Après de nombreuses missions périlleuses, dont la dernière date de plus de cinq ans, Karl Fairburne rempile et se retrouve au cœur de l’opération Overlord – connue sous le nom du débarquement de Normandie. Gueule cassée, caractère bien trempé et véritable fantôme aux yeux de l’ennemi, le gaillard du studio Rebellion doit, cette fois, mettre un coup d’arrêt au plan Kraken des nazis, visant à empêcher les Américains et leurs alliés à fouler les plages normandes. Après l’Allemagne, l’Afrique du Nord et l’Italie, la saga Sniper Elite s’installe en France avec la ferme intention de séduire les fans d’action et d’infiltration. Fidèle à sa ligne de conduite, il plaira à tous les amateurs de la franchise. Mais a-t-il suffisamment de force pour apporter une nouvelle dynamique au genre ?
Karl Faiburne, c’est l’histoire d’un mec (© Coluche) à la John McLane qui se retrouve dans des situations impossibles et qui finit toujours par s’en tirer. À lui seul, cet agent infiltré en a fait voir des vertes et des pas mures à l’armée nazie, contrecarrant un à un les plans du Führer. Opération Paperclip, destruction de prototypes, éradication de cibles diverses, éliminations de scientifiques aux viles intentions… Faiburne est passé par tous les états ! Cette fois, le brave homme rejoint la France, et plus précisément la Normandie, pour donner toutes les chances de réussite aux forces alliées. Si la mission Kraken est fictive, elle n’en demeure pas moins riche en adrénaline et c’est l’occasion pour le grand brun de se frotter à la Résistance. Avec l’accent à la française qui va bien.
Le Mur de l’Atlantique
Pour les habitants de notre beau pays qu’est la France, Sniper Elite 5 aura une résonnance particulière, c’est une certitude. Arpenter un village et croiser des panneaux indiquant les directions de Nantes ou Dunkerque, ça fait tout de suite un petit effet. Le jeu a ainsi un côté champêtre agréable, même s’il n’en oublie pas d’être parfois spectaculaire. L’opération commence de nuit, alors que l’armée nazie est sur le point d’être surprise par les navires américains. Depuis un sous-marin, le joueur élimine ses premières cibles et commence à s’enfoncer sur les plages normandes, avec le petit son d’accordéon en filigrane (ah oui, ma bonne Dame, on n’échappe pas à quelques clichés). Dans le ciel nuageux, des dizaines d’avions remplis de parachutistes font face aux tirs de la DCA pendant que l’avatar se rapproche des bâtiments réquisitionnés par l’ennemi. Ces premiers pas font avant tout office de tutorial et la progression se résume à du shoot à distance dans un couloir avec quelques phases d’infiltration pour surprendre les soldats ennemis. L’approche est classique, mais ce démarrage en douceur a le mérite de ne pas lâcher les joueurs n’ayant pas effectué les précédents épisodes. Et ça, c’est une bonne nouvelle !
France, douce France
Dans la veine des précédents épisodes, le gameplay de Sniper Elite 5 ne bouleverse pas la formule originelle et repose essentiellement sur un mélange d’action (séquence de sniper ou utilisation d’armes plus directes comme des fusils ou grenades) et d’infiltration (élimination ou neutralisation furtive, sabotage de véhicules, pose de piège sur un cadavre, utilisation de leurres, etc.). Pour attirer ses futures cibles, Fairburne peut siffler, jeter des bouteilles ou semer le chaos en faisant exploser de bons vieux bidons explosifs avant d’aller se planquer dans les hautes herbes. Tous les poncifs du genre sont présents, mais les développeurs de Rebellion ont tout de même cherché à offrir le maximum de possibilités au joueur pour résoudre les différents objectifs – qu’ils soient principaux ou annexes. Ainsi, l’une des plus grandes forces de ce cinquième épisode, c’est incontestablement son level design et les différents embranchements proposés au joueur.
Si le titre n’échappe à des bizarreries (le syndrome 32-bits avec un personnage qui grimpe un mur, mais se retrouve incapable de franchir un fil de clôture), il a pour lui des environnements ultra immersifs et très bien pensés. Sniper Elite 5 est composé de neuf missions (à multiples objectifs) se déroulant tous dans des décors assez variés. Après le Mur de l’Atlantique, Karl Fairburne se retrouve dans une gigantesque propriété surplombée par un château, atteignable par trois chemins solidement gardés. Vient ensuite l’une, si ce n’est LA mission emblématique de cet épisode : le Mont-Saint-Michel. Bien que l’édifice historique ne porte pas son nom dans le jeu (il devient Beaumont-Saint-Denis), les développeurs ont effectué un excellent travail de reconstitution et la mission, consistant à atteindre le sommet et donc l’Abbaye, est une petite Madeleine de Proust. Bien que la formule n’ait pas évolué tant que cela, cet environnement – tout en verticalité – donne une envergure assez folle à certains objectifs. Ne vous attendez tout de même pas à dévorer un œuf de la Mère Poulard, c’est le Mont dans son jus de l’époque, avec des casernes de soldats nazis et des checkpoints installés un peu partout ! Le reste du titre est dans la même veine avec un passage par l’île de Guernesey, le Massif central ou encore Saint-Nazaire. Le fait que ces lieux nous parlent, ça a évidemment une influence.
