Quand A Plague Tale : Innocence est sorti du nid d’Asobo en 2019, il a propulsé le studio sous le feu des projecteurs, ou plutôt des lanternes. En effet, cette aventure médiévale se déroulant en Guyenne dans le Royaume de France de 1348 a rencontré un tel succès qu’elle a permis à ses créateurs de gagner en renommée. Sa suite, sous-titrée Requiem, est l’occasion de vérifier si les conteurs bordelais sont prêts à entrer dans la légende.
Ce test a été réalisé à partir de la version Xbox Series X de A Plague Tale : Requiem. Nos captures d'écran ont été faites directement avec les système de capture de la console. Pour rappel, le jeu fait partie du Game Pass.
50 nuances de rats, plus sombres
Juin 1349, Amicia, Hugo et Lucas s’amusent sur des massifs provençaux à l’orée des ruines d’un château. Les parties de cache-cache improvisées et les joyeux éclats de voix au bord de la rivière ont vite fait d’attirer le danger. En quelques minutes, le duo plonge dans un enfer où les flammes, les assassinats et les cris s’entremêlent pour former une toile de maître tachée de sang. Suite directe de A Plague Tale : Innocence, Requiem narre le combat désespéré d'une sœur, Amicia, pour la survie de son petit frère, Hugo, infecté par une mystérieuse malédiction qui coule dans son sang appelée Macula. De la veine, le petit garçon en manque. Alors que les magistères se relaient afin de ralentir le mal qui le ronge, il sombre de plus en plus vers les ténèbres. Pour tenter d’empêcher une fin tragique à son protégé, Amicia va devoir se jeter dans les origines de la Macula. Et si la solution venait des étranges visions d’Hugo ?
Dans cette grande fuite en avant, la fratrie va visiter des endroits variés, allant de la plage à la grande ville, sous un soleil de plomb ou en pleine tempête. Bien que les environnements soient plus ouverts qu’à l'accoutumée, A Plague Tale : Requiem est un jeu d’aventure narratif où le joueur est constamment guidé, que ce soit par des charrettes empêchant l’accès à une rue, ou par un groupe de passants. Dans cette course contre le temps, la fratrie peut heureusement compter sur l’aide d’un trio d’acolytes avec Lucas, Arnaud et Sophia. Chaque recrue apporte un talent qu'Amicia peut invoquer via la fonction d'ordre ingame. Le jeune alchimiste rend les feux de bois plus puissants que jamais, alors que le chevalier combat des ennemis lourdement armés. La pirate, quant à elle, se sert de son prisme pour enflammer des brindilles (ce qui attire les gardes) ou créer un halo lumineux (repoussant les rats). Ensemble, ils vont participer à une aventure d’environ 17 heures qui alterne les passages cauchemardesques, nihilistes au possible, avec des séquences légères principalement utilisées pour renforcer les liens entre les protagonistes. Une formule qui a déjà prouvé son efficacité par le passé mais qui est ici plus maîtrisée que dans la précédente création du studio.
Du cache-cache au chamboule-tout
Bien qu'ils facilitent les affrontements contre les adversaires, les pouvoirs du petit garçon n'en restent pas moins limités dans leur utilisation. De plus, contrairement aux lunettes de vision de Sam Fisher, l'écho ne peut pas être activé à la volée : Hugo doit être à l'arrêt pour l'utiliser, ce qui est handicapant quand les gardes pullulent. De manière générale, oser la méthode douce sans se faire repérer n’est pas ce qu’il y a de plus facile dans Requiem. Les ennemis sont nombreux, alertes, et le bruit fait par les adversaires que l'aventurière étouffe a vite fait de rameuter la garde. Le stealth kill n'en est donc pas vraiment un, il fait d'ailleurs grandir la jauge "agressivité" de l'héroïne. Résultat ? En normal, il est parfois conseillé de tenter la méthode forte, quitte à se heurter à du die & retry, plutôt que d'essayer la furtivité totale.
C'est lorsque A Plague Tale : Requiem tente de mettre toutes ses mécaniques d'infiltration/action dans des arènes infestées d’opposants qu’il pénètre dans une zone grise. Certes, les possibilités sont nombreuses pour se débarrasser (ou détourner l’attention) des opposants, ce qui est un bon point, mais le tout manque un peu de précision. Cela est dû à une fronde qui ne répond pas exactement au doigt et à l'œil, à des actions contextuelles (grimper, se faufiler, etc.) qui prennent du temps, et à de nombreux soldats situés en hauteur qui ont vite fait de crier au loup. Dès que nous sommes plongés dans une arène où il est impossible de s’amuser avec les rats, il peut être compliqué de réussir ce que l'on entreprend du premier coup. Par conséquent, l’utilisateur se retrouve régulièrement dans la réaction malgré tous les efforts fournis dans la préparation du meilleur des plans afin de rester invisible.
