On dit généralement d’un renard qu’il est rusé, mais dans ce cas, le petit héros de Tunic est surtout lent comme une tortue ! Voilà cinq ans que le titre a été présenté à l’E3 2017. Un temps considérable pendant lequel le Zelda-like, notamment remarqué pour sa jolie direction artistique et ses combats exigeants, est resté très discret, préparant doucement mais sûrement ses réserves pour l’hiver 2022. Cette fois, c’est la bonne : la boule de poils est prête à sauter dans le grand bain. Est-ce que ça valait le coup d’attendre ?
Retrouvez un peu plus haut notre test vidéo de Tunic, pour connaître notre avis en quelques minutes et en images. Notez que vous pouvez désormais profiter ci-dessous d'une mise à jour du test d'origine qui concerne les versions Nintendo Switch, PS4 et PlayStation 5 sorties le 27 septembre 2022.
Tunic n’étant pas trop exigeant techniquement, nous pouvions donc espérer des versions PlayStation idéalement optimisées, c'est à dire en 60fps parfaitement stables. Pas de mauvaise surprise à ce niveau : la finition de Tunic est celle de nombreux jeux indépendants qui s'adaptent à chaque console actuelle sans difficulté. On regrettera quand même de retrouver des erreurs de traduction similaires dans les menus à celles déjà constatées dans la version d'origine. Dans le même style, la liste de succès en anglais n'a pas davantage été traduite au moment de la changer en liste de trophées PlayStation.
Ces rares oublis témoignent néanmoins d’un portage très fidèle qui a bien pris soin d'adapter les pages de sa fameuse notice aux Dual Shock 4 et DualSense. À noter que si vous jouez sur une PlayStation 4 "fat" ou d'une PS4 slim, Tunic tournera à 30 images par seconde sur ces versions, ce qui était le cas sur les deux plus anciens modèles de Xbox One.. Par contre, sur PS4 Pro, les 60fps sont au rendez-vous, et il en va logiquement de même sur PlayStation 5 où les temps de chargement inexistants rendent l’expérience encore plus fluide.
Le portage Switch de Tunic, lui, posait pas mal de questions. Le trailer nous avait un peu inquiétés lors de l’annonce de son arrivée sur la console hybride, car il donnait l'impression d'un jeu au framerate incertain et bien plus flou. Comme les Nintendo Direct ont la réputation d’être honnêtes sur la qualité visuelle des jeux montrés dans les trailers, on était un peu en droit de se demander si la Switch allait être la console idéale pour accueillir ce Zelda-like qui semblait promis pour elle. Après environ une heure de jeu, le constat est un peu mitigé, mais heureusement on reste loin de la catastrophe. Tunic tourne à 30fps, comme sur une vieille PS4 ou Xbox One, mais souffre de ralentissements par endroits, et sa résolution est moindre du fait de compromis techniques en tous genres, qui se remarquent parfois pas mal.
Ci-dessous vous attend le test d'origine du jeu, qui est donc le même que sur Nintendo Switch, PS4 et PlayStation 5, réalisé lors de la sortie du titre sur PC et les consoles Xbox.
Test d'origine de Tunic
Lorsque nous avons interviewé Andrew Shouldice, créateur et principal développeur de Tunic, l’an dernier, une phrase avait particulièrement retenu notre attention : “Je suis de ceux qui ne préfèrent pas dire aux joueurs quand ils ont trouvé tous les secrets. Parce qu’un jeu où vous avez trouvé tous les secrets est un jeu définitivement terminé”. L’homme venait en un clin d'œil de “faire pétiller notre imagination” pour reprendre ses mots. Avant d’être un Zelda-like avec une direction artistique très soignée et des combats exigeants, Tunic est d’abord et avant tout un jeu d’exploration-énigme. C’est simple, il y a des mystères partout. Le personnage qu’incarne le joueur - un petit renard à la houpette rebondie - s’éveille d’ailleurs sans la moindre explication sur les bords d’un monde vaste. Il faudra bien sûr partir à l’aventure pour dégôter des réponses. Une mystérieuse entité est retenue prisonnière et vous devrez trouver un moyen de la délivrer. Il ne reste donc plus qu'à partir explorer cet univers.