Des soldats ennemis aux aguets
Évidemment, pour progresser dans des décors aussi bien gardés, surtout en mode de difficulté élevé, il est indispensable d’avancer prudemment. Karl a beau avoir à disposition tout un arsenal personnalisable, des compétences évolutives (grâce à un arbre dédié) et une flopée de gadgets, il n’en demeure pas moins extrêmement vulnérable face à l’armée à laquelle il fait face. Et on découvre rapidement que se faire repérer peut conduire à une défaite aussi rageante qu’expéditive. En effet, Sniper Elite 5 reprend le système entrevu dans les Metal Gear Solid, avec des points d’interrogation marquant l'attention des gardes et une zone de détection passant du blanc et orange au rouge. Lorsque le joueur est repéré, il n’y a plus qu’une seule solution : déguerpir le plus vite possible, surtout s’il se trouve dans une zone assez fermée. Les ennemis vous encerclent rapidement et certains sortent même de secteurs qui sont inaccessibles au joueur ! Une fois repéré, on voit littéralement des ennemis « popper » de portes qui étaient auparavant verrouillées et certaines phases peuvent se révéler extrêmement frustrantes. À défaut d’être très réaliste (les ennemis vous voient à des kilomètres !), cette approche oblige l’utilisateur à se montrer prudent. Un mal pour un bien, nous direz-vous.
Avec les différents objectifs (cibles à abattre, canons de DCA à détruire, documents confidentiels à voler…) que comportent le jeu, chaque mission peut dépasser l’heure (voire bien plus), mais le tout est si vaste et bien pensé qu’on ne voit pas le temps filer. La monotonie ne l’emporte pas sur l’adrénaline et l’ambiance, qu’elle soit visuelle ou sonore, participe à cette immersion. Techniquement, Sniper Elite 5 n’a rien d’une démonstration (ça commence à dater quoi), mais il a pour lui une esthétique soignée et certains choix amusants. Chaque moment passé avec la Résistance française et leur accent anglais à tailler au couteau est particulièrement savoureux. À l’inverse, et c’est important de le souligner, on reconnaît des éléments graphiques qui sont clairement repris du précédent épisode et toutes les missions, d’un point de vue inspiration, ne se valent pas (les tours et baraquements, on en a vite soupé). C’est sans doute sur ce point majeur que le studio doit travailler pour une suite, en faisant en sorte que les objectifs se renouvellent, ce qui n’est pas suffisamment le cas ici. Pour autant, on prend un vrai plaisir à arpenter chaque petit coin de France proposé dans cet épisode, d'autant que le jeu a pour lui une idée lumineuse.
Le jeu du chat et de la souris
En parallèle de la campagne principale (qui s’étend sur environ une dizaine d’heures), le joueur peut s’amuser en mode survie (en défendant des postes de commandement face à des vagues ennemies) ou encore se frotter au mode multijoueur à 16 joueurs et ses différentes règles : pas de traversée (du shoot à distance), chacun pour soi (tout pour sa pomme), partie en équipe (deux groupes de huit) ou partie en escouade (quatre équipes de quatre). Cela permet de prolonger l’expérience et de retrouver les différents environnements aperçus durant votre escapade solo. Enfin, solo, c’est un grand mot… En fait, dans le mode campagne (qui peut se jouer en coop' en ligne), vous pouvez activer l’option « Invasion des Forces de l’Axe », qui correspond au mode de jeu le plus original – à notre sens – de Sniper Elite 5. Concrètement, cela signifie qu’un joueur peut s’immiscer dans votre campagne pour perturber votre progression. Et bien évidemment, l’inverse est vrai également. Que vous soyez proie ou chasseur, le but est alors d’éliminer votre vis-à-vis. L’idée est excellente et cela confère à la campagne solo une atmosphère unique, d’autant que les développeurs ont intégré un système de téléphone qui donne des indications sur la position de la cible. Lorsque l’invasion débute et que l’on se sent traqué, la tension monte et le fait de sortir d’un tel traquenard procure un grand moment de satisfaction. En somme, vous l’aurez compris, Sniper Elite 5 ne réinvente pas l’eau chaude, mais il procure d’excellentes sensations et apporte quelques nouveautés très intéressantes. Proposé à une quarantaine d’euros, il est disponible en téléchargement pour tous les abonnés au Xbox Game Pass et PC Game Pass. Certains regretteront un petit manque de surprises par rapport au précédent volet, mais tout de même, quel pied !
Conclusion
Points forts
- Le Mont Saint Michel, un niveau tout en verticalité
- Une formule toujours efficace
- Cinq modes de difficulté
- L'accent anglais de la Résistance française
- Tellement immersif
- Le système de sabotage
- Le mode Invasion des Forces de l'Axe
- Cross-play et coopération en ligne
Points faibles
- Techniquement, ça commence à dater
- Une IA parfois trop balèze, trop passive
- Un aspect couloir qui persiste par endroits
- Neuf missions à l'intérêt irrégulier
- Des objectifs qui peinent à se renouveler
Note de la rédaction
N’ayant pas vocation à bouleverser la formule de la franchise, Sniper Elite 5 reste fidèle à sa ligne de conduite, mais apporte quelques nouveautés très intéressantes. Bien que techniquement daté, le jeu propose une esthétique soignée et s’appuie sur des paysages français (dont le très vertical Mont Saint Michel) qui auront une résonnance particulière auprès des habitants de l’hexagone. Immersif et très bien pensé, il est toutefois entaché d’une intelligence artificielle irrégulière qui a parfois tendance à casser l’enthousiasme du joueur. Néanmoins, avec sa mise en scène spectaculaire, ses ralentis fracassants et son ambiance réussie (l’accent anglais à la française, tout un programme !), l’œuvre de Rebellion saura satisfaire les habitués de la franchise et les nouveaux arrivants. Une fois lancé, pas facile d’en décrocher, et c’est incontestablement un signe.