Presque dix ans après le dernier volet de la saga Saints Row, Volition revient avec un cinquième opus aux grandes promesses de révolution : nouvelle ville, nouveaux personnages et nouvelles fonctionnalités pour ce qui s’avère un reboot explosif et terriblement déjanté. Un retour réussi qui vaut son pesant d’or, vraiment ?
Initiée en 2006, le but primaire de la série Saints Row était assurément de concurrencer un certain GTA avant de tourner les talons vers la parodie pure et dure : Rockstar n’est assurément pas un concurrent de taille - on entend par là qu’il est beaucoup trop gros - et Volition a alors fait le choix du burlesque, non sans un certain succès.
À vrai dire, le grand n’importe quoi était si présent et assumé que la saga toute entière n’avait plus tellement d’avenir : dans Saints Row IV, nos héros faisaient carrément exploser la planète et affrontaient des extraterrestres, tandis que l’extension Gat out of Hell nous immisçait dans l’enfer face aux hordes de Satan.
Dans ce délire total, difficile de poursuivre une série qui, à la base, se voulait une histoire de gangsters. Le studio de développement a ainsi opté pour le reboot complet, profitant de cette remise à zéro pour changer de contexte et se planter à Santo Ileso, un pseudo-Las Vegas avec “la plus grande map jamais proposée dans un Saints Row”.
Rien n’est plus important que la famille
L’histoire de Saints Row fait donc table rase du passé tout en gardant certains points centraux : on y incarne “le boss”, un personnage que l’on crée de toute pièce grâce à un éditeur de personnage ultra-poussé. En collocation avec trois amis - Kevin, un homme à tout faire et constamment topless ; Eli, un gestionnaire et comptable confirmé au look hipster et Neenah, une geek membre d’un gang hispanique - le Boss va se mettre en tête de fonder son propre empire criminel dans Santo Ileso après avoir tout simplement perdu son job.
Évidemment, la place est déjà prise par plusieurs factions et notre équipe de choc va devoir jouer des coudes pour s’imposer. Qu’on se le dise d’emblée, Saints Row ressemble beaucoup à Saints Row The Third : on y retrouve un ton similaire, particulièrement irrévérencieux et parodique, avec une histoire plutôt fun mais à l’écriture inégale et loin d’être subtile.
La finesse d’écriture n’est bien entendu pas forcément ce que l’on attend d’un Saints Row, mais hormis un twist que l’on peut facilement envisager, l’histoire repose sur des personnages tout à fait clichés et certainement pas sur l’aspect badass et criminel que pouvait apporter, par exemple, Saints Row 2 avec un certain caractère. Ici, ce nouvel épisode mise énormément sur les trois proches du Boss et le Boss lui-même, qui fonde un pivot central auquel on accrochera ou l’on n'accrochera pas.
Nous devons avouer que l’ensemble manque encore de personnages vraiment forts et marquants, et le manque total de drama empêche le scénario de véritablement décoller. Et qu’on se le dise, faire dans le grand n’importe quoi n’empêche pas nécessairement d’avoir des climax intenses et réfléchis. L’ensemble de l’histoire n’en demeure pas moins efficace, même si finalement assez vite oubliable.
Portant le doux nom de The Boss Factory, l’éditeur de personnage est l’un des passages obligatoires de Saints Row. Pour ce reboot, Volition a vu les choses en grand, encore plus qu’auparavant et les possibilités sont folles et totalement barrées si vous le souhaitez : on peut remplacer chaque membre du Boss par des prothèses robotiques, lui tailler des dents de démon, lui faire une véritable peau d’extraterrestre et l’on en passe et des meilleures. Il est également possible d’ajuster manuellement une quantité astronomique de détails, aussi bien sur le visage que sur le corps pour un résultat vraiment unique, avec une inclusivité très appuyée. Un bon point, assurément.
Back to ground
Avec les dernières itérations, la franchise Saints Row était devenue tellement WTF que l’on pouvait voler, escalader les murs et se comporter littéralement comme un Superman aux gros flingues. Ici, le reboot occasionne un gameplay beaucoup moins aérien et plus terre-à-terre, se rapprochant grandement d’un Saints Row The Third dans son dynamisme : on renoue avec la possibilité de carjacker n’importe quel véhicule à la volée et l'on retrouve quelques véhicules extrêmes comme un jet futuriste ou des motos flottantes (on peut aussi planer en wing-suit sans possibilité d’égratignure, une mécanique empruntée au quatrième jeu). Ce n’est pas très réaliste, mais l’ensemble relève globalement d’un retour aux sources appréciable, toujours très arcade et accessible.