Secrets partout
Comme le premier The Legend of Zelda, source d’inspiration assumée d’Andrew Shouldice, Tunic est un jeu qui vous dit en gros “explore et débrouille toi” tout en faisant son possible pour vous indiquer vaguement où aller, sans trahir ce formidable sentiment d’aventure et de mystère, tel un étranger dans un monde étrange. C’est l’une des grandes réussites du titre. Tunic fait en effet preuve d’un level design particulièrement malin et efficace, arrivant à mettre sur notre route mille et un secrets tout en maintenant un semblant de cap. Des secrets souvent bien cachés, grâce au choix de la 3D isométrique et aux jeux de perspective, celle-ci pouvant être inclinée un peu avec la touche pour verrouiller les ennemis. Car ici, pas de mini-carte, de système GPS ou de journal de quête. Tunic guide subtilement le joueur avec, entre autres, des panneaux écrits dans une langue inconnue, mais dont quelques mots et symboles lisibles vous mettront sur la bonne voie. Parfois, des zones demanderont aussi des objets obligatoires pour progresser, comme l’épée ou la lanterne, pouvant délimiter votre exploration et vous inviter à revenir plus tard. Un peu comme dans Zelda donc, sauf que Tunic ne propose pas de structure linéaire basée sur “donjon, objet, donjon, objet”. Après un certain point, le joueur sera libre d’aller où bon lui semble pour mener son aventure à bien, ou revenir sur ses pas pour tenter de trouver des secrets inédits, façon metroidvania.
Mais vous n’avez encore rien vu. L’autre star de Tunic, c’est un manuel papier directement intégré au jeu qu’il faudra compléter et dont les pages sont éparpillées - et à terme bien cachées - dans le monde. Le document occupe une place très importante. Au-delà du clin d'œil aux titres des années 90's, d'informations sur l’univers et de cartes très utiles, il contient des indices sur le fonctionnement même de certaines mécaniques de jeu, parfois obligatoires pour progresser (et qui attendent sagement depuis le début de la partie). Un concept génial. Chaque technique découverte forme un puissant cocktail de surprise et de satisfaction, dans la mesure où le joueur aurait pu tomber dessus des heures auparavant, par hasard. C’est cet exact sentiment qui se manifeste au moment de découvrir l’un des nombreux raccourcis du jeu, de taille à chambouler la route de base. Comme les techniques, ces passages patientent eux aussi depuis les premiers instants, à l'ombre d'une perspective alambiquée, sans même être fermés par un mécanisme. Une fois découverts, c'est assez vertigineux de connaître leur existence.
Pas d'inquiétude, il est quasi-impossible de découvrir ces éléments en amont, à moins d'avoir un très gros coup de chance ou de faire n'importe quoi avec la manette. Pas de risque donc de "ruiner" sa première partie. Cerise sur le gâteau, le tout donne lieu à un chouette potentiel de rejouabilité. L'un dans l'autre, Tunic met ainsi en place un formidable sentiment d’aventure et de mystère, qui continue de grandir à mesure que le joueur progresse, déniche des indices, et réalise tout ce qui lui est passé sous le nez. Mais avec de tels choix de design, c’est aussi tout l’inverse qui peut se produire. Une information cruciale manquée et patatra, le joueur se retrouve à tourner en rond. Rassurez-vous, les pages contenant ce genre d’infos sont plutôt bien mises en valeur, avec des illustrations explicites. Mais un loupé peut arriver. Notez que Tunic ne propose pas de système d’aide ou de quoi annoter les cartes. Une radicalité qui fait aussi bien sa force que sa faiblesse. Ceux qui se prendront au jeu de la chasse aux secrets trouveront un titre vraiment marquant. Les autres garderont “juste” le souvenir d’un très bon Zelda-like.
Même après avoir trouvé toutes les informations obligatoires pour avancer, ce fameux manuel papier n’aura pas livré tous ses secrets. Loin de là. Le document renferme en réalité un tas d’indices pour découvrir les plus gros mystères du jeu. Des indices par exemple indiqués dans la marge, d’un bref coup de stylo à bille, mais pas que. Ces secrets juteux font office de “end game”, ne sont pas demandés pour voir le générique de fin et sont seulement là pour contenter les fans d’énigmes. Et ils seront servis. Nous avons pris un pied monstre à résoudre les derniers mystères de Tunic - toujours justes et jamais trop capillotractés - surtout en collaborant avec d’autres personnes. Dans ce dernier cas, le titre a pris des airs d'expérience sociale super excitante, créant un souvenir mémorable. Mais cela demande du temps et d'être entouré des bonnes personnes. L'expérience pourra varier selon les cas.
