Annoncé comme le projet “le plus ambitieux” de la Team Ninja (Nioh, Wo Long), Rise of the Ronin s’éloigne des habituels action-RPG de l’équipe et tente le pari du monde ouvert, dans un Japon à la croisée des chemins. Entre exploration, narration et combats exigeants, est-ce une formule qui fait mouche ? Voici notre verdict complet sur cette exclusivité PS5 - disponible dès le 22 mars 2024.
Après un avant-goût que nous avons jugé “prometteur”, Rise of the Ronin repasse entre nos petites mains, cette fois pour la version complète. Pour rappel, le nouveau bébé de la Team Ninja s’éloigne pas mal des action-RPG exigeants de l’équipe (Nioh, Wo Long Fallen Dynasty). Au programme : un monde ouvert dans les années 1850 au Japon, pendant la période “Bakumatsu”. Un moment tout à fait charnière dans l’Histoire du pays. La dynastie Tokugawa, qui a régné pendant plus de 250 ans, touche à sa fin et l’Archipel s’ouvre enfin au commerce et à la modernité… Bien sûr, ce changement n’est pas du goût de tout le monde. D’un côté, on retrouve les “pro-shogunat”, qui veulent conserver l’ordre établi, et de l’autre, les “anti-shogunat”, qui espèrent tout l’inverse. Dans tout ceci, on incarne un personnage 100% personnalisable (système de classe, éditeur de personnage très complet) qui recherche quelqu’un chère à son cœur. Un but simple mais tout à fait adéquat, qui nous amènera à collaborer avec les deux camps ! Jusqu’au moment où la Team Ninja nous demandera d’en choisir.
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Un joli travail d’écriture
Car en bon jeu d’action-aventure, Rise of the Ronin accorde une place très importante à la narration (il y a d’ailleurs un doublage français intégral)… Il y a des dialogues à choix multiples, des réponses qui demandent au préalable la compétence mensonge ou intimidation, et même un système de liens qui rend compte de votre entente avec toute une panoplie de personnages ! Bien que les retombées de ces mécaniques soient quelque peu “artificielles” (c’est pas Baldur’s Gate 3 quoi), la Team Ninja nous met face à certains gros dilemmes qui peuvent avoir des conséquences assez importantes sur la suite du scénario. Une bonne chose, et dans l’ensemble, l’écriture du studio rend plutôt honneur à cette époque si spéciale du Japon. Les dialogues ne sont pas toujours super inspirés (surtout ceux des quêtes annexes) mais rien n’est jamais tout noir ou blanc. Certains protagonistes sont attentifs aux progrès technologiques et médicaux venus d’Angleterre ou des États-Unis, quand d’autres sont animés par une forme d’allégeance, de vengeance et même (pour les plus modérés) de réforme. On se retrouve à terme avec une profusion de personnages, qui n’aide pas toujours à suivre le récit - en particulier dans les derniers chapitres de l’aventure. Fort heureusement, il est possible d’appuyer sur Pause pendant n’importe quelle cinématique et consulter des informations sur l’univers, ses acteurs.
Le premier monde ouvert de la Team Ninja
Pour autant, Rise of the Ronin ne nous a pas embarqué plus que ça, surtout à cause de sa structure (et quelques plot-twists pas forcément évidents à saisir). Deux raisons à cela : la Team Ninja peine à donner un réel intérêt à ses quêtes annexes, et ce même quand celles-ci concernent un personnage important (nous avons toutefois noté quelques lignes de dialogue bien senties). Ensuite, ces quêtes reprennent bien souvent le schéma d’une mission principale, c’est-à-dire un niveau classique à la Wo Long et Nioh - avec une zone exigue, quelques embranchements, des ennemis standards et un boss. Un schéma qui accuse le poids des années et qui peine à rendre compte des enjeux de Rise of the Ronin. Le jeu nous fait ainsi rarement vivre ses plus grands moments “de l’intérieur” et en marge des combats en abondance, on est plus souvent spectateur - au travers des cinématiques - que acteur. À terme, l’expérience de la Team Ninja ressemble plus à des levels de Nioh reliés par une zone ouverte qu’à un monde ouvert uni ! En somme, on ressent le manque d’expérience du studio sur ce domaine, et l’exploration en elle-même en fait les frais. La découverte du Japon de l’équipe japonaise n’est pas très organique | se repose plus sur le GPS de la carte que sur la lecture “visuelle” de l’environnement.
