Revoir ses exs au détour d’un règlement de compte menaçant n’a jamais rien de très plaisant, à part dans Thirsty Suitors, où les jugements pesants de votre mère et les attaques verbales de vos anciennes relations toxiques constituent un régal absolu.
Nouvelle sortie phare pour les aficionados du catalogue d’Annapurna Interactive (Outer Wilds), Thirsty Suitors nous emballait depuis ses premières présentations, lâchant des extraits de séquences vibrantes à l’ambiance Bollywood et aux belles mélodies traditionnelles. Après Falcon Age, récit d’aventure porté sur l’héritage et la fauconnerie, le studio Outerloop Games s’attache encore une fois à “créer des jeux accessibles et approfondis sur des cultures et des thèmes sous-représentés”, comme le dit son slogan ; Froidement larguée par sa petite-amie Jennyfer, notre nouvelle héroïne Jala retourne au bercail, dans la ville de Timber Hills, après plusieurs années d’absence pour y retrouver des proches qu’elle a longuement délaissés au profit d’une flopée de relations toxiques. La jeune femme va devoir faire face au poids des pressions familiales et culturelles, à une horde d’exs fâchés qui se sont tous ligués contre elle et à l’arrivée de Paati, la grand-mère terrifiante qui a la critique très, très facile.
Exs toxiques + Mère stricte = cocktail génial
Thirsty Suitors débute son introduction par une séquence délirante, dans laquelle Jala skate dans les abysses hypnotisantes de ce qui représente probablement son subconscient, tout en nous faisant compléter un test de personnalité basé sur nos relations amoureuses. Voilà qui promettait déjà une aventure originale. Les réponses donnent le ton au caractère de l’héroïne, qui déterminera certaines lignes de dialogue sans jamais changer drastiquement le cours de l’histoire. Une fois revenue sur la terre ferme, Jala pousse les portes du restaurant qu’elle fréquentait avant de quitter la ville avec sa nouvelle conquête. Elle y retrouve Sergio, l’un de ses prétendants de l’école primaire, un peu trop motivé à recoller les morceaux. Débute alors un combat au tour par tour délirant aux animations folles et doté d’un système d'humeur bien malin qui permet de tirer profit des faiblesses du bougre. Pas difficile, par exemple, de deviner que notre bon Sergio aux yeux pétillants est sensible à la passion sous toutes ses formes, et semble flancher un peu plus au moindre battement de cils boosté par un QTE réussi. Tyler, en revanche, qu’on a tout de même larguée honteusement pour filer avec le premier venu, sera davantage plus encline à des excès de rage. Car oui, précisons que Jala est loin d’être la copine idéale, ce qui rend naturellement sa petite épopée franchement amusante.
Si on pensait affronter ses exs avec une classe légendaire, c’est en fait d'abord souvent eux qui nous en mettent plein la tronche. Les joutes verbales et échanges piquants sont d’autant plus le cœur des batailles que les capacités spéciales envoyées par notre tombeuse, bien qu’on adore la possibilité d’invoquer la mère de Jala pour qu’elle vienne elle-même écraser l’ennemi de la puissance de sa claquette. La facilité des combats est souvent déconcertante, les mécaniques n’évoluent pratiquement pas et les affrontements souffrent même d’une redondance qui aurait pu coûter beaucoup plus cher à l’expérience de jeu si celle-ci avait dépassé les dix heures de durée de vie. Le titre ne démontre une légère transition dans son design qu’à la toute fin de l’aventure. En revanche, l’écriture de Thirsty Suitors est fine, actuelle, et tordante (et le jeu est traduit en français). Elle est rythmée par le vaste programme que Jala doit gérer maintenant qu’elle est fraîchement célibaire et de retour chez elle : renouer des liens brisés avec sa soeur qui se marie bientôt, calmer ses exs enragés, satisfaire ses parents inquiets tout en se recentrant sur ses ambitions personnelles et se préparer à la venue de la matriarche de la famille. Mais la plume brille le plus au cours des échauffourées, dont les discussions atteignent une profondeur vraiment intéressante au sujet des relations, des frontières et sensibilités de chacun et des fracas que celles-ci rencontrent quand elles se heurtent.
La découverte de chaque ancien prétendant constitue un véritable petit plaisir, tant chaque personnalité a été sciemment travaillée pour nous offrir une palette aussi éclectique que passionnante, tout ce beau monde étant mis en scène dans une extravagance qui rappellerait Bollywood. Le joueur est transporté dans leurs royaumes psychiques, sorte de Persona-like qui aborde à merveille les questions queer. On aime également l'idée géniale des prétendants de Paati, ces ennemis rencontrés aléatoirement en centre-ville qui sont la matérialisation d’une publicité matrimoniale indienne qui a pris vie et qui a été envoyée “avec amour” par votre grand-mère mal aimée.
Tout n'est pas parfait dans le gameplay
Quand elle ne fait pas face à ses démons du passé, Jala enfourche son skate pour grinder assez maladroitement dans les ruelles trop étroites et peu confortables de Timber Hills. Il y a bien le parc, où notre héroïne est libre de réaliser un tas de défis sportifs qui vous octroient des récompenses à peine nécessaires en combat. Le tout sous l'œil hagard du maître des lieux, un type un peu louche nommé Soundie qui a l’air de bien transpirer sous son costume d’ours. Si les communications autour du jeu promettaient des “mouvements techniques complexes”, il n’en résulte vraiment que des déplacements très peu stimulants, voire un peu laborieux. Il s’agit probablement de l’une des activités les moins abouties du titre, et qui brillera seulement à certains moments culminants du jeu.
On préfère rester derrière les fourneaux avec la mère de Jala qui nous apprend quelques recettes qui serviront de buff en combat. Les mêmes QTE toujours demandés rendent la pratique un peu lassante à terme, mais les petits pics passifs-agressifs de la dame lancés quand on ne mélange pas les ingrédients correctement offrent toujours un peu de piquant aux plats. Enfin les autres à-côtés de Thirsty Suitors sont plus ou moins dispensables et consistent à rendre des services assez sommaires à vos exs rancuniers qui semblent vouloir faire de vous leur nouvel esclave.
Conclusion
Points forts
- Un jeu particulièrement raîfraichissant sur des thématiques sous-exploitées
- Des mises en scène folles en combat
- Une belle galerie de personnages excentriques (surtout la mère)
- Une excellente écriture, souvent drôle et moderne
- La direction artistique dans sa globalité
Points faibles
- Un gameplay presque pas évolutif
- Des activités qui peuvent devenir lassantes
- La partie skateboarding assez peu maîtrisée
Note de la rédaction
Pot-pourri d’activités aussi inégales que rafraîchissantes, Thirsty Suitors déborde de grandes idées, de personnalité et d’originalité dans son exécution burlesque. On aime d’abord son écriture crédible, ses échanges drôles et sa galerie de personnages géniaux. Et puis on s’émerveille devant ses mises en scène théâtrales et excentriques. Tant de points forts tout de même un peu ternis par une structure et un gameplay stagnants ainsi qu’une partie skateboard trop fébrile.