Face au danger
Sous couvert d’une direction artistique colorée et très agréable à l'œil - qui repose d’ailleurs sur une technique assez simple - Tunic est en réalité un titre brut, qui laisse souvent le joueur face à lui-même. Et en marge des secrets, ce sont également les phases d’action qui ne seront pas de tout repos. Tunic mise sur des combats assez exigeants basés sur la lecture des gestes ennemis, l’esquive et la gestion d'endurance. Sur ce point, au-delà du duo épée-bouclier et de la tenue verte qui rappelle évidemment Zelda, le titre emprunte beaucoup plus aux Dark Souls. Avec toutefois une volonté de rendre le tout moins pointilleux. L’endurance descend seulement lorsque le petit retard fait une roulade ou encaisse des coups avec le bouclier, pas quand il frappe avec l'épée. Quand cette ressource retombe à zéro, l’animal pourra toujours bondir pour esquiver mais sans profiter de la fenêtre d’invincibilité offerte lorsqu’il est en forme. Idem en cas de mort : un échec vous fera perdre une petite partie de vos “pièces” et pas sa totalité. Après quoi, vous réapparaîtrez au dernier checkpoint actif (l'équivalent des feux de camp des Souls) et pourrez réclamer votre dû sur le lieu de votre trépas. Rien de très pénalisant.
De quoi offrir juste ce qu’il faut de challenge sans trop verser dans l’excès. Andrew Shouldice souhaitait insuffler juste ce qu'il faut de difficulté pour faire ressentir au joueur qu'il n'est pas la bienvenue dans ce monde et c'est une réussite totale. Dans Tunic, la difficulté augmente progressivement mais sans jamais être frustrante. Au-delà des ennemis classiques, ce sont surtout les boss qui représenteront un cap à passer. Ces derniers ont ont tous fait l’objet d’un soin particulier, aussi bien en termes d'animations que de mise en scène. Des combats épiques pendant lesquels les objets ramassés en cours de route pourront s’avérer très pratiques (et dont l’utilité réelle est d’abord dissimulée derrière le langage inconnu évoqué plus haut). Une exigence bien présente avec laquelle les joueurs ne seront pas forcément tous à l'aise, et Tunic l'a compris. À tout moment de l’aventure via le menu pause, il est possible de devenir invincible et/ou de ne plus perdre d’endurance. Une très bonne idée pour permettre à tout le monde de se plonger dans un univers qui cache mille et un secrets, qui vous marquera l'esprit.
Conclusion
Points forts
- Énigmes soignées, abordables
- Juste ce qu'il faut de challenge
- Direction artistique très réussie
- Univers beau et mystérieux
- Bande-son bien dans le ton
- Les options d’accessibilité
- Un “end-game” marquant
- Une chouette rejouabilité
Points faibles
- Formule qui peut être frustrante…
- …Et occulter la richesse du jeu
- Pas d’aide in-game si bloqué
Note de la rédaction
Plus qu’un très bon Zelda-like, Tunic est un formidable jeu d’aventure-puzzle qui va enchanter les fans d’exploration et de secrets. Car le jeu d’Andrew Shouldice et de ses copains en contient beaucoup. Vraiment beaucoup. À commencer par ceux cachés en dehors des sentiers battus, grâce à une 3D isométrique colorée de toute beauté. Mais surtout ceux dissimulés dans un manuel papier directement intégré au jeu. Une idée géniale qui fait aussi bien office de carte, de manuel d’histoire que de recueil d’indices, et qui se place au cœur de la progression. Tunic sait ainsi très régulièrement surprendre le joueur avec des choses présentes depuis le début - un passage, une mécanique de jeu - mais qui se révèlent des heures plus tard. Sans oublier les phases d’action exigeantes et solides, qui renferment des moments marquants. Des combats qu’il est d’ailleurs possible de rendre très simples, grâce à des options d’accessibilité. De quoi se concentrer avant tout sur les secrets de Tunic, que nous avons pris un pied monstre à résoudre. Car c'est là que se cache la vraie richesse du jeu. Un gros coup de coeur.