Alors concrètement, quoi de neuf au programme côté jouabilité ? Prenez donc le gameplay de Saints Row 3 (presque au modèle près) et ajoutez-y quelques nouvelles fonctionnalités, comme des compétences à débloquer au fil des niveaux d’expériences et à attribuer aux flèches directionnelles (coup de poing enflammé, jet de grenade, tourbillon de tirs, etc.). Dans le même style, des capacités passives sont à déverouiller et à choisir au fil des défis optionnels que l’on parvient à terminer.
Au niveau des armes, ce Saints Row fait du Saints Row avec la disponibilité de grands classiques (pistolets, mitraillette, fusil à pompe…) et quelques excentricités rigolotes, toujours avec la possibilité de customiser l’ensemble. En revanche, concrètement, Volition se repose sacrément sur les bases déjà instaurées auparavant et le titre instaure un feeling très old-school, pour ne pas dire assez vieillot en termes de TPS. On vise à la vite, on shoot, on déglingue tout et les ennemis volent au gré de nos bastos tirées hasardeusement, technique sommaire à l’appui. On a un peu l’impression d’être restés figés dix ans en arrière.
La conduite n’a pas grandement bougé non plus : on retrouve le style extrêmement arcade de la franchise, hélas sans aucune possibilité de régler la caméra que celle de base, très éloignée. Quelques nouveautés sont néanmoins à déclarer : on peut désormais taper les véhicules adversaires grâce à une touche de “frappe”, et monter sur le toit du véhicule pour faire usage de son arsenal et anéantir ses opposants. Malheureusement, c’est à peu près tout.
On se retrouve alors, très vite, face à une action extrêmement bourrine, pas maligne pour un sou (et on aime ça, on parle de Saints Row après tout) mais aussi très classique, très rigide et peu rafraîchie. Hélas, les ennemis ne sont que très peu variés : on vous prévient, mais les fusillades peuvent, après plusieurs heures de jeu, aboutir à une petite lassitude.
Saints Row a l’excellente idée de disposer d’un mode coop à deux joueurs, en ligne. L’action n’étant pas des plus inventives et pouvant amener la répétitivité, on ne saurait que trop bien vous conseiller de faire le jeu avec un ami pour maximiser le fun et rendre l’expérience encore plus délicieusement débile. C’est aussi un moyen de mieux exploiter certaines nouvelles fonctionnalités, comme la possibilité de monter sur le toit d’une voiture en route, l’un tirant et l’autre conduisant. Une chouette facette qui n’invente pas l’eau chaude mais qui permet à l’aventure d’être encore plus drôle et efficace.
Santo Ileso, la vraie ville du jeu (vidéo) ?
Santo Ileso et ses environs sont directement inspirés de Las Vegas et du désert du Nevada : un changement de style complet par rapport à Steelport et Stillwater, les deux précédentes villes qui se voulaient proches d’un Chicago ou d’un New-York. Bien que Santo Ileso dispose aussi d’un centre-ville avec quelques grattes-ciels, les différents départements s’avèrent beaucoup plus désertiques, littéralement. L’ambiance far-west est particulièrement prononcée, bien plus que celle du jeu et des vices de Las Vegas qui, finalement, demeure quasiment absente.
Ce qui prime, donc, c’est surtout cette atmosphère western et sableuse. Le côté profondément urbain laisse ainsi la place à des déserts et des saloons ; la pluie est quant à elle troquée contre quelques tempêtes de sable. Si l’on peut tout de même souligner cette certaine monotonie visuelle et colorimétrique propre à la région, Volition a heureusement œuvré pour proposer un contenu très généreux.
Pas nécessairement pour la campagne solo qui se termine en une quinzaine d’heures en mode normal (notons que malgré un gameplay et un level design assez plats, les développeurs se sont cassés la tête pour des situations variées et souvent drôles lors des missions) mais surtout pour ce qui est des à-côtés. Tout d’abord, il y a la gestion de son empire criminel où depuis son QG, où nous allons devoir construire des commerces totalement corrompus sur la carte de Santo Illeso.
Chacune de ses activités (agence de nettoyage, gestion des déchets, ambulances, etc.) est en réalité une façade pour y exercer des crimes. Chaque commerce rapportera des sous à l’heure, soit une mécanique reprise (encore) de Saints Row The Third : le Boss va toutefois devoir mettre la main à la pâte pour augmenter encore les revenus des entreprises et imposer son influence sur les autres gangs.
Ainsi, nous pourrons nous appliquer à (encore et toujours) la fraude à l’assurance, le vol de voitures, le nettoyage de scènes de crime, la suppression de déchets toxiques et bien d’autres, dans le but d’optimiser au mieux l’entreprise concernée et de terminer la quête associée. L’objectif étant de construire toutes les entreprises possibles sur la carte, d’y faire toutes les petites missions dédiées et de prendre le contrôle sur tout Santo Ileso, avec même la possibilité d’ériger un building à l’effigie des Saints.