Sur Rise of the Ronin, la carte est découpée en plusieurs zones et chacune dispose “d’un niveau de connaissance” qui, à mesure qu’il augmente, fait apparaître les points d’intérêt aux alentours. Le moyen le plus rapide de tout dévoiler est de libérer des camps du joug de bandits. Ces camps sont au nombre de 1 à 3 par zone, et lorsqu’ils sont “nettoyés”, la carte se met automatiquement à jour. L’open world de la Team Ninja n’étant pas le plus pratique pour naviguer a vu, nous avons pris l’habitude de placer plusieurs marqueurs et de nous laisser guider à chaque fois qu’une telle mise à jour avait lieu ! Ce n’est évidemment pas l’idéal en 2024, pour un monde ouvert moderne.
D’ailleurs, on sent que l’équipe japonaise a voulu capitaliser sur sa plus grande force… son système de combat, qui se retrouve au centre de quasiment toutes les activités. Rise of the Ronin ne propose pas d’enquête à la The Witcher 3, de mission qui se résout uniquement par le dialogue. Chaque fois, ça part sur de la castagne - et après 40h de jeu, malgré tout le bien qu’on pense des phases d’action (on y reviendra), ça fait un peu beaucoup. Ça affecte non seulement l’impact de l’aventure principale, mais également l’exploration - dont les points d’intérêt se répètent du début à la fin (camp de bandit, boss sauvage, rencontre aléatoire avec des adversaires, courte phase d’escalade pour accéder à un sanctuaire). Malgré tout : l’exploration dans Rise of the Ronin n’est clairement pas désagréable. Les déplacements de notre personnage sont super fluides, dynamiques, avec la possibilité de grimper sur tous les rebords à bonne hauteur ; se hisser vers un point d’accroche avec le grappin ; déployer un planeur et se déplacer à cheval. C’est simple mais très efficace, et ça donne une saveur pas mal chouette à l’infiltration. Bref, les sensations sont bonnes, et l’un dans l’autre, on en oublierait presque la technique faiblarde, qui s’en sort grâce une belle ambiance sonore et de jolis effets de lumière. On vous conseille d’ailleurs de rester sur le mode à 60 fps, quasi-obligatoire pour apprécier le gameplay (en 30 images par seconde | en ray tracing, les graphismes ne se métamorphosent pas pour autant).
Des combats d’une richesse assez dingue
On en arrive donc aux combats. Sur ce point, la Team Ninja a fait du très beau boulot, même si elle a sans doute été trop généreuse (vous allez comprendre). En gros, les affrontements sont une sorte de synthèse entre Nioh et Wo Long : d’un côté, il y a l’équivalent d’une “barre d’endurance”, ici appelé le Ki, qui vous permet de balancer des attaques, parer et esquiver, et qu’il faut bien surveiller si vous ne voulez pas finir sans défense au corps-à-corps. De l’autre, il y a une grosse emphase sur la parade et les capacités spéciales - qui sont le meilleur moyen d’épuiser l’énergie de votre adversaire et de lui lâcher un finish move très puissant. Mais ce ne sera pas forcément évident. Chaque coup que vous recevez fait également baisser votre endurance, ce qui veut dire que la parade (qui n’est pas toujours évidente à placer) n’est pas forcément la meilleure option ! Souvent, il est donc préférable de bloquer puis de parer, ou bien carrément d’esquiver et d’attendre que le Ki remonte. Bref, on a adoré le cœur des combats, à la fois tactiques, lisibles, viscéraux. On regrette juste une intelligence artificielle un peu trop souvent dans les choux, dont les mouvements sont soit trop erratiques, soit trop absents.
Mais comme on vous le disait plus haut - d’après nous - la Team Ninja péche un peu par générosité ! Comme d’habitude, en marge d’un goût très prononcé pour le loot, le studio propose plusieurs types d’armes, qui sont ici moins nombreux que dans Nioh ou dans Wo Long… Entre le katana, l’odachi ou le fusil baïonnette, 9 catégories vous attendent. Leur "petit nombre" s’explique simplement. Chaque famille profite de plusieurs “styles de combat” (sorte d’évolution des postures de Nioh) et chacun de ces styles symbolise une panoplie d’attaques uniques, c’est-dire de nouveaux coups de base, des techniques spéciales inédites, même de légers changements sur la parade. Certains outils, comme le katana, disposent à terme d’une dizaine de styles distincts dont les capacités elles-mêmes (il peut y en avoir jusqu’à quatre) peuvent être modifiées si votre progression le permet. Tout ça sachant que votre héros peut porter jusqu’à six styles en même temps au travers de ses deux armes principales !
