Sorti de son accès anticipé sur PC en janvier 2022, Not For Broadcast repose sur un concept aussi original qu'excitant : réaliser un journal télévisé satirique depuis le cadre d'une petite régie. L'expérience en full motion video s'avère singulière.
Quand on leur demande “pourquoi le FMV ?”, les directeurs de NotGames, Alex Paterson et Denis Sewell, répondent : "Le FMV est une toute petite niche, et nous essayons de dominer cette niche et d'en être les leaders" (GamesIndustry). Une ambition qui hérite d’expériences familières : c’est après avoir enchaîné une poignée de jobs à la télévision, au cinéma ou encore pour des compagnies de théâtre que le studio anglais se forme. Leur jeu de chaos télévisuel à l’humour purement british, Not For Broadcast, embarque une troupe d’acteurs délurés dans une version alternative et satirique des années 80. Si la forme est motivée par le succès du titre Her Story de Sam Barlow, le fond est inspiré d’une manifestation en faveur du Tibet libre tenue à Londres quelques années plus tôt. Sewell prend conscience que l’événement reçoit un traitement médiatique différent selon les angles et les séquences diffusés. C’est là tout le principe de Not for Broadcast, qui nous demande d’assurer la réalisation du journal National Nightly News et le traitement de leurs sujets à haut risque.
Edition très spéciale
Alex Winston chasse tranquillement les poussières de la régie du National Nightly News quand un coup de fil du réalisateur lui apprend qu’il va devoir assurer la tenue de l’émission à sa place pour des raisons obscures. Face à lui : quatre caméras, un bouton de censure, un signal d'interférence et une poignée d'interrupteurs qu’il faudra manipuler méthodiquement pour maintenir en forme la jauge d’audience du journal présenté par les charismatiques Jeremy Donaldson et Megan Wolfe. La navigation au clavier/souris se montre très aisée. Not for Broadcast adopte un concept franchement original qui profite à une palette de situations complètement burlesques. Ainsi faudra t-il un jour osciller entre chaque caméra afin d'esquiver les parties intimes d’un groupe de manifestants nus venus interrompre une compétition sportive de lancers de balles dans une corbeille (La victoire revenant à celui qui rate le plus de tirs). Une autre fois, il s’agira de censurer les grossièretés profanées par un politique visiblement très alcoolisé lors d’un discours public. Les éditions extravagantes se succèdent dans un climat particulier : Le néoparti Advance vient d’être élu au pouvoir et s’empresse de confisquer aux plus riches l’ensemble de leurs biens. Au gré des semaines, le gouvernement devient davantage autoritaire et assiste même à la levée d’un groupuscule opposant. Choisirez-vous de diffuser des spots de propagande, ou des appels à la résistance ? Opterez-vous pour des huées envers la Première ministre ou pour une pluie d’applaudissements ?
Les séquences insolites, grotesques et parfois grossières s'enchaînent, servies par une palette d’acteurs tordants et vraiment convaincants. Le spectacle est souvent un plaisir. Il risque en revanche de n’être que trop partiellement suivi par ceux dont sa compréhension nécessite des sous-titres, le doublage n'étant qu’en anglais. La lecture des textes français, en outre d’être parfois inconfortable, requiert une attention souvent malmenée par la demande de tâches à effectuer simultanément. Heureusement une salle d’archive renferme chaque rush réalisé ; un rendez-vous privilégié pour révéler les discussions manquées lors des coupures publicitaires et qui nourrissent une passionnante intrigue dystopique.
Faux raccords
Le jeu ne se contente pas de vous confronter à quelques enchaînements de dilemmes professionnels ; il vous montre également les impacts de ces derniers sur votre vie personnelle. Chaque grand chapitre est ponctué de tranches de vie textuelles à choix multiples parfois surabondantes, lesquelles portent généralement sur votre famille et l’état de vos finances. Les embranchements sont assez généreux pour déboucher sur quatorze fins différentes, une première run vous occupant environ une dizaine d'heures. Not for Broadcast n’évite pas pour autant certains creux et longueurs scénaristique qui donnent l’impression de patauger. Le dernier acte, en l'occurrence, s’achève en partie dans un certain épuisement ; la faute à une succession d’intervenants dont l’apport ludique n’est que trop discutable.
Aussi si chaque invité du JT n’hérite pas de la même prestance, les mécaniques de jeu qui accompagnent leurs performances ont quant à elles trop souvent la même saveur. Les manœuvres se répètent et restent bien souvent trop encadrées si vous optez pour l’expérience de base. Not for Broadcast dispose néanmoins d’une palette de niveaux de difficulté et d’une série de défis qui proposeront davantage de challenge. Celui-ci repose en partie sur les bases du die & retry : une grosse erreur de réalisation vous oblige à recommencer l’édition dès le début ; une consigne qui vous force habilement à conserver les yeux partout.
Conclusion
Points forts
- Un concept franchement singulier
- Un humour très british
- Des séquences complétement burlesques
- Des acteurs franchement marquants
Points faibles
- Un jeu qui vous prend trop souvent par la main
- Des mécaniques qui manquent de se renouveler vraiment
- Un dernier acte qui tire en longueur
- Une lecture peu confortable pour les non-anglophones
Note de la rédaction
Pour son concept franchement inoubliable et ses séquences complétement absurdes, Not For Broadcast constitue une expérience presque immanquable. Les aficionados d'humour british et de dystopies satiriques seront servis par les prestations aussi convaincantes qu'extravagantes des acteurs. Dommage que notre liberté d'action au sein de la régie du National Nightly News soit aussi encadrée et que nos manœuvres deviennent bien vite trop machinales.