Si vous jouiez sur PC à la fin des années 90 et que vos jeux de chevets se nomment Thief ou Deus Ex, restez donc un peu, car Gloomwood pourrait bien raviver une flamme que vous pensiez éteinte. Mais les autres peuvent aussi nous tenir compagnie, car ils pourraient bien découvrir un titre qui, sous ses airs peu engageants, se révèle un petit bijou d’ambiance et de level-design.
Ce test de Gloomwood évalue les qualités et les défauts de l'accès anticipé et ne représente en rien un test du produit définitif. Ce texte sera amené à être remanié au fil de l'évolution du jeu, avant le test de la version finale.
Je sais que vous allez dire en voyant les images et le trailer qui accompagne ce test : “mais c’est quoi ce truc sorti tout droit du début des années 2000 ? » Alors oui, Gloomwood est moche, on ne va pas se mentir. Mais cette austérité visuelle est, vous vous en doutez, volontaire, et s’avère totalement en accord avec le propos et le concept du jeu. Il faut aussi préciser que Gloomwood sort des écuries de New Blood Interactive, petit éditeur spécialisé dans les jeux “neo rétro” - et principalement des FPS - dont sont sortis des perles du genre telles que Amid Evil , ULTRAKILL ou encore Dusk (l’un des meilleurs FPS de ces 10 dernières années, oui oui).
Faire du vieux avec du neuf, c’est bien
D’ailleurs, Gloomwood est le nouveau projet de David Szymanski et Dillon Rogers, les créateurs de Dusk. Et si Dusk est un magnifique hommage à Doom et à Quake, ce nouveau projet marche quant à lui sur les traces de Thief : The Dark Project, un jeu sorti à la fin des années 90 dans lequel on incarnait un voleur au moyen-âge. C’est le modèle assumé de Gloomwood, tout du moins en terme de gameplay, et nous sommes donc face à un jeu d’exploration et d’infiltration à la première personne, tendance “Immersive Sim”. Si ce genre ne vous parle pas, pensez à Dishonored, Deux Ex ou même Deathloop. Liberté d’approche, level design ouvert et bourré de chemins alternatifs : deux aspects essentiels de ce type d’expérience, que l’on retrouve ici.
Dans Gloomwood, vous incarnez un prisonnier croupissant au fond d’une cellule, qui se fait apparemment appeler “Le Docteur”. Une mystérieuse voix vient vous parler et vous laisse une clé qui va vous permettre de vous échapper. Au bout de quelques mètres passés à ramper, vous mettez la main sur votre bien-aimée canne-épée, arme qui va vous sortir de bien des situations. À votre doigt, vous remarquez également une bague dont la pierre se met à briller si vous êtes trop visible. Un excellent moyen de gérer son “invisibilité” dans l’environnement, l’obscurité étant votre meilleure amie.
Un level design aux petits oignons
Vous voici donc lâché dans le monde de Gloomwood, avec comme seule indication : rejoindre par tous les moyens le phare. Vu depuis les fenêtres sales de la prison, il ne semble pas très loin, mais le nombre d’obstacles qui se dressent sur votre chemin semble vertigineux. Vous êtes ensuite totalement libre d’aller où vous le souhaitez, mais surtout libre de vous faire abattre par le premier garde croisé. Soyez prévenu, les premiers instants dans le jeu sont un peu rudes. On tâtonne, on essaie de se cacher tant bien que mal, on se perd un peu dans les couloirs… Avant de prendre petit à petit possession des lieux. On touche ici à la plus grande réussite du jeu : une science du level design superbement maitrisé, qui s’inspire aussi bien des meilleurs Immersive-Sim, mais aussi d’un modèle moins évident au premier abord : les jeux From Software.
De Thief et Dishonored, on retrouve cette volonté presque maladive de proposer une multitude de chemins plus ou moins cachés, cette envie de nous pousser à explorer toujours plus loin pour trouver la meilleure façon de progresser. De Dark Souls et de Bloodborne, on retrouve ce plaisir de débloquer une porte, une corde ou une échelle, qui va nous donner accès à un raccourci salvateur, encore plus important s’il permet de rejoindre facilement un gramophone, unique manière de sauvegarder dans le jeu. Un choix de design qui peut être d'ailleurs frustrant au début, quand on passe pas mal de temps à se faire tuer et à devoir recommencer au précédent point de sauvegarde. Il y a ainsi une forme d’apprentissage par l’échec, qui a cependant comme côté positif l’apprentissage de l’architecture et la sensation d’en connaitre, au bout d’un moment, les moindres recoins.
