Réclamé de longue date par les nombreux adeptes de la franchise horrifique de Tecmo, le quatrième volet de la série Project Zero daigne enfin s’offrir un passeport pour l’Europe… 15 ans après sa sortie initiale sur Wii au Japon.
Si les plus fervents adorateurs de Project Zero n’avaient pas hésité à se lancer à la découverte du quatrième volet en import lors de sa sortie sur Wii en 2008, la grande majorité des joueurs ignore à peu près tout de cet épisode… Sinon qu’il s’agit de l’un des chapitres les plus recommandés de la série. Mais quinze ans d’attente pour un jeu dont nous avions été injustement privés à l’époque, ça fait tout de même très long. Alors l’idée même de pouvoir enfin y jouer dans un remaster entièrement localisé et adapté aux machines actuelles est une chance que ne manqueront pas de savourer les inconditionnels de la licence. Reste à savoir si la formule prendra aussi bien auprès des autres.
Sommaire
- Project Zero 4, quinze ans après !
- Le remaster d’un épisode inédit hors du Japon
- Le syndrome sélénite et autres atrocités
- La peur selon Project Zero
- Une formule datée ?
- Le rêve du passe-muraille
Project Zero 4, quinze ans après !
Project Zero : Le Masque de l’Eclipse Lunaire bénéficie d’une traduction complète dans notre langue et conserve son doublage original japonais, élément fondamental pour assurer une immersion crédible dans son univers. Sachant que les fils narratifs de cette sombre histoire se démêlent principalement via les notes de carnets recueillies au gré de la progression, le fait que les textes soient traduits en français est un atout majeur pour ce remaster. Car, si l’aventure comporte comme toujours son lot de cinématiques glaçantes, les notes récupérées ça et là restent essentielles pour nous aider à comprendre le passé des différents personnages que l’on incarne au fil des chapitres. Plusieurs individus jouables vont ainsi se passer le relais dans ce quatrième opus qui n’oublie pas non plus de convoquer plusieurs références temporelles afin d’épaissir au maximum son mystère autour d’inquiétantes disparitions liées à l’histoire de nos protagonistes.
Le remaster d’un épisode inédit hors du Japon
Outre sa traduction française impeccable, le remaster de ce quatrième volet a bénéficié d’un grand dépoussiérage… sur le plan visuel. Nous reviendrons un peu plus loin sur le peu d’évolutions concernant le gameplay mais voyons déjà en quoi l’aspect graphique du titre a été modernisé. Prenant en compte les capacités techniques propres à chaque support, Project Zero : Le Masque de l’Eclipse Lunaire compense le gouffre des 15 années passées en proposant des cinématiques et des modèles de personnages actualisés. Un travail tout particulier a été effectué au niveau du rendu des ombres et des effets lumineux pour renforcer l’ambiance pesante et glauque qui caractérise la série depuis ses débuts. Le faisceau de la torche spirituelle, par exemple, a été amélioré, et on peut dire que l’immersion est immédiate sur le plan sonore et visuel. Malgré tout, l’évolution graphique par rapport à la version d’origine n’est pas aussi significative qu’on aurait pu l’espérer avec 15 ans d’écart.
Le cachet à la fois réaliste et surnaturel de la franchise s’avère cependant toujours aussi efficace qu’à l’époque des premiers volets de la série et la peur est bien présente du début à la fin de l’aventure. Un nouveau mode Instantané a d’ailleurs été implémenté pour nous permettre d’immortaliser les scènes de notre choix, à n’importe quel moment de la partie, avec de nombreuses options de personnalisation. Enfin, des costumes supplémentaires sont à débloquer en plus de ceux présents dans la version d’origine, ces derniers ayant subi quelques modifications.
Le syndrome sélénite et autres atrocités
Si l’ambiance est le point fort de Project Zero : Le Masque de l’Eclipse Lunaire, c’est davantage en raison de la qualité de sa mise en scène que de la clarté de son scénario qui joue sur plusieurs chronologies distinctes. Le choix des lieux impliqués dans l’histoire donne tout de suite le ton. Une clinique psychiatrique pour enfants dotés d’étranges facultés sensorielles et atteints d’un mal mystérieux lié aux phases de la lune… Un pavillon qui n’est que le prolongement de cet enfer et qui dissimule des affaires sordides… Au gré des découvertes morbides faites par les différents individus que l’on contrôle, on s’aventure toujours plus profondément dans l’horreur.
Sur fond de festival ancestral japonais, l’intrigue voit des adolescentes revenir sur l’île de Rogetsu, théâtre de mystérieuses disparitions en lien étroit avec un passé oublié. Déjà impliqué dans la résolution d’une affaire de meurtres étranges, un détective privé va tenter lui aussi de lever le voile sur ce qui se passe réellement à Rogetsu. C’est bien cette combinaison de trames narratives entremêlées qui fait le sel de cet épisode, exigeant une vraie concentration de la part du joueur.
