On prend les mêmes et on recommence

Liu Kang a profité de sa condition de gardien du temps pour façonner un univers à son image, avec des royaumes qui vivent en paix. Sub Zero et Scorpion ? Ils sont devenus des frères et travaillent ensemble à la protection du royaume Terre. Shang Tsung ? Il est un moins-que-rien qui survit en vendant des remèdes miracles aux villageois du coin. Après s’être senti poussé des ailes (de dragon), Liu Kang est devenu le dieu du feu et veille sur ses sujets. Il s’occupe, entre autres, du recrutement des guerriers terriens qui doivent défendre l’honneur de notre jolie planète bleue lors d’un tournoi organisé entre les royaumes. Il se murmure que les soldats d’Outre-Monde voudraient une guerre mais qu’une victoire du royaume Terre pourrait les en dissuader. En parallèle, un grain de sable maléfique s’infiltre dans les rouages bien huilés de ce nouveau monde et va engendrer des conséquences inattendues.

Si vous n’avez aucune idée de ce qu’est Mortal Kombat, nous pourrions résumer cette franchise apparue dans les salles d’arcade en 1992 ainsi : un jeu de combat sanglant dont le gameplay se base principalement sur l’utilisation de coups spéciaux et sur les nombreuses façons d’humilier son adversaire. Au fil des épisodes, les sprites 2D ont laissé place à des personnages en 3D, les combos se sont multipliés, les coups “X-ray” sont apparus, l’histoire a été plusieurs fois rebootée et les modes de jeu ont gagné en variété. Bien sûr, le casting s’est lui aussi étoffé.

Avec un univers totalement remanié, cet épisode se présente comme une sorte de nouveau départ pour la licence. Cela ne veut pas dire qu’il est le meilleur point d’entrée pour découvrir la série. S’il s’agit bel et bien d’un nouveau départ, MK1 est tout de même une véritable suite de MK11. Les clins d'œil adressés aux fans de la première heure sont légion et l’intrigue est pleinement compréhensible uniquement pour ceux ayant terminé l’extension Aftermatch du onzième volet.

En 2008, Mortal Kombat vs DC Universe avait révolutionné à sa façon le mode campagne du jeu de baston en lui accordant un traitement jusque-là inédit. Mortal Kombat 9 avait amélioré le concept en insufflant des cutscenes toujours plus travaillées, des rebondissements scénaristiques tapageurs et des décors/protagonistes variés, au point de devenir une référence dans le genre. En 2023, NetherRealm n’a presque pas touché à la formule. Le mode Histoire est une fois de plus robuste. Versant à la fois dans le grand spectacle et le grand n’importe quoi, il n’oublie jamais de verser dans l’humour après deux séquences qui se veulent plus dramatiques. En introduisant diverses surprises dont nous nous ne parlerons pas ici, le titre édité par Warner nous fait passer un bon moment avec sa campagne solo (qui se termine en moins de 7 heures), quand bien même elle serait indubitablement classique dans sa construction et qu'elle ne proposerait pas plusieurs embranchements. Loin d’être incroyable, la VF se laisse tout de même écouter sans nous faire saigner des oreilles.

Hold back to fight

Si Mortal Kombat 1 peut laisser un goût de sang non hématosé dans la gorge lors des premières parties, c’est plus pour ses quelques changements dans sa présentation qu’à cause des hectolitres d’hémoglobine versés à chaque pichenette. Dans son interface générale, le jeu mettant en scène Scorpion et toute sa clique aurait mérité moins de lourdeurs. Les menus, bloqués à 30fps, ne brillent pas vraiment par leur réactivité. Des actions pourtant simples, comme lancer un entraînement avec un personnage, nécessitent de passer par des chargements un peu trop longs via des écrans qui se contentent du strict minimum, puisqu’ils sont parfois noirs comme une nuit sans lune. Au final, seuls les matchs en local se lancent d’une jolie manière, avec un plan serré sur les héros qui se font face, puis le décor qui apparaît sans un fondu au noir disgracieux.

