De Ghost of Tsushima à Sekiro, les samouraïs ont le vent en poupe en ce moment. Et ce ne sont pas les développeurs de chez Flying Wild Hog qui diront le contraire. Après une série de jeux plus dans la veine ninja (Shadow Warrior), le studio polonais a, sous l’impulsion de Leonard Menchiari, décidé de faire un petit retour en arrière pour nous emmener dans le Japon de l’époque Edo. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que la proposition de Flying Wild Hog, validée par Devolver, est plus qu’atypique.
Sommaire
- Du Ghost of Tsushima dans l’ambiance
- Une œuvre artistique à la Kurosawa
- Sifu chez les samouraïs ?
Riche des enseignements de son sensei, le jeune Hiroki a la force nécessaire pour protéger son village. Un chemin tout tracé, dicté par les codes du bushidō et de l’hagakure, que les malheurs de la vie vont pourtant venir ébranler. La voie du samouraï n’est pas toujours facile à suivre. Par-delà la vie et la mort, Hiroki va devoir choisir s’il souhaite réellement l’emprunter ou s’en défaire. C’est donc un récit introspectif que nous proposent Flying Wild Hog et Devolver, le tout ponctué de duels au katana et de plans dignes des plus grands films de Kurosawa.
Du Ghost of Tsushima dans l’ambiance
Trek to Yomi tombe largement dans la case des “jeux à ambiance”. Que ce soit par sa bande-son envoûtante ou son histoire, le jeu de Devolver vous prend par la main et vous emmène pour un véritable trek (ou plutôt une petite randonnée vu la longueur). Dépaysant au possible, le titre possède sa propre atmosphère et réussit particulièrement bien à la retransmettre, notamment grâce à ses petites phases d’exploration. Entre gravité et mysticisme, on est rapidement pris dans la spirale Trek to Yomi, qui nous pousse à nous questionner et faire des choix décisifs.
La voie d’Hiroki est également la vôtre et c’est donc tout naturellement à vous de décider laquelle il doit emprunter. Selon le choix que vous ferez, la fin de votre aventure ne sera pas la même. Néanmoins, les différences se cantonnent à la cinématique de fin et quelques dialogues, changeant la conclusion de Trek to Yomi mais pas l’expérience en elle-même. On aurait aimé en voir plus et pouvoir concrètement vivre les conséquences liées à la voie empruntée. Notez tout de même qu’il ne vous en coûtera pas beaucoup pour voir les différentes fins possibles. Le titre étant court (comptez quatre heures pour une première partie en explorant un peu), il suffit de deux petites heures pour le parcourir en ligne droite. En moins de dix heures, vous pouvez donc facilement satisfaire votre curiosité et découvrir tout ce queTrek to Yomi a à proposer.
Mais une partie pourrait bien suffire à la plupart des joueurs.Entre vengeance, amour et honneur, l’épopée d’Hiroki rappelle celle de Jin Sakai et de beaucoup d’autres. Sur le fond, rien de nouveau chez les samouraïs. Les grandes lignes sont assez prévisibles et ont ce petit goût amer de déjà vu. Mais Trek to Yomi parvient tout de même à se démarquer en nous proposant finalement une plongée au cœur de la mythologie shintoïste.
Le voyage jusqu’à Yomi (le monde des morts) ne concerne pas seulement les malfrats ayant succombé à la lame d’Hiroki. Pour trouver sa voie, il va devoir affronter ces terres putrides et les shikome tourmentés qui la peuplent. En faisant ce choix, Leonard Menchiari et Flying Wild Hog nous proposent de découvrir un pan peu connu du folklore japonais et c’est tout à leur honneur. Ce dernier est d’ailleurs particulièrement bien détaillé grâce aux différents artefacts que vous pouvez ramasser tout au long de votre voyage. Cette approche fait de Trek to Yomi un curieux petit jeu, qui l’est d’autant plus quand on se penche sur son but premier.
Une œuvre artistique à la Kurosawa
Certains l’auront sans doute remarqué, Trek to Yomi est avant tout une expérience presque cinématographique, hommage notamment aux films du réalisateur japonais Akira Kurosawa. En optant pour le noir et blanc et des plans de caméra différents, le titre se démarque merveilleusement bien et parvient à nous surprendre jusqu’à la fin de par sa réalisation. Les tableaux se succèdent et ne se ressemblent pas. Malgré des graphismes datés lors des cinématiques, le titre réussit à imposer une patte artistique atypique qui fait mouche en jeu.
De plus, cette attention toute particulière portée aux visuels n’entache en rien le gameplay. Les changements d’angles, bien que réguliers, sont fluides et jouent intelligemment sur ce dernier. Trek to Yomi passent ainsi du défilement horizontal pour les combats à une 3D un peu plus ouverte pour les phases d’exploration. Cet entre-deux fonctionne tout particulièrement en jeu, nous proposant un rendu cohérent et agréable à traverser tout du long.
