement au cœur des attentes sur la plateforme Steam. Pas étonnant, ce city-builder a bientôt tout ce qu'il faut pour être un indétrônable du genre.
Ce test est réalisé sur une version en accès anticipé du jeu. La note est succeptible d'évoluer une fois la version 1.0 disponible.
Si dernièrement, les développeurs de city-builders préfèrent opter pour un concept qui sort des sentiers battus comme The Wandering Village et sa cité à construire sur le dos d’une créature géante ou Townscaper, dont le principe s’inscrit dans la tendance des jeux dénués de problématiques, Manor Lords adopte une structure beaucoup plus conventionnelle qui ne l’empêche pas pour autant de dominer le classement des titres les plus attendus sur Steam. C’est probablement son esthétique au poil qui a d'abord fait saliver quelques milliers de joueurs en attente de l’ouverture de son accès anticipé.
Le rendu est franchement beau, les tracés de routes et la liberté de placements procurent un sentiment de satisfaction assez intense, et puis la possibilité de passer en vue à la première personne pour se balader - sans interaction disponible - dans les allées de son royaume et admirer, en tant que noble, tous ses petits gueux travailler sans relâche, est un véritable bonheur. Aussi chaque détail est vraiment construit dans une optique de crédibilité : vous pouvez observer de près vos artisans transporter du bois fraîchement coupé, ou croiser une jeune fermière ramasser à bout de bras un cadavre pourrissant au sol à quelques mètres de vos frontières. Aucun doute, Manor Lords promet dès ses premiers instants d'être sensationnel.
Exigeant mais modulable
Manor Lords vous largue avec comme simple ressource un campement boisé habité d’une poignée de colons sans abri qu’il faudra exploiter judicieusement. De la manière la plus pragmatique possible, il est ensuite nécessaire de bâtir les premières fondations utiles, comme les huttes de bûcherons qui approvisionnent le peuple en combustibles et en bois pour la construction. Toute une société à façonner de zéro avec presque aucun moyen et la difficulté de garder des villageois heureux avant qu’ils ne prennent le large, trop affamés.
Votre fléau principal, le voici : La faim, qui devient rapidement très dure à calmer quand même l’argent vous manque ; vous avez alors tout intérêt à créer très tôt une route commerciale pour vous approvisionner en denrées et vendre les quelques baies qui traînent encore dans le fond de votre panier. Aussi, la production de nourriture est extrêmement ardue et les ressources naturelles de votre région ne suffiront bientôt plus, justifiant la colonisation de nouveaux territoires, et donc une excellente rejouabilité. Le défi est périlleux dans l'ensemble, d'autant que vous pouvez être facilement tenté, depuis le confort de votre manoir, de coller un lourd impôt à vos sujets - au risque de vous les mettre à dos - de sorte à remplir le frigo et vous payez quelques mercenaires qui tueront les bandits qui n’ont de cesse de venir brûler votre village tout entier.
S'il est exigeant, Manor Lords n’est pas nécessairement punitif : les hivers sont certes rudes et vous quittent avec quelques corps à enterrer dans le cimetière de votre église, mais les morts sont très vite remplacés par de nouveaux colons à mettre au boulot. Aussi notez que le titre propose trois scénarios possibles, plaçant l’emphase sur la prospérité ou la conquête, et dispose ensuite de trois niveaux de difficulté. Vous avez même le loisir de définir vous-mêmes un certain nombre de valeurs, comme la fréquence des attaques ennemies par exemple. L’expérience est donc très modulable.
Accès anticipé incomplet mais déjà généreux
Trouver le parfait équilibre peut néanmoins se montrer assez décourageant les premières heures, d’autant que le jeu n’est pas vraiment encore accompagné de guide ou de tutoriel complets. Il y a tout de même un côté intéressant à cette absence : si vous n'avez pas la possibilité de voir ce que vous devez faire pour corriger une bêtise, vous ne pouvez compter que sur le temps et sur une série d'essais et d'erreurs doublement satisfaisante lorsque vous trouvez la solution à vos problèmes.
Rappelons par ailleurs qu’il s’agit ici d’un accès anticipé, certains onglets sont donc encore vides de contenus. Toute la partie qui implique la recherche et le développement de nouvelles capacités, ou le dialogue avec les autres détenteurs de royaume ne sont quasiment pas exploités, ce qui représente tout de même un gros manque à gagner lors de vos sessions. Nul besoin de cela en revanche pour reconnaître tout le potentiel qu’a à offrir Manor Lords.
Le jeu souffre aussi de quelques bugs, comme signalés de façon ouverte par le développeur. Ainsi, quand les voyous brûlent votre royaume, il est complètement impossible de rebâtir les censives où vivent les paysans, à contrario des autres structures. Il vous faut donc les détruire et les reconstruire ailleurs, ce qui peut s’avérer un peu usant. Le jeu étant tout de même très malin dans sa construction, la mise en place de puits aux lieux clés de votre carte vous permet de limiter les dégâts.
Un système très poussé
En ce sens, Manor Lords propose déjà bon nombre de choses très intéressantes à développer. Ces censives dont nous parlions notamment peuvent être améliorées au point d’accueillir dans leurs arrière-cours des poulaillers, des brebis ou même des ateliers pour confectionner des armures à nos valeureux soldats. Vous pouvez transformer certaines demeures en entreprises, faisant de vos fermiers de véritables artisans, au péril de priver vos champs d’une mains-d'œuvre importante. Et les champs, parlons-en, il en faudra à foison pour pallier la faim de vos sujets, la mise en jachère des terres nécessitant d’attendre l’automne pour récolter votre dur labeur. Chaque petit système de Manor Lords est brillamment interconnecté et en fait une expérience aussi complexe que maligne. Globalement, la progression du village, sa construction, et toute la gestion du peuple à mener procurent un sentiment de réalisme vraiment bien ancré qui peut déjà vous accrocher de longues heures. Au-delà de la cinquantaine d'heures passées, le jeu pourra potentiellement se montrer monotone, hormis si vous choisissez de spécialiser certaines de vos régions dans des activités différentes, comme l'alcool, par exemple.
Conclusion
Points forts
- Vraiment très joli
- Un système aussi brillant de crédible
- La vue à la première personne
- Une expérience modulable
- La sensation de réalisme
- Une durée de vie conséquente grâce à une excellente rejouabilité
Points faibles
- Quelques bugs agaçants
- Des axes encore manquants (early access)
Note de la rédaction
S’il manque encore à la version actuelle de Manor Lords de nombreuses améliorations et tout un axe d'interaction avec les systèmes de politique de développement, le jeu a déjà la capacité de vous occuper inlassablement de longues heures, et possède tout le potentiel pour incarner, plus tard, l'un des city-builders les plus complets de sa génération. Un pari facilement réalisable grâce à une expérience déjà brillante dans sa construction, sa crédibilité et son esthétique plus que flatteuse.