Explorateurs des troubles psychologiques, les dix têtes créatives du studio LKA avait fait leurs premières armes en 2016 avec l’aventure The Town of Light qui abordait les thématiques de la santé mentale. L'équipe basée aux portes de Florence a depuis façonné une nouvelle œuvre qui lui fait écho, mais au ton bien plus cru et plus brutal. Martha is Dead déroule un thriller mortifiant dans une campagne toscane encore en proie à la Seconde Guerre mondiale. Giulia, fille d’un haut gradé nazi, découvre dans un lac le cadavre tuméfié de sa jumelle Martha. Les mystères qui entourent sa mort devront dès lors être éclaircis. “Le seul retour que j'espère ne jamais voir est l'indifférence. "Martha is Dead ? Juste un autre jeu", me ferait tellement de mal !”, confiait encore récemment le directeur artistique Luca Dalco. Gagné, le nouveau jeu de LKA ne laissera franchement personne indemne.

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Disturbing content

Vivement déconseillé aux âmes sensibles et aux cœurs fragiles, Martha is Dead est à remettre à ceux qui n’ont pas peur des interprétations visuellement perturbantes. L’avertissement s’inscrit dès l’ouverture : “Déconseillé aux joueurs susceptibles d'être gênés par des illustrations contenant du sang, des démembrements, la défiguration de corps humains, une nudité mineure et des actes d'automutilation”. S’il appartient bien à la grande famille du thriller psychologique, le titre explore aussi avec une violence horrifique les complexités de l'esprit et ses traumatismes. “J'aime l'horreur lorsqu'elle essaie de faire autre chose qu'effrayer avec des visions et des sons”, nous partageait Luca Dalco quelques semaines plus tôt.

Le directeur mise sur du body horror ponctuel qui décroche la mâchoire et retourne les estomacs. Envieuse du traitement privilégié accordé à Martha, Giulia lui vole son identité, faisant passer son cadavre pour le sien. Alors au cours d’une représentation métaphorique, elle dépèce le visage de sa jumelle comme l’aurait fait Leatherface à l’une de ses victimes. Un premier acte particulièrement troublant qui n’est que le premier d’une longue lignée d’atrocités que vous aurez à commettre. Martha is Dead vous force à commettre l'impensable dans des sphères très intimes et provoque des séquences sincèrement bouleversantes. Après six heures à baigner dans un océan d’abominations qui servent indéniablement au propos, difficile d’achever l’expérience sans être profondément perturbé par nos méfaits. Le jeu de LKA est destiné à déranger un public bien ciblé et soulève volontiers des débats sur sa cruauté.

Balade en Italie

Dans notre enquête sur le décès de Martha, les séquences courtes se succèdent, profitant d'un rythme souvent impeccable. La découverte des environnements se ponctue de cinématiques aux plans biens huilés. La photographie est superbe dans son ensemble. Essentiellement simulateur de marche, Martha is Dead vous guide attentivement au sein de ses murs invisibles et de ses déclencheurs de script. Un brin de liberté se propose sur une quête optionnelle, quand le joueur se voit confronté à un choix moral. Celle-ci devient cependant très vite pilotée. Et les points de repère notés sur votre carte vous privent souvent d’un véritable travail de recherche. Le jeu vous confie en revanche un précieux appareil photo, objet chéri par Giulia. L’accessoire profite d’une agréable profondeur : selon le sujet photographié, il faut varier le filtre, l'objectif, l’exposition et la luminosité. Les clichés révèlent de nouveaux pans narratifs. Les développer dans la chambre rouge se montrera tout de même vite chronophage en raison des manipulations à effectuer sans cesse. La plus grande distraction demeurera le mystère entourant Martha, souvent éclatant dans son cadre de guerre, avant qu'il ne s’évapore sur une conclusion qui pourrait causer quelques rictus.

La beauté toscane

Les atrocités de Martha is Dead perturbent singulièrement les décors estivaux de la campagne italienne, offrant un contraste très intéressant. Prévoyez au minimum une GeForce GTX 1060 ou une carte AMD RX 580 pour 2GB de VRAM si vous souhaitez parcourir confortablement les chemins arides de ce walking simulator. Il n'a néanmoins pas échappé à quelques chutes de framerate de notre côté. Le photoréalisme offre une immersion saisissante, des pièces pittoresques de la maison familiale aux routes toujours inquiétantes qui mènent jusqu’au lac funeste. Dès les premiers instants en jeu, le visage de Giulia laisse apparaître d’infimes balafres, témoins du soin apporté à l'authenticité de l’image.

Les panoramas jouissent d'un travail sonore absolument remarquable. Nos balades s'agrémentent tantôt du vacarme des avions de chasse ou du chant des oiseaux. La maison de Giulia abrite des radios d'où s'échappent une poignée de brèves ou de classiques réinventés, comme O Bella Ciao. Les doublages sont tout aussi saisissants. LKA se targue par ailleurs de proposer le premier jeu indépendant à paramétrer par défaut l’italien comme langue maternelle. La traduction française a été travaillée jusqu’aux grands titres des journaux qui se succèdent sur la table à manger. Dommage que son approximation gêne par instant la résolution d’une énigme particulière.

Conclusion

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