Jouant sur les décors et les effets de lumière notamment, certains tableaux sont particulièrement saisissants. Mieux encore, ils donnent à plusieurs scènes de combat un côté épique qui donne envie de s’y impliquer à fond. Avec cette direction artistique maîtrisée, Trek to Yomi a trouvé son plus gros point fort. Néanmoins, elle risque tout de même de laisser certains joueurs sur le carreau, notamment ceux rebutés par l’usage du noir et blanc et des graphismes à l’ancienne. De ce point de vue, Trek to Yomi a un côté artistique certain, mais qu’en est-il de sa fonction de jeu en soi ?
Sifu chez les samouraïs ?
SI on vous a déjà parlé des phases d’exploration (facultatives mais intéressantes), le gros de Trek to Yomi consiste tout de même à taillader vos opposants à coups de katana. Après avoir fait vos premiers pas dans l’art du combat grâce à votre sensei, vous êtes jetés dans la fosse aux lion où différents ennemis ne cherchent qu’une seule chose : vous faire rejoindre le monde de Yomi. Mais il n’y a pas là de quoi trembler devant eux.
Malgré ce que certains pensaient, Trek to Yomi n’est pas un SIFU version samouraï. Ses mécaniques de combats et les patterns des ennemis sont assez simples et ne vous poussent jamais dans vos retranchements. Une fois qu’on les connaît, il est peu probable de se retrouver réellement en difficulté. De plus, l'intelligence artificielle n'arrange pas les choses. Certains ennemis se contenteront par exemple d'attendre dans un coin avant de vous attaquer en boucle sans une once de stratégie. Vous pourrez parfois même esquiver le combat et mettre certains ennemis hors d’état de nuire en vous servant du décor (point assez intéressant au demeurant).
Contrairement à la plupart des jeux du genre, la difficulté n’est donc pas franchement graduelle. Un fait voulu par Leonard Menchiari, censé mettre l’emphase sur les moments de grande tension. Mais voilà, ces derniers ne sont que trop peu présents, se limitant à un ou deux combats de boss corsés. Si la satisfaction de pourfendre un ennemi ne s’estompe jamais réellement, c’est plus grâce à la théâtralisation de l’acte et à la chorégraphie joliment réalisée des combats que sa difficulté d'exécution. Sans celles-ci, on se lasserait presque des duels ou des vagues d’ennemis nous encerclant.
Et pourtant, Flying Wild Hog a fait l’effort de nous proposer un gameplay évolutif. Tout au long de votre épopée, vous ramassez de nouvelles armes et apprenez de nouvelles techniques de combat. Si certaines ont du style, d’autres se révèlent malheureusement trop risquées ou superflues, parfois presque impossibles à placer entre les coups de l’ennemi. Au final, pour avancer sans trop d’embûches, il vaut mieux se cantonner à marteler les deux mêmes touches dans le même ordre. Outre un moment d'égarement, la seule chance qu'auront vos adversaires d'en réchapper sera de compter sur les quelques bugs (à la manette) vous laissant immobile malgré vos directives.
Que vous soyez en mode facile, normal ou difficile, rien ne change, il suffit juste de répéter l’opération plus ou moins longtemps. Les trois modes de jeux influent uniquement sur la vie des ennemis et la puissance de leurs coups. Ainsi, venir à bout de vos assaillants avec la bonne technique s’avère plus long que difficile. Seul véritable défi : le mode En un coup qui, comme son nom l’indique, vous fera recommencer au dernier checkpoint au moindre coup reçu.
Points forts
- Artistiquement réussi…
- Une plongée au sein de la mythologie shintoïste
- Des combats magnifiquement chorégraphiés…
- Des tableaux dignes de Kurosawa
Points faibles
- ...malgré des graphismes datés
- Des choix superflus
- Peu de difficulté
- ...mais beaucoup trop répétitifs
Trek to Yomi est une très belle œuvre cinématographique. Il n’a pas à pâlir devant les géants qui l’ont inspiré. Son usage de la caméra et du grain noir et blanc lui permettent de nous présenter des tableaux particulièrement somptueux. Ajoutez à cela des chorégraphies de combats qui font briller les yeux et vous obtenez une petite pépite de maîtrise artistique. Si l’on jugeait un jeu à cela, Trek to Yomi serait sans aucun doute en haut du classement. Mais malheureusement, le jeu est, en comparaison, trop peu poussé au niveau du gameplay. Ses choix superflus et ses combats répétitifs l’empêchent d’exprimer son plein potentiel. Cela dit, il vaut tout de même le détour et encore plus si vous êtes sensibles à ce genre d'œuvre vidéoludique.