Rajoutez à cela des contrats d’assassinat, des challenges divers et variés (tuer tant d’ennemis avec telle arme, faire tant de secondes dans les airs dans telle région…), une tonne de fringues à découvrir et à acheter, des centaines de collectibles et d’éléments à photographier ; mais aussi d’autres activités annexes comme du vol en wingsuit, des fusillades sur le toit d’une voiture ou d’autres friandises et vous avez une idée de la durée de vie de Saints Row : il y a de quoi s’occuper longuement avant d’atteindre le 100%.
"Ce n'est pas la beauté qui compte"
En revanche, pas sûr que tout soit extrêmement fun sur la durée. Là où Volition a bien joué son coup néanmoins, c’est dans l’inventivité de sa direction artistique : l’aspect désertique de la ville et ses environs sont heureusement truffés de bâtiments et de monuments délirants, entièrement fictifs, mais qui viennent habiller un environnement qui aurait été franchement vide sans cet effort précis.
Une autre question se pose assez naturellement : ce nouveau Saints Row est-il beau ? Les précédents volets ne se sont jamais cachés de sacrifier leur technique au profit de l’ambiance libérée et du fun prononcé, mais qui dit reboot et consoles de nouvelles générations dit ravalement de façade. De ce côté-là, si Saints Row a bel et bien fait un saut en avant, force est de constater qu’il n’est pas toujours beau et le même défaut est toujours présent, même après toutes ces années.
Sur PlayStation 5, les écueils graphiques sont nombreux : le clipping (c'est-à-dire l’apparition des objets, personnages et autres en retard) est extrêmement présent quand on est en voiture ; de même, la distance d’affichage souffre d’un flou général qui empêche l’émerveillement total. Les textures et effets de lumière sont parfois appréciables, mais on se demande à quel point le travail exercé sur Saints Row The Third Remastered, sorti en 2020, n’est pas le même que pour ce tout nouveau jeu tant les similitudes visuelles sont présentes ; même des animations de personnage sont reprises directement du titre de 2011.
Bref, hormis quelques plans sympathiques, Saints Row ne nous donne pas encore de claque graphique. Dans son mode graphique le plus élevé (en 4K, sur consoles de salon) , le jeu est effectivement plus beau mais quel dommage en revanche que l'on ne puisse pas paramétrer le framerate, bloqué en 30 images par seconde. Dans les modes 1080p et 1440p, c'est toutefois possible et les chutes sont d'ailleurs plutôt rares.
En revanche, impossible de ne pas pointer du doigt la myriade de bugs à laquelle nous avons eu à faire : inventaire qui disparait, personnages bloqués dans des endroits énigmatiques, animations bloquées qui nous empêchent de jouer, GPS qui nous indique plusieurs objectifs en même temps, pléthore de problème de caméras et autres petits crashs n’ont pas vraiment embelli l’aventure.On imagine toutefois que des mises à jour correctrices viendront très vite rectifier le tir.
Conclusion
Points forts
- Un ton volontairement parodique et des dialogues parfois drôles
- C’est bourrin, fun et accessible
- Une bande-son toujours de qualité
- Une tonne de défis et missions optionnels
- Des quêtes principales qui cherchent à se renouveler
- Le retour à un gameplay terre-à-terre
- L’énorme customisation possible pour notre personnage
- Le mode coop à deux joueurs en ligne, toujours très sympathique
Points faibles
- Ce n’est toujours pas beau et un peu cassé techniquement
- Un gameplay et un level design encore vieillots
- Un manque de personnages et de moments forts dans le scénario
- Un reboot qui ne prend pas de risques
Note de la rédaction
Saints Row n’est pas vraiment ce que l’on peut appeler un redémarrage total de la saga, mais plutôt un soft-reboot : il s’apparente énormément à Saints Row The Third qui, même si apprécié, n’en demeure pas moins âgé d’une dizaine d’années. Dans les faits, cela se ressent et cette nouvelle aventure a encore du mal à s’imposer par sa technique, son gameplay ou sa créativité qui restent ancrés dans un certain immobilisme malgré quelques nouveautés : il s’agit toutefois d’un jeu d’action efficace qui ne se prend jamais au sérieux, plutôt drôle et au contenu sacrément généreux, ce qu’on ne pourra jamais lui reprocher. Volition livre au final du Saints Row 3 à la sauce far-west, ce qui reste appréciable sans casser trois pâtes à un pistolero.