Bref, les possibilités sont énormes, et après 40h de jeu, nous avons encore du mal à tout retenir. Ce qui peut sembler être une richesse folle - c’est le cas - nous est plutôt apparu comme un problème de dosage étant donné que Rise of the Ronin ne nous encourage jamais vraiment à maitriser tout ça. On note seulement ici la présence d’un marqueur rouge et bleu au-dessus de la tête des adversaires, ce qui indique si le style de combat actif est plus-moins efficace (ça rend d’ailleurs les changements de posture un peu mécanique, à la différence d’un Nioh). Même le endgame, qui déverrouille le mode Nuit Noire et vous invite à recommencer des quêtes en difficulté maximale, ne va pas dans ce sens. Au final, tant qu’on maîtrise son timing, son endurance et ses parades, n’importe quel style peut faire l’affaire face à n’importe quel vilain (à moins que celui-ci soit rapide comme l’éclair et que vous ayez une épée lourde). Après, ça laisse au joueur une grosse marge de manoeuvre, et ça c’est super bien. En marge des armes blanches, Rise of the Ronin donne d’ailleurs accès à tout un arsenal secondaire avec des choses plutôt inédites pour le genre, comme un lance-flammes, un fusil, un revolver… Pour autaut rien de révolutionnaire, et l’intégration des armes à feu au gameplay s’avère même décevante.
Une progression qui veut contenter tout le monde
Avec le recul, ce souci de “dosage” vient sans doute de la volonté de créer un action-RPG exigeant, complet, mais plus accessible que la moyenne, ce que la Team Ninja parvient à réaliser sur d’autres aspects. Prenez le système d’expérience par exemple, qui donne accès à un arbre de compétences assez complet. Ici, l’XP fonctionne en deux temps : d’un côté, il y a le niveau général de votre héros, qui augmente au gré des combats et des missions et qui vous rapporte des points de compétences classiques. Et de l’autre côté, il y a le Karma, qui s’obtient exclusivement en combat et qui vous offre des points d’XP rares. Le truc, c’est que le Karma peut facilement vous glisser entre les doigts… En cas d’échec, c’est l’ennemi qui vous a donné la mort qui garde ce précieux butin et pour le récupérer, il faut soit le battre, soit lui asséner un finish move. Avec ce système, la Team Ninja concilie donc à la fois la tension d’un titre FromSoftware - au moment de récupérer ses âmes - et une progression plus traditionnelle. Idem pour la difficulté : il y en a trois niveaux que vous pouvez modifier à tout moment - même en pleine mission via les checkpoints - et donc pas de stress si vous butez face à un boss. Tout est fait pour que vous puissiez progresser malgré tout (si vous voulez du challenge, il y a le endgame). Si ce n’est pas suffisant, il y a toujours de quoi faire : un système d’assist, où des personnages croisés durant l’aventure viennent vous prêter main forte, et un mode coopération en ligne jusqu’à trois joueurs uniquement accessible en mission (pas de balade avec vos amis dans le monde ouvert). Bref, à défaut d’être parfait, Rise of the Ronin offre une expérience super complète, et les ninjas les plus aguerris pourront personnaliser leur équipement à l’extrême grâce au système de transfert de lien, qui sert à basculer les bonus d’une arme à l’autre ; et même décorer la “Nagaya”, base où votre personnage pourra se reposer, exposer ses items souvenirs et discuter avec ses amis.
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Conclusion
Points forts
- Combats réussis et profonds
- Un effort notable sur l’écriture
- L’époque fascinante du Japon
- À la fois exigeant et accessible
- Expérience très complète (40h)
Points faibles
- Des missions “à la Nioh” qui plombent le récit
- L’exploration, trop mécanique
- Des combats qui en font “trop”
- La technique vraiment à revoir
Note de la rédaction
Au final, Rise of the Ronin n’est sans doute pas le jeu d’action-aventure au Japon que tout le monde attend, mais c’est une expérience solide et qui a plus d’un tour dans son sac. Les combats sont réussis (et s’appuient sur une richesse assez dingue), l’exploration n’est pas très organique mais reste agréable, et la Team Ninja exploite bien la période “Bakumatsu”, en particulier dans son écriture… Malgré tout, on reste sur notre faim, notamment à cause de niveaux à la Nioh qui ont du mal à nous faire vivre les enjeux à l'œuvre ! Le studio mise avant tout sur ses acquis, se prend même les pieds dans le tapis dans sa quête d’équilibre entre exigence et accessibilité. Rise of the Ronin reste, cependant, une bonne expérience.