Et plus l’on avance dans le jeu, plus les niveaux s’ouvrent : une fois la prison quittée, on va alors explorer une mine, une forêt, un début de village, avec toujours la sensation hyper satisfaisante que mille secrets s’y trouvent. C’est aussi en progressant que le gameplay va peu à peu s’étoffer. Contrairement à Thief, notamment, Gloomwood n’interdit pas l’approche “frontale”, puisque vous allez mettre la main sur un pistolet à barillet puis sur un fusil. Les munitions sont cependant rares et il faut bien décider du moment où il est nécessaire de faire feu, d’autant plus que cela va irrémédiablement attirer les gardes aux alentours. Le jeu encourage d’ailleurs plus que jamais la malice du joueur, avec par exemple la possibilité de poser un baril de poudre explosif dans un coin, lancer une bouteille pour y attirer un duo de gardes, avant qu’un tir bien placé ne vienne tout faire exploser.
T’es un peu moche, mais t’as un charme fou
Nous l’évoquions dans les premières lignes de ce texte : Gloomwood utilise volontairement un style ultra-rétro, donnant la sensation de jouer à un jeu PC sorti à la fin des années 90 ou au début des années 2000. Mais cela ne veut pas dire qu’il est dénué d’atours artistiques, loin de là. Ici, c’est à nouveau From Software qu’il faut citer, puisqu’on a parfois l’impression d’être dans l’univers de Bloodborne. Un Blooborne qui serait sorti au lancement de la PS2, certes, mais dont le charme agit imméditament si l'on est un tant soit peu sensible au style néo-rétro. L’ambiance donne dans le victorien, le steampunk, avec une bonne dose d’horreur. Notons aussi un gros travail sur le son, notamment avec les voix tantôt nasillardes, tantôt gutturales des gardes, ou encore les grognements terrifiants des chiens tapis dans la mine, qui ont la capacité de vous renifler même si vous êtes dans le noir.
Pour autant, faut-il dépenser 16€ pour acheter l’accès anticipé de Gloomwood, sachant que cette version se bouclera entre 4 et 6 heures en fonction de votre envie d’explorer la carte de fond en comble ? La réponse est oui si vous êtes ultra client du genre et du style graphique. Il s’agit clairement d’un prologue, presque une grosse démo, mais l’ensemble est d’une propreté impeccable, exempt de bug et avec tout de même la sensation d’avoir un début et une fin. Le jeu devrait rester en accès anticipé pendant au moins 1 an et demi, avec toutefois de nouvelles portions ajoutées au fur et à mesure. Le titre semble par ailleurs suffisamment attrayant pour avoir envie de relancer une partie depuis le début, afin d’y découvrir de nouvelles subtilités.
Conclusion
Points forts
- Un level design très ouvert et très travaillé
- Une grande variété d'approches
- Une ambiance gothique et horrifique très réussie
- Des armes à feu dans un jeu d'infiltration, ça peut fonctionner
- Excellent travail sur le son
Points faibles
- Système de sauvegarde qui peut être frustrant
- La lenteur de déplacement du héros
- Visuellement, ça peut piquer si vous n'êtes pas habitué au style néo-rétro
- Plus un gros prologue pour le moment
Note de la rédaction
Si vous aimez les jeux d’infiltration/action à la première personne laissant une belle place à la créativité et que le style graphique “rétro” ne vous fait pas peur, vous pouvez tenter l’accès anticipé de Gloomwood sans aucun souci. Ce “Dishonored/Thief” victorien, à l’ambiance proche d’un survival-horror, profite d’ores et déjà un level design d’exception, permettant de varier largement les approches. La volonté de proposer des sensations de “jeu PC du début des années 2000” est là, très clairement, avec toutefois les ajustements nécessaires à un titre qui sort en 2022. En résulte un mélange de sensations très agréables, comme si notre Pentium MMX avait miraculeusement traversé les époques, et que des développeurs continuaient à y sortir des jeux contre vents et marées. Il faut cependant avoir conscience que cet accès anticipé, d’une propreté impeccable, n’est qu’un gros prologue et que le meilleur est sûrement à venir.