La peur selon Project Zero
Au début des années 2000, alors que le survival horror ne proposait encore que quelques rares alternatives à Resident Evil et Silent Hill, la série de Tecmo a su se faire une place de choix auprès des amateurs du genre en misant sur la fragilité extrême de ses personnages. Avec un appareil photo comme seule arme, les joueurs ont découvert une autre façon de frémir dans un jeu vidéo, délaissant l’action au profit de l’immersion pure. Il faut dire que « la peur » selon Project Zero ne réside pas seulement dans ces jump scares qui surgissent parfois au premier plan. On la ressent de manière omniprésente à travers ces visions fugaces d’individus psychiquement torturés ou ces sonorités grinçantes qui proviennent d’on ne sait où (et d’on ne sait quoi)… À d’autres moments, le malaise résulte du grain de l’image qui s’épaissit subitement et se ternit à l’approche d’un danger vraiment sérieux, ou de cette main toujours prête à vous saisir lorsque vous tentez de ramasser un objet… au risque de le voir disparaître à jamais.
Une formule datée ?
Si l’empreinte de la série, calquée sur les références de l’horreur à la japonaise (Ring et consorts), n’a rien perdu de son efficacité, elle reste cependant atrocement ancrée dans le passé. En 2023, seuls les inconditionnels de la franchise accepteront sans ciller de lui pardonner son gameplay d’un autre âge, rattaché à une époque où la lenteur des déplacements pouvait encore constituer une solution valable afin d’épaissir artificiellement l’angoisse dans un survival horror. Mais voir resurgir ce remaster d’un titre conçu initialement en 2008, le même mois que la refonte ambitieuse de Resident Evil 4, nous laisse forcément un goût amer quant à ce qu’aurait pu donner un Project Zero aux contrôles réellement modernisés.
On a beau savoir que le principe même de la série réside dans la vulnérabilité de ses protagonistes armés d’un simple appareil photo alors que les fantômes peuvent surgir de n’importe où en traversant les murs, on ne peut s’empêcher de regretter cette impression de lourdeur excessive dans les déplacements tant elle tranche désormais avec les standards actuels. Même en jouant sur la sensibilité de la caméra et en activant les fonctions gyroscopiques (ce test a été réalisé sur la version Switch), l’ensemble manque toujours de réactivité pour ne pas s’avérer frustrant dans des environnements aussi étroits. Les personnages font presque du surplace lorsqu’ils courent et l’indicateur d’alarme ne suffit pas toujours à deviner d’où vont jaillir les spectres, surtout lorsqu’ils sont plusieurs, alors que l’on dispose déjà de si peu de moyens pour s’en sortir.
Le rêve du passe-muraille
La logique de la série reste inchangée et il convient toujours d’économiser au maximum les pellicules les plus efficaces en vue des « boss », tandis que les pierres d’amélioration de la Caméra Obscura doivent être réparties avec soin afin d’optimiser son efficacité. On avance donc pas à pas pour être sûr de rien laisser derrière soi, et surtout pas ces différentes lentilles (ou objectifs) aux effets précieux à équiper sur l’appareil photo. Il en va de même pour la torche spirituelle qui remplace la Camera Obscura à certains moments du jeu mais qui fonctionne de manière analogue. Tout est fait pour que l’on ressente en permanence notre extrême vulnérabilité, et tant pis si celle-ci est due essentiellement à la lenteur exagérée de nos déplacements.
Car, trop fréquemment, le jeu nous coince dans des pièces ou des couloirs si exigus qu’ils ne nous laissent même pas trois mètres d’espace pour bouger alors que les fantômes se moquent bien des barrières physiques que représente notre environnement. Tout cela nous fait fatalement sortir de l’expérience et met un peu à mal l’ensemble des efforts d’immersion réalisés sur le plan de la mise en scène pure. Sachant que la progression s’étale sur une douzaine d’heures de jeu environ, cela pourrait en décourager certains. Des contraintes qu’il vaut donc mieux connaître et accepter avant de se lancer dans l’aventure, tout comme l’absence de checkpoints et d’autres éléments tout bêtes qui auraient pu permettre de dépoussiérer sensiblement l’expérience offerte par ce survival horror à l’ancienne, calibré uniquement pour les nostalgiques.
Conclusion
Points forts
- Un épisode majeur enfin disponible hors du Japon
- Des améliorations notables sur le plan visuel
- La sensation de peur et de vulnérabilité omniprésente
- Une expérience de jeu authentique qui a toujours ses fans
- La fonction gyroscopique optionnelle mais bienvenue (testée sur Switch)
- Démêler les fils du passé en contrôlant plusieurs personnages
- Le fait d’alterner entre la Camera Obscura et la torche spirituelle
- La localisation impeccable (textes français, voix japonaises)
- L’ajout d’un mode Instantané pour la prise de photos
- De nouveaux costumes disponibles
Points faibles
- Il serait temps de penser à assouplir et moderniser le gameplay
- Une logique de progression qui paraît elle aussi datée
- La lenteur excessive des déplacements et la rigidité des contrôles
- Un rapport de force déséquilibré face aux spectres qui traversent les murs à 360°
- Toujours pas de checkpoints en cas d’échec
- Pas de version physique pour la France
Note de la rédaction
L’arrivée inespérée d’un épisode inédit de Project Zero, 15 ans après ses débuts au Japon, dans une version retravaillée et traduite en français a beau nous réjouir au plus haut point, elle met surtout en évidence l’urgence de moderniser le gameplay de la série. En l’état, ce remaster s’adresse donc uniquement aux inconditionnels de la franchise qui attendaient depuis longtemps une occasion de découvrir ce quatrième opus.