Cela peut être considéré comme un détail sans importance, mais cet aspect dénote avec les présentations soignées de MK11 et de Street Fighter 6. Dans le même ordre d’idées, réapparaître au centre de l’arène en mode “Défis de kombo” demande obligatoirement de jouer la démo du CPU, tandis que les animations de l’écran principal ne peuvent être interrompues, ce qui frustrera les plus impatients (ou les joueurs qui se sont trompés et veulent tout simplement revenir en arrière).

Par rapport à Mortal Kombat 11, le rejeton de NetherRealm est étrangement moins spectaculaire dans ses premiers instants. La caméra est ici un petit peu plus éloignée des combattants afin de cadrer l’invocation des Kaméos. Les animations plus lisibles, car dotées de moins de frames parasites, engendrent une meilleure lecture de l’action. En comparaison, le rendu de Street Fighter 6 est toujours plus propre à tous les niveaux, mais MK1 s’en sort bien. Certains personnages comme Li Mei ont encore des mouvements décousus, donnant l’impression d’avoir été accéléré artificiellement sans que l’animation ne suive vraiment, mais dans l’ensemble, NetherRealm reste dans les bons standards d’un jeu de baston de 2023. Les éléments interactifs des arènes qui donnaient l’opportunité de mieux défoncer son opposant ont disparu, tandis que les fatalités se terminent sur des plans moins impressionnants qu’à l’accoutumée. Les cutscenes se concluent en effet sur le duo vainqueur, plutôt que sur le moment fort de la fatalité en slow motion. Cela peut donner l’impression que MK1 fait dans la retenue, même si les finish moves sont toujours aussi sauvages.

Kaméo, elements of power ?

Grande nouveauté de cet épisode, Mortal Kombat 1 introduit un système de Kaméos qui prend la forme d’un personnage de soutien à faire intervenir n’importe quand pendant un combat. Ce dernier n’effectue en fait qu’un seul et unique coup avant de sortir de la zone de jeu en attendant d’être de nouveau invoqué, quand la jauge prévue à cet effet est remplie. Pad en main, il faut appuyer sur RB/R1 en maintenant une direction pour que l’assistant inflige un coup spécial. Illustrons : si je dirige Sub Zero et que j’ai choisi Kano en tant que Kaméo, je peux le faire entrer quelques secondes sur le ring afin de cramer l’ennemi grâce à son laser oculaire (RB/R1), lui faire lancer ses couteaux (arrière + RB/R1) ou tout simplement charger l’adversaire avec sa boule (avant + RB). Ces protagonistes assistants peuvent aussi être appelés pendant les projections (avant + LB/L1) et les fatalités. Avec de l’entraînement, il devient aisé de réaliser des combos dévastateurs à deux. Trop, peut-être. En ligne, il n’est pas rare de tomber sur des adversaires qui réussissent à retirer plus de 50 % de la barre de vie en spammant les lames de Sareena.

En alliant la soixantaine de coups (de base et spéciaux) avec les quelques actions du Kaméo, il est effectivement possible de faire de gros dégâts. Est-ce que ce système est un argument majeur du soft pour que tout le monde cède aux sirènes de MK1 ? Tout dépend du temps que vous souhaiterez passer en compagnie des combattants imaginés par NetherRealm. Plus que n’importe quel autre volet avant lui, Mortal Kombat 1 demande de l’apprentissage. Celui des personnages principaux, des Kaméos, et de la manière dont les deux interagissent ensemble, pour nous comme pour l’adversaire.

Alors que Street Fighter 6 a embrassé l’accessibilité en mettant en avant des commandes modernes facilitant l’exécution de mouvements complexes, Mortal Kombat 1 exige encore des manipulations. Heureusement, ces dernières sont simples et ne nécessitent pas d’effectuer des quarts de cercle compliqués. Bien sûr, par défaut, différentes aides sont bien là pour faciliter l'élaboration d’enchaînements, avec des combos plus assistés et une marge d’erreur autorisée pour exécuter les coups spéciaux. Mais ce Mortal Kombat demande tout de même quelques efforts pour dompter ses règles.

N’hésitez pas à passer un peu de temps dans les options afin de paramétrer la maniabilité qui vous correspond le mieux. Fort heureusement, le mode Tuto est aussi complet que bien amené : apprendre les bases et les techniques avancées se fait en douceur. Certes, les fans de Street Fighter 6 diront que le mode Entraînement apporte moins d’informations que celui du jeu de Capcom, mais nous restons dans quelque chose de très bien fait.

Pour le reste, dans son gameplay général, nous restons en terrain connu. Les joueurs remplissent trois barres de Super qui se consomment en rendant des coups spéciaux plus puissants ou en breakant. Les Fatal Blow, ces enchaînements destructeurs qui provoquent moult fractures, sont toujours proposés au joueur en mauvaise posture. Malgré les efforts effectués par le studio, en particulier dans le jeu aérien, les combats sont toujours assez rigides, ce qui peut être vu comme la marque de fabrique de la saga. Nous notons qu’une projection classique (LB/L1) déclenche finalement une projection arrière, tandis qu’il est impossible de savoir quel type de chope (avant ou arrière) est exécutée par le concurrent : réussir à la parer relève donc du pur hasard.

Beau, long, mais un peu coupé

Graphiquement, Mortal Kombat 1 met une grosse mandale à tout ce qui existe actuellement dans le monde du jeu de baston. Sur Xbox Series X, le rendu est splendide notamment grâce à des personnages impeccablement modélisés et à des arènes de toute beauté, bien plus réussies que celles de MK11 si vous voulez notre avis. En prime, le tout tourne en 60fps lors des affrontements, sans broncher. Les attaques X-ray sont plus détaillées que jamais et les stages connaissent des variations bienvenues.

Au rayon des transformations, la direction de cet épisode tranche radicalement avec ce dont nous avions l’habitude depuis Mortal Kombat 9. Les décors sont colorés, les couleurs sont chaudes, et il n’est pas rare de combattre dans des arènes paradisiaques (forêt luxuriante, ville pendant une fête, jardin suspendu, villa luxueuse, etc.). Les fans de la série seront ravis de découvrir que les Kaméos disposent d’un design mais aussi de coups provenant des tous premiers épisodes de Mortal Kombat. En ce qui concerne le nouveau design des guerriers, NetherRealm a rajeuni tout le casting pour un résultat que nous trouvons réussi dans sa globalité. Mais bon, les goûts et les couleurs…

Les Kaméos ne sont pas la seule nouveauté du dernier titre de WB Games puisque nous découvrons un mode de jeu inédit avec Invasions. Représenté comme une sorte de jeu de plateau/dungeon crawler en vue de dessus, il nous invite à déplacer un personnage de case en case jusqu’à la sortie… qui nous mène vers un autre monde. Pour progresser, le joueur doit évidemment combattre et participer à différentes épreuves (test your might, affrontements contre des adversaires disposant de modificateurs, phases de tuto, etc.), mais aussi dépenser ses deniers dans des bonus auprès des marchands. Avec les stats à modifier, les dégâts élémentaires (oui oui), ou encore les talismans qui attribuent des pouvoirs spéciaux à améliorer, Invasions donne un petit côté RPG à MK1 loin d’être désagréable.

Avancer dans le mode Invasions fait progresser l’histoire de ce mode saisonnier qui changera tous les 60 jours, tout en octroyant XP (et donc des Kaméos supplémentaires), crédits et équipement. On ne vous dira pas qu’il s’agit du mode de la décennie, loin de là, mais tout fonctionne suffisamment bien pour qu’on se laisse embarquer sans déplaisir pendant quelques heures. Cependant, la lassitude intervient irrémédiablement, la faute à un manque d’originalité dans les épreuves – la série a déjà fait beaucoup mieux par le passé – mais aussi à des adversaires disposant de buffs éclatax. Dommage que NetherRealm n’ait pas pensé à intégrer une carte du monde qui aurait permis de s’y retrouver plus facilement. Toujours au rayon des regrets, cette partie du jeu est en 30fps et n’est pas doublée en français, contrairement à la campagne. Si vous vous posez la question, les “Test your luck” et autres “Babalities” ont été purement et simplement rayés de cette dimension. Aucune option CPU vs CPU n’est également présente.

Le mode Tours, par contre, est toujours de la partie et invite le combattant à disputer des matchs afin d’atteindre le sommet. Véritable mode Arcade, il donne accès aux fins spécifiques des héros sélectionnés. Et bien sûr, jeu compétitif oblige, MK1 dispose d’un mode multijoueur en local et en ligne complet. Au moment où nous écrivons ces lignes, nous n’avons constaté aucun problème de réseau. Le netcode (rollback) est solide et s’appuie sur l’expérience des développeurs qui n’ont tellement pas pris de risques avec les joutes en ligne qu’il aurait été scandaleux de constater l’inverse. Inutile de préciser que des brutes épaisses hantent déjà ces lieux de rencontres virtuelles qui pourraient rapidement effrayer les nouveaux venus.

Nouveau monde, anciennes règles

Malgré sa popularité auprès des fans, la Krypte a disparu. S’il veut dépenser ses deniers acquis en multipliant les victoires, le joueur est invité à passer par des menus beaucoup plus classiques. MK1 s’appuie sur des fondations conventionnelles pour un jeu service de 2023, avec tout de même quelques mécaniques venant d’un autre temps. Le soft met en place trois monnaies distinctes : les crédits classiques, les crédits saisonniers et les Kristaux du dragon. Ces derniers s’achètent contre de l’argent bien réel dans la boutique du jeu afin de débloquer du contenu “Premium” dédié à ce shop.

Les crédits saisonniers, qui s’acquièrent en jouant au titre, donnent accès à des objets saisonniers s’actualisant régulièrement. On y trouve par exemple des skins de la couleur de la saison (automnale pour le moment) ainsi que des pièces d’équipement. Enfin, les crédits classiques, qui se remportent eux aussi en jeu, se déposent par tranches de 1 000 à un sanctuaire attribuant une récompense aléatoire à la qualité variable. Quant à la politique de DLC, elle est plus agressive qu’un Goro qui aurait reçu un coup à l’entrejambe. Shang Tsung ne s’offre qu’à ceux ayant précommandé le soft, alors que Khaméléon, Quan Chi et Ermac arriveront plus tard en téléchargement. De quoi faire hurler de nombreux fans.

Comme à l’accoutumée, une grande partie de l’intérêt de Mortal Kombat réside dans les nombreuses choses à débloquer en solo et en multi (en ligue de kombat), allant des costumes aux pièces d’équipement, en passant par les provocations, les coups fatals, les voix d’annonceur, les illustrations ou même des Kaméos. Avec des crédits saisonniers qui se remettent à zéro à chaque nouvelle saison, NetherRealm sait comment faire pour garder un maximum de joueurs dans ses tournois.

Les personnages principaux ainsi que les Kaméos disposant de leur propre niveau de maîtrise, avec du contenu qui se gagne à force de jouer avec eux, Mortal Kombat 1 est un jeu où le grind est omniprésent, avec ses bons comme ses mauvais côtés. En outre, l’accès à la “Kustomisation” et au mode “Invasions” ne se fait qu’en étant connecté à Internet. Cela a la fâcheuse tendance à rendre le Quick Resume des Xbox Series futile, puisque le soft déconnecte l’utilisateur du serveur après une période d’inactivité.

Conclusion