Fort heureusement, la grande sœur sait désormais rendre les coups au corps-à-corps. Lors d’un combat rapproché, Amicia est capable de repousser ou de poignarder l’ennemi, si elle dispose au préalable d’un couteau dans son inventaire. Par rapport au premier épisode, la fuite est moins synonyme de game over. Le joueur parvenant à briser les lignes de vision des poursuivants après une alerte générale peut s’en sortir sans se prendre un mauvais coup. En normal, il faut encaisser deux coups pour périr, ce qui est largement plus permissif que ce que nous avions dans Innocence. Les actions contextuelles ne sont pas réservées qu’aux combats : un petit caillou peut être lancé au bon moment pour détourner l’attention d’un soldat se dirigeant vers Amicia. En utilisant les différentes armes, les multiples munitions et les pouvoirs d’Hugo, le joueur réussira à se sortir de situations inextricables. Dans le sang et les hurlements s’il le faut ! La fratrie n’est pas la seule à bénéficier de nouvelles capacités. Les rats réservent de terribles surprises durant l’épopée.
Tapis rouge pour le roi !
Le travail abattu par Asobo Studios pour améliorer tout ce qui pouvait l’être est titanesque. Proposant un gameplay offrant plus de possibilités, s’appuyant sur des protagonistes complémentaires poursuivis dans des niveaux offrant plus de choix, cette suite n’en oublie pas l’essentiel pour le genre qu’elle vise, à savoir l’histoire, la variété des situations, et la narration. A Plague Tale : Requiem enterre tout ce que le premier épisode avait entrepris sur ces critères. Il met en scène des personnages majoritairement attachants dans une histoire pleine de rebondissements, agréable à suivre et vraiment surprenante dans son dernier tiers. Quelques scènes très scriptées, dont nous tairons la nature, assurent un spectacle grandiose digne des plus gros AAA d’aujourd’hui.
Vous l'aurez remarqué en regardant nos captures d'écran, le jeu est magnifique et deviendra dans les semaines à venir une usine à screenshots pour les réseaux sociaux (merci le mode photo). Les panoramas sont impressionnants, les PNJ sont nombreux, les lieux visités sont variés, les effets spéciaux sont splendides et les textures sont détaillées. En outre, les lieux abritent divers sercrets que les explorateurs pointilleux dénicheront. Cette maestria graphique a pour conséquence de ne faire tourner le jeu qu'en 30 images par seconde, sans possibilité de le passer en 60 sur consoles. Quelques rares baisses de framerate sont à noter de temps à autre, et le flou cinétique parfois très présent pourrait gâcher le confort visuel des personnes les plus sensibles (cela peut être désactivé dans les options pour un résultat encore moins agréable). Il ne manque qu’une petite couche de polish pour être au niveau technique des maîtres du genre tels que Naughty Dog ou Santa Monica Studio.
Bien qu’il n’évite pas les sempiternels méchants vraiment trop méchants, Requiem propose une galerie de personnages réussis. Flâner avec eux à la recherche de souvenirs, de fleurs et de plumes (les collectibles du soft orientés lore) est un véritable plaisir. La VF, de bonne qualité, est pratique tant le jeu est bavard. Asobo Studios parvient à enchaîner les bonnes idées à un rythme soutenu, et nous n’étions pas prêts à descendre aussi bas dans les ténèbres. L’histoire d'une sœur prête à remuer ciel et terre pour sauver son petit frère que le monde entier prend pour une bête de foire parlera à tout le monde. Si vous aviez trouvé Innocence dur dans ses thèmes et dans certaines de ses scènes, sachez que Requiem s'engouffre encore plus loin dans l’horreur. Au risque de nous répéter, il y a des séquences que nous ne sommes pas prêts d’oublier. Il est juste regrettable de ne pas avoir de vrais choix quant aux décisions finales, ce qui aurait pu donner au joueur la délicieuse impression que le récit se construit selon ses actions. Impossible d’évoquer l’impact émotionnel laissé par l’épopée sans évoquer les hymnes musicaux de haute volée d’Olivier Derivière. Le compositeur s’amuse ici avec tout ce qui a des cordes, qu'elles soient synthétiques ou vocales. Nos oreilles en redemandent pendant que notre cœur bat la chamade.
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Conclusion
Points forts
- Une aventure longue, bien écrite, haletante, puissante
- Un gameplay plus riche qui offre des choix plaisants
- De très jolis graphismes pour des décors variés
- Une superbe ambiance musicale
- Bonne VF
- La fin, stupéfiante
Points faibles
- Mécaniques d’infiltration encore imparfaites
- Il manque une ultime couche de finition
- Pas d’option “performances” sur PS5 et Xbox Series X/S
Note de la rédaction
A Plague Tale : Requiem est le jeu de la confirmation. Celle de la foi d’une sœur en son petit frère quand le monde s’écroule aux pas de leur déroute. Ensuite, celle du grand talent d’Asobo Studios. Proposant un gameplay plus riche sans bouleverser la formule, cette suite n’oublie jamais l’essentiel par rapport au genre qu’elle vise. Le combat désespéré mené par Amicia est au moins aussi magnifique que les graphismes et la bande-son qui animent l’œuvre. Les mécaniques d’infiltration peuvent interpeler, et nous aurions aimé une ultime couche de finition, mais aucun des défauts rencontrés ne ternit notre jugement : avec Requiem, le studio bordelais livre un grand cru. À la robe rouge